Communiqué de presse

Égypte. Des sympathisants du président Morsi voient leurs droits bafoués sur fond d’arrestations et de violences

Des centaines de sympathisants de Mohamed Morsi, appréhendés par les autorités égyptiennes, sont privés de leurs droits fondamentaux, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique mercredi 17 juillet (voir document ci-dessous). L’organisation a recueilli les témoignages de détenus ayant affirmé avoir été frappés lors de leur arrestation, et avoir reçu des décharges électriques ou des coups de crosse de fusil.

Les autorités égyptiennes doivent respecter le droit de bénéficier d’une procédure régulière des personnes ayant été arrêtées et accusées d’avoir prôné ou employé la violence ces deux dernières semaines. Les allégations de mauvais traitements doivent de toute urgence faire l’objet d’enquêtes.

« En cette période de clivages et de divisions extrêmes, il est plus important que jamais que le ministère public montre qu’il est véritablement indépendant et n’est pas politisé », a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Le risque avec ces cas est que l’esprit de vengeance puisse sembler l’emporter sur la justice. »

Depuis le renversement du président Morsi, le 3 juillet, des avocats ont indiqué à Amnesty International que plus de 660 hommes ont été arrêtés dans la seule ville du Caire, notamment