Communiqué de presse

Égypte. Projet de loi antiterroriste : un nouvel outil pour museler les militants pacifiques et écraser la dissidence

"Une loi antiterroriste resserrant la poigne de fer des autorités égyptiennes sur le pouvoir porterait un coup terrible aux libertés fondamentales et aux principes relatifs aux droits humains et doit être abandonnée sans délai ou révisée en profondeur", a déclaré Amnesty International.

Le projet de loi, actuellement débattu par le gouvernement, constitue une attaque flagrante contre les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Il fragilise les garanties relatives à l’équité des procès et étend le recours à la peine capitale. Si elle est approuvée, la loi pourrait être promulguée par le président et ratifiée dans les jours qui viennent.

"Ce projet de loi antiterroriste renforce considérablement les pouvoirs des autorités égyptiennes et menace des droits aussi fondamentaux que la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. S’il est approuvé, il deviendra un nouvel outil au service des autorités pour réprimer toute forme de contestation", a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Le gouvernement égyptien doit abandonner ce projet de loi répressif ou le modifier en profondeur afin de le rendre conforme à la Constitution égyptienne, au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière. »

Sous sa forme actuelle, le texte de loi accorde des pouvoirs très étendus au président égyptien, pouvoirs qui, en l’absence d’un Parlement, ne sont pas contrôlés. Le président jouirait alors d’une autorité quasi absolue. En outre, il permet aux autorités de prendre des mesures extrêmes qui ne seraient généralement mises en place que dans le cadre de l’état d’urgence, et ne prend pas en compte les conditions rigoureuses qui président à l’instauration de telles mesures dans le droit international et les normes internationales.

« L’une des raisons pour lesquelles le peuple égyptien est descendu dans la rue en 2011, c’était pour en finir avec l’état d’urgence imposé pendant 30 ans par Hosni Moubarak. Conférer au président actuel des pouvoirs quasi absolus porterait un coup fatal aux droits humains en Égypte », a déclaré Said Boumedouha.

Le projet de loi antiterroriste a été présenté par le Conseil d’État peu après le meurtre du procureur général d’Égypte, le 29 juin, et la vague d’attentats meurtriers dans le nord du Sinaï qui ont fait au moins 17 morts parmi les membres des forces de sécurité.

« La loi antiterroriste est une réaction instinctive visant à consolider la poigne de fer des autorités afin de contrer les menaces à la sûreté de l’État. Si les autorités égyptiennes sont tenues de maintenir l’ordre, elles ne doivent pas le faire en piétinant les droits humains », a déclaré Said Boumedouha.

Le texte impose également de fortes restrictions aux journalistes et aux personnes qui publient sur les attentats « terroristes » des informations ou des statistiques qui contredisent les communiqués officiels. Ils encourent au moins deux ans de prison. Les journalistes ne seraient pas autorisés à recueillir des informations de sources diverses, y compris de témoins oculaires et de familles de victimes, pour remettre en cause la version du gouvernement. Au moins 18 journalistes se trouvent actuellement en détention, entre autres pour « diffusion de fausses informations », infraction non reconnue par le droit international.

« Ces nouvelles mesures reviendraient à bâillonner les journalistes indépendants qui souhaitent rendre compte des faits tels qu’ils les perçoivent. Il s’agit d’une tentative des autorités de faire pression et d’intimider les journalistes qui contestent la version officielle », a déclaré Said Boumedouha.

Le projet de loi élargit la définition d’un « acte terroriste », en utilisant des paramètres vagues tels que « trouble à l’ordre public et à la paix sociale », « atteinte à l’unité nationale et à l’économie nationale » et « entrave à l’application des dispositions de la Constitution et des lois de la nation ».

« Si la loi est adoptée sous sa forme actuelle, elle pourrait criminaliser l’exercice légitime des droits humains, notamment du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, ce qui fait planer une menace particulière sur les journalistes, les blogueurs et les défenseurs des droits humains », a déclaré Said Boumedouha.

Des milliers de personnes, notamment des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes croupissent déjà dans les geôles égyptiennes pour des accusations de « trouble à l’ordre public et à la paix sociale » et « entrave à l’application de la loi  ».

La loi prévoit également la création de tribunaux spéciaux pour juger des infractions liées au « terrorisme » et allonge la liste des crimes passibles de la peine de mort. Or, en vertu des normes internationales, les juridictions militaires ou autres juridictions spéciales ne doivent pas être habilitées à prononcer la peine de mort et son champ d’application ne doit pas être étendu.

Le projet de loi prévoit que les tribunaux traitant d’affaires de terrorisme rendent des verdicts hâtifs et limite les recours devant la Cour de cassation. La procédure d’appel comportait jusqu’à présent deux recours, et le nouveau texte supprime une garantie majeure en matière d’équité des procès pour les personnes condamnées par ces tribunaux spéciaux. Des centaines de personnes risquent ainsi d’être exécutées à l’issue de procédures expéditives et entachées de graves irrégularités.

« Des centaines d’Égyptiens ont déjà été condamnés à mort en Égypte à l’issue de procès ne respectant pas les normes d’équité. Avec la loi antiterroriste, beaucoup d’autres risqueraient d’être exécutés au terme de procédures tout aussi iniques. Les autorités ne doivent pas chercher à élargir le champ d’application de la peine de mort, mais prendre des mesures en vue de son abolition », a déclaré Said Boumedouha.

Sept hommes ont été exécutés en Égypte en 2015 à l’issue de procès manifestement iniques, y compris devant des tribunaux militaires spéciaux.

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