Communiqué de presse

Égypte. Si les partis sont favorables à la levée de l’état d’urgence, beaucoup refusent de s’engager sur les droits des femmes

La plupart des principaux partis politiques égyptiens s’engagent à mettre en œuvre une réforme ambitieuse en termes de droits humains dans le cadre de la transition en Égypte. En revanche, s’agissant de s’engager à mettre un terme à la discrimination, à protéger les droits des femmes et à abolir la peine de mort, ils délivrent des messages ambigus voire refusent catégoriquement, a déclaré Amnesty International mardi 24 janvier.

À la veille des élections parlementaires égyptiennes qui ont débuté en novembre, l’organisation a en effet invité les partis politiques qui présentent des candidats à signer un Manifeste pour les droits humains, présentant 10 réformes clés, afin de montrer leur détermination à mettre en place une véritable réforme sur le terrain des droits humains.

Amnesty International a adressé des courriers à 54 partis politiques et demandé à rencontrer les représentants de 15 des principaux partis, dont neuf ont signé le manifeste, soit dans sa totalité, soit en partie. Trois autres ont livré oralement leurs réactions.

Le Parti de la justice et de la liberté (LPJ), qui a remporté la majorité des sièges à la nouvelle Assemblée du peuple, compte parmi les trois autres partis qui n’ont pas répondu concrètement, malgré les efforts considérables déployés par Amnesty International pour connaître ses opinions.

« Alors que le nouveau Parlement va siéger pour la première fois cette semaine, il est encourageant de constater qu’autant de grands partis ont pris en compte nos recommandations et sont disposés à souscrire à d’ambitieuses réformes en faveur du changement pour combattre la torture, protéger les droits des habitants des bidonvilles et garantir des procès équitables, a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Toutefois, il est préoccupant de constater que plusieurs partis ont refusé de s’engager à garantir l’égalité des droits entre hommes et femmes. Seules quelques femmes ont obtenu des sièges au sein du nouveau Parlement ; d’énormes obstacles restent à franchir pour que les femmes puissent jouer pleinement leur rôle dans la vie politique en Égypte.

« Nous exhortons le nouveau Parlement à saisir l’occasion, lors de l’élaboration de la nouvelle Constitution, de garantir tous ces droits pour tous les citoyens d’Égypte. La Constitution doit se fonder sur la non-discrimination et l’égalité entre hommes et femmes. »

Les deux seuls partis à adhérer à tous les engagements présentés dans le Manifeste sont le Parti social-démocrate égyptien et l’Alliance populaire socialiste. Cependant, la quasi-totalité des 12 partis ayant répondu ont souscrit aux sept premiers engagements du Manifeste.

Ils concernent notamment les droits civils et politiques. Voici quelques-unes des promesses majeures : mettre fin à l’état d’urgence en vigueur depuis 30 ans, lutter contre la torture, respecter la liberté d’expression et d’association, garantir l’équité des procès et enquêter sur les atteintes aux droits humains commises sous le régime de Hosni Moubarak.

Amnesty International a également reçu l’assurance de la plupart des partis qu’ils respecteraient les droits des habitants des bidonvilles et garantiraient le respect des droits économiques, sociaux et culturels de tous les Égyptiens.

Réserves :
Le 8e engagement, visant à mettre fin à la discrimination, a reçu l’approbation de la majorité des partis, mais plusieurs ont déclaré qu’ils ne pouvaient s‘engager à mettre un terme à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Au moins deux partis ont laissé entendre que la question de la discrimination ciblant les coptes, notamment en ce qui concerne la construction d’églises, était exagérée.

Plusieurs partis ont émis des réserves concernant le 9e engagement, qui appelle à protéger les droits des femmes, et notamment à reconnaître l’égalité entre hommes et femmes en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage. Plusieurs partis ont invoqué le droit musulman (la charia) pour expliquer ces réserves.

La plupart des partis ont émis des réserves quant au 10e point, qui préconise l’abolition de la peine de mort, en faisant valoir que cette mesure entrait en contradiction avec l’islam ou qu’ils continuaient d’étudier la question. Même les deux partis enclins à abolir ce châtiment ont ajouté qu’il s’agissait d’un objectif à long terme qui n’était pas réalisable dans les années à venir.

« Le véritable test pour les partis politiques consistera à traduire ces engagements en initiatives au sein du Parlement, afin d’abroger les lois répressives de l’ère Moubarak, de réformer les services de sécurité et de police, de promulguer des lois qui protègent les droits humains et de rompre avec un passé marqué par les atteintes à ces droits, a indiqué Philip Luther. L’une des premières mesures consiste à lever l’état d’urgence tant décrié.

