ÉGYPTE : Les mêmes droits pour tous, sans exception

Index AI : MDE 12/023/02

Le deuxième procès de 50 hommes déjà jugés l’année dernière en raison de leur orientation sexuelle présumée s’ouvre ce jour (mardi 2 juillet 2002) devant une juridiction pénale du quartier de Qasr al-Nil, au Caire.

« Nous avions salué l’annulation par le président Hosni Moubarak de leur condamnation, qui a débouché sur la libération de 21 prisonniers d’opinion. Nous sommes aujourd’hui vivement préoccupés par la décision des autorités égyptiennes de rejuger ces hommes sous des chefs d’inculpation qui sont discriminatoires et incompatibles avec leur droit au respect de leur vie privée », a déclaré Amnesty International.

Dans un courrier récemment adressé à l’organisation, l’ambassade d’Égypte à Zagreb (Croatie) souligne qu’en vertu du droit au respect de la vie privé, tel qu’il est défini par le droit international, nul ne doit être opprimé en raison de son orientation sexuelle, y compris les homosexuels. La lettre indique également : « La législation égyptienne ne sanctionne pas la pratique de l’homosexualité si elle n’a pas lieu en public », et ajoute que « les homosexuels ne doivent faire l’objet d’aucune forme de discrimination ». Or, le nouveau procès de ces 50 hommes montre que l’accusation de « pratique de la débauche » est toujours utilisée pour réprimer des relations homosexuelles librement consenties se déroulant dans un cadre privé.
Plusieurs de ces hommes ont affirmé qu’ils avaient été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, notamment au supplice de la falaka (coups assénés sur la plante des pieds) au début de leur détention. Les gays – ou les hommes considérés comme tels – risquent tout particulièrement d’être torturés et maltraités dans les postes de police et les prisons d’Égypte.

Peu après son arrestation, un de ces 50 hommes a déclaré à un procureur qu’il avait été torturé en détention, et lui a montré les marques qu’avaient laissées ces violences sur son corps. Le magistrat a noté qu’il s’agissait de « lignes rouges verticales au milieu du dos […] qui, selon l’accusé, étaient les traces de coups assénés avec une badine ». Dans un certain nombre de cas, les accusés ont affirmé au tribunal que leurs « aveux » leur avaient été arrachés sous la contrainte et les ont rétractés.

Amnesty International a attiré l’attention des autorités égyptiennes sur ces allégations de torture et de mauvais traitements à plusieurs reprises. Toutefois, à la connaissance de l’organisation, aucune enquête n’a été ouverte. Or, en vertu du droit international, les autorités égyptiennes sont tenues de procéder immédiatement à une enquête impartiale sur toute allégation de torture, et de veiller à ce qu’aucune déclaration obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme élément de preuve en justice.

« Le fait d’emprisonner des personnes au seul motif de leur orientation sexuelle réelle ou présumée constitue une violation du droit de ne pas être victime de discrimination, tel qu’il est garanti par le droit international », a déclaré Amnesty International. L’organisation appelle de nouveau les autorités égyptiennes à libérer immédiatement et sans condition toute personne incarcérée au seul motif de son orientation sexuelle réelle ou présumée.

Complément d’information

Les individus accusés de « pratique de la débauche » sont poursuivis aux termes de la Loi n° 10 de 1961 sur la répression de la prostitution. Si la loi elle-même ne donne pas de définition précise de la « débauche », les autorités judiciaires égyptiennes appliquent ce terme non seulement à des relations homosexuelles s’inscrivant dans un contexte de prostitution masculine, mais aussi à des relations sexuelles entre hommes consentants se déroulant dans un cadre privé.

En mai 2001, une soixantaine d’hommes ont été appréhendés au Caire, alors qu’ils se trouvaient pour la majorité d’entre eux dans une boîte de nuit flottante connue sous le nom de Queen Boat. En juin 2001, 52 de ces hommes ont été renvoyés par décret présidentiel devant le tribunal correctionnel de la Cour de sûreté de l’État du Caire, une juridiction instaurée par législation d’exception. En novembre, ce tribunal a condamné 23 hommes à des peines allant de un à cinq ans d’emprisonnement. Vingt et un ont été reconnus coupables de « pratique de la débauche », un de « mépris de la religion » et le dernier de ces deux chefs d’accusation. Amnesty International a adopté 22 de ces 23 hommes comme prisonniers d’opinion et demandé leur libération immédiate et inconditionnelle (voir le rapport d’Amnesty International intitulé Égypte. Torturés et emprisonnés du fait de leur orientation sexuelle réelle ou supposée [MDE 12/033/01, décembre 2001]).

En mai 2002, le président Hosni Moubarak a ratifié les sentences de deux de ces 52 accusés, qui avaient été condamnés en violation des normes internationales d’équité à des peines de trois et cinq ans d’emprisonnement.

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