Communiqué de presse

Égypte. Stop aux procès devant des instances militaires, halte aux lois répressives

Les autorités égyptiennes doivent gagner la confiance du peuple en abolissant certaines lois répressives et en mettant fin aux pratiques abusives, a déclaré le secrétaire général d’Amnesty International samedi 25 juin au Caire.

S’exprimant à l’issue d’une mission d’une semaine en Égypte - sa première visite au Moyen-Orient et en Afrique du Nord -, Salil Shetty a exhorté les autorités égyptiennes, dont le Conseil suprême des forces armées, à mettre la période de transition post-Moubarak à profit afin de mener à bien des réformes urgentes et de suspendre certaines nouvelles mesures répressives telles que la loi interdisant les grèves, et la traduction en justice de civils devant des juridictions militaires.

« Ceci est pour les autorités égyptiennes une excellente occasion de montrer qu’elles ont totalement rompu avec les violations du passé, a affirmé Salil Shetty. Et certaines mesures encourageantes et importantes ont été prises, comme la libération de détenus administratifs, la dissolution de l’ancien Service de renseignement de la sûreté de l’État et le projet de faire de l’Égypte un État partie à la Cour pénale internationale.

Pour montrer leur bonne foi, les autorités doivent immédiatement abroger la législation d’exception et mettre fin à l’état d’urgence, en vigueur depuis 30 ans. Le fait qu’il continue à exister, conjugué à de nouvelles mesures restrictives, crée une atmosphère de méfiance susceptible d’avoir de graves conséquences sur les préparatifs des élections. »

Amnesty International a estimé que si le Conseil suprême des forces armées a la responsabilité du maintien de l’ordre, il n’a en revanche pas besoin d’un tel éventail de pouvoirs répressifs pour cela.

Le Conseil suprême des forces armées a indiqué qu’au moins 7 000 civils ont été jugés par des tribunaux militaires depuis que le président Moubarak a quitté ses fonctions. Amnesty International estime que ce type de procédure viole les obligations fondamentales de respect de la légalité et d’équité des procès.

Salil Shetty a indiqué que durant sa visite en Égypte il avait pris connaissance de plusieurs cas de personnes déférées devant des tribunaux militaires ou convoquées par le procureur militaire pour des « infractions » telles que le fait d’avoir critiqué l’armée, d’avoir fait grève et d’occuper un logement illégalement.

En avril, les autorités ont adopté une nouvelle loi érigeant en infraction toute grève « empêchant, retardant ou entravant » le fonctionnement des institutions de l’État.

Au début du mois de juin, un groupe d’employés du ministère du Pétrole ayant participé à un sit-in ont été les premières personnes à être traduites en justice en vertu de cette nouvelle loi.

« Les autorités égyptiennes doivent écouter les demandes légitimes de ceux qui ont fait de grands sacrifices au nom de leur dignité », a poursuivi Salil Shetty.

Au cours de sa visite, Salil Shetty a parlé à des représentants du gouvernement, parmi lesquels le ministre de l’Intérieur, Mansour Essawy, et la vice-ministre des Affaires étrangères, Wafa Bassim. Il avait demandé à rencontrer le Conseil suprême des forces armées.

Lors des diverses réunions organisées, Salil Shetty a posé des questions sur la stratégie des autorités pour l’éradication de la torture.

« Nous nous réjouissons de l’annonce de la création d’un nouveau groupe d’experts chargé d’examiner les cas de torture. Il est essentiel qu’il soit habilité à enquêter sur toutes les affaires de torture, y compris celles impliquant les forces armées », a ajouté Salil Shetty.

« L’une des priorités doit être d’enquêter sur les responsables présumés des récents tests de virginité imposés à des manifestantes, et de les obliger à rendre des comptes. »

Salil Shetty a par ailleurs évoqué avec les autorités la question des victimes de la brutalité des forces de sécurité au cours des manifestations, dont beaucoup ont essayé sans succès d’obtenir que les responsables présumés de la mort de leur conjoint, de leur enfant ou de leur frère ou sœur répondent de leurs actes.

Au cours de sa visite, il a rencontré des parents des personnes tuées lors de la « révolution du 25 janvier » au Caire et à Suez ; certains d’entre eux ont organisé une manifestation vendredi 24 juin à Maspero dans le but de demander justice et réparations aux autorités pour la perte de leur proche.

Parmi leurs griefs, de nombreuses familles s’opposent au fait que plusieurs des policiers poursuivis pour l’homicide illégal de manifestants continuent à exercer leurs fonctions comme si de rien n’était.

Amnesty International a déclaré que les victimes ayant grièvement été blessées méritent davantage, et notamment que leurs frais médicaux soient pris en charge. Des responsables gouvernementaux ont déclaré qu’ils réfléchissaient à la manière d’aider les manifestants blessés, mais à la connaissance d’Amnesty International rien n’a encore été fait.

Salil Shetty s’est également rendu dans le quartier informel de Manshiyet Nasr, dans l’agglomération du Caire, et y a rencontré des résidents de zones « insalubres », menacés par des effondrements et des expulsions forcées.

Des habitants de ces secteurs ont dit à Amnesty International combien ils se sentaient impuissants et abandonnés, et expliqué comment sous l’ancien régime ils subissaient tortures et humiliations aux mains de la police locale, ce qui les a poussés à prendre part au soulèvement.

« La grande majorité des personnes tuées ou blessées lors de la " révolution du 25 janvier " étaient issues de milieux défavorisés », a conclu Salil Shetty.


« Bien que l’Égypte connaisse une période de transition, cela ne diminue en rien l’urgence qu’il y a à répondre aux besoins des personnes qui luttent pour vivre dans la dignité ou pour soutenir leur famille financièrement. »

Complément d’information

Salil Shetty devait rencontrer Yehia el Gamal, le vice-Premier ministre, peu avant son départ dimanche 26 juin. Il a également rendu visite à Amr Mousa, le secrétaire général de la Ligue arabe, samedi 25 juin dans la matinée. Il a longuement échangé avec des organisations et militants défendant les droits humains.

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