« Lors des manifestations, les femmes et les hommes ont défilé côte à côte et les femmes ont joué un rôle essentiel dans le soulèvement qui a chassé le président Moubarak et a conduit à ces élections. Refuser l’égalité anéantirait l’espoir de voir l’Égypte entrer dans une nouvelle ère fondée sur le respect des droits et la dignité de tous. »


Voici les 10 engagements que propose le Manifeste d’Amnesty International pour les droits humains en Égypte :

1. Mettre un terme à l’état d’urgence et réformer les forces de sécurité

2. Mettre un terme à la détention au secret et combattre la torture

3. Garantir l’équité des procès

4. Faire appliquer les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion

5. Enquêter sur les atteintes commises par le passé

6. Mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels pour tous

7. Faire appliquer les droits des habitants des bidonvilles

8. Mettre fin à la discrimination

9. Protéger les droits des femmes

10. Abolir la peine de mort.

Pour en savoir plus, veuillez consulter le document suivant : http://www.amnesty.org/fr/news/pressure-egyptian-political-parties-deliver-25-january-expectations-2011-10-31

Réponses des partis politiques égyptiens au Manifeste pour les droits humains en Égypte :
En novembre, Amnesty International a adressé des courriers à 54 partis politiques égyptiens, les invitant à souscrire au Manifeste. L’organisation a cherché à rencontrer les dirigeants de 15 des principaux partis politiques en novembre et décembre. Voici les réponses qu’elle a reçues :

Parti social-démocrate égyptien (membre du Bloc égyptien, qui a remporté 34 sièges au Parlement) : il a adhéré aux 10 engagements, en ajoutant qu’il était prématuré d’espérer abolir la peine de mort en l’absence du soutien de la population.

Alliance populaire socialiste (membre de l’Alliance pour l’achèvement de la révolution, qui a remporté 7 sièges au Parlement) : elle a souscrit aux 10 engagements, en ajoutant qu’il était prématuré d’espérer abolir la peine de mort en l’absence du soutien de la population.

Parti de la jeune Égypte : il a répondu par courrier en joignant le Manifeste signé, déclarant son attachement au respect des droits humains en général, mais sans fournir de réponses détaillées quant aux 10 points présentés.

Parti Néo-Wafd (a remporté 38 sièges au Parlement) : il a souscrit au Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort.

Front démocratique  : il a souscrit au Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort.

Parti de la réforme et du développement (a remporté 10 sièges au Parlement) : il a souscrit au Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort.

Parti Al Karama, « Dignité »  : il a souscrit oralement à tous les engagements présentés dans le Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort.

Parti Al Nour, « Lumière » (a remporté 125 sièges au Parlement) : il a souscrit oralement à tous les engagements présentés dans le Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort et de la protection des droits des femmes.

Parti des Gardes révolutionnaires  : il a fait part dans une lettre de son adhésion au Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort et de la protection des droits des femmes, déclarant qu’il suit les directives des autorités religieuses d’El Azhar sur ces questions.

Parti de la libération égyptienne  : il a signé le Manifeste, à l’exception de l’abolition de la peine de mort et de la protection des droits des femmes, soulignant son opposition à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; il s’est engagé à lutter contre la discrimination, à l’exception de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Parti El Wassat, « le Milieu » (a remporté 10 sièges au Parlement) : il a souscrit aux engagements, mais a émis de fortes réserves quant à l’abolition de la peine de mort, la protection des droits des femmes et la lutte contre la discrimination. Il a fait part de ses réserves quant à la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et quant à la garantie de droits égaux pour les musulmans et les coptes s’agissant de la construction de lieux de culte.

Parti de la révolution de l’Égypte : lors d’une rencontre, les représentants du parti ont fait part de leurs préoccupations quant à la nécessité de garantir la « sécurité » et à l’obligation de respecter les « valeurs islamiques », justifiant le maintien de l’état d’urgence, tout en s’engageant à combattre la torture. Ils ont ajouté que les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion étaient importants, tant qu’ils ne représentaient pas une « menace pour la sûreté publique ». Ils ont déclaré que les droits des femmes ne devaient pas entrer en contradiction avec la religion et que la question de la discrimination envers les coptes était très exagérée. Le parti n’a pas émis de réserves concernant les autres engagements.

Parti des Égyptiens libres (membre du Bloc égyptien, qui a remporté 34 sièges au Parlement) : il n’a pas répondu aux sollicitations pour rencontrer ses représentants et n’a pas fait part de ses réactions au Manifeste.

Parti de la justice et de la liberté (a remporté 234 sièges au Parlement) : il n’a pas répondu aux sollicitations pour rencontrer ses représentants et n’a pas fait part de ses réactions au Manifeste. Amnesty International n’a pas reçu de réponse concrète à sa dernière tentative visant à entrer en contact avec ce parti en janvier 2012.

Parti de la justice (a remporté 1 siège au Parlement) : il n’a pas répondu aux sollicitations pour rencontrer ses représentants et n’a pas fait part de ses réactions au Manifeste.

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