Amnesty International appelle les autorités égyptiennes à les libérer immédiatement et sans conditions, et demande par ailleurs aux autorités du Royaume-Uni d’utiliser tous les moyens dont elles disposent pour rendre visite à Alaa Abdel Fattah en prison et obtenir sa libération.
Alaa Abdel Fattah et son avocat Mohamed Baker ont été arrêtés en septembre 2019. Ils sont été condamnés en décembre 2021 par une cour de sûreté de l’État à cinq et quatre ans de prison respectivement, pour « diffusion de fausses nouvelles ». Depuis le 2 avril 2022, Alaa Abdel Fattah mène une grève de la faim pour protester contre son emprisonnement injuste, ses conditions de détention inhumaines et le refus des autorités pénitentiaires de lui accorder des visites consulaires.
« Cela fait maintenant 1 000 jours qu’Alaa Abdel Fattah est en prison, où les autorités carcérales et les services de sécurité l’ont soumis à tout un éventail de violations des droits humains, telles que la torture et d’autres mauvais traitements, en représailles de son rôle de premier plan dans la révolution de 2011. Les autorités égyptiennes savent qu’Alaa Abdel Fattah est un symbole de la résistance et de la liberté en Égypte et dans la région en général. Son maintien injustifié en détention envoie un message d’avertissement aux autres militant·e·s et vient entacher les préparatifs de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui doit se tenir en Égypte cette année », a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« Après plus de 80 jours de grève de la faim, Alaa Abdel Fattah entre maintenant dans une phase critique, tant psychologiquement que physiquement. Les autorités égyptiennes sont responsables de sa vie et doivent le libérer immédiatement. »
Les membres du Conseil national des droits humains, institution nationale de défense des droits fondamentaux en Égypte, n’ont pas vu Alaa Abdel Fattah lors de leur visite à la prison de Wadi el Natroun, où il est détenu depuis le 18 mai. Ils ont rapporté les propos des responsables de la prison, selon lesquels le détenu n’est pas en grève de la faim, reçoit ses repas quotidiens et présente des « paramètres vitaux normaux » d’après les rapports médicaux des autorités pénitentiaires.
La sœur d’Alaa Abdel Fattah, Mona Seif, s’est mise aussi en grève de la faim pour soutenir son frère. Elle a expliqué à Amnesty International : « Quand je lui ai rendu visite le 12 juin et que j’ai vu à quel point il avait perdu du poids et combien il semblait fragile, j’ai décidé que, puisque les autorités égyptiennes faisaient tout leur possible pour cacher le fait qu’il avait cessé de s’alimenter, j’allais me joindre à lui et utiliser mon corps comme miroir pour relayer sa grève de la faim. »
Le 9 juin, l’avocat d’Alaa Abdel Fattah, Khaled Ali, a publié sur Facebook un message indiquant qu’on lui avait interdit de voir son client, alors qu’il avait une autorisation de visite officielle.
Confrontées à une surveillance internationale accrue de leur bilan en matière de droits humains, les autorités égyptiennes ont ces derniers mois libéré des dizaines d’hommes et de femmes injustement détenus et, en avril 2022, elles ont réactivé la Commission des grâces présidentielle, chargée de réexaminer un certain nombre de dossiers de personnes emprisonnées. Cependant, le travail de cette Commission est contrôlé par les forces de sécurité et se caractérise par un manque de transparence et l’exclusion de certains prisonniers et prisonnières d’opinion et d’autres personnes détenues pour des raisons politiques.
Selon un article publié par le site d’information indépendant Mada Masr, qui est bloqué en Égypte, une source anonyme proche de la Commission a indiqué que les services de sécurité n’autoriseraient pas la libération d’Alaa Abdel Fattah.
Le 21 juin 2022, Liz Truss, ministre britannique des Affaires étrangères, s’est engagée publiquement à intervenir pour tenter de le faire libérer, affirmant que les autorités britanniques travaillaient très dur en ce sens. Elle a dit qu’elle évoquerait son cas lors de la visite imminente du ministre des Affaires étrangères égyptien Sameh Shoukry.
« Tandis que les autorités égyptiennes persistent à vouloir réduire l’opposition au silence et enfermer les militant·e·s, le gouvernement du Royaume-Uni doit intensifier la pression et demander publiquement et en privé la libération d’Alaa Abdel Fattah, tout en faisant le nécessaire pour obtenir une visite consulaire », a déclaré Amna Guellali.
Mona Seif a ajouté : « Je porte dans mon corps la grève de la faim de mon frère en espérant que les représentant·e·s des autorités britanniques que je rencontre prennent conscience de l’urgence de sa situation et interviennent en sa faveur avec la diligence et la force nécessaires. »
Complément d’information
Alaa Abdel Fattah a obtenu la nationalité britannique récemment, en 2021, par sa mère née au Royaume-Uni. Sa famille a annoncé la nouvelle en avril 2022. En décembre 2021, il a demandé une visite consulaire des autorités britanniques, mais les autorités égyptiennes n’ont pas répondu. Il a déposé plusieurs plaintes pour torture et autres mauvais traitements, notamment pour avoir été frappé, alors qu’il avait les mains menottées, parce qu’il avait demandé à faire de l’exercice en extérieur.
Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, organisation égyptienne de défense des droits humains qu’il a fondée en 2014. Le 20 décembre 2021, un tribunal d’exception l’a déclaré coupable de « diffusion de fausses nouvelles », une accusation montée de toutes pièces, pour ses publications sur les réseaux sociaux.
Alaa Abdel Fattah est en grève de la faim depuis le 2 avril 2022, absorbant uniquement de l’eau et du sel. Sa famille s’inquiète pour sa vie car son état de santé de détériore. Sa sœur, Mona Seif, elle aussi militante, a entamé une grève de la faim il y a plus de deux semaines.
Ces derniers mois, des dizaines de personnes injustement détenues ont été libérées après la réactivation de la Commission des grâces présidentielles, mais des milliers d’autres croupissent toujours derrière les barreaux et les arrestations arbitraires se poursuivent sans relâche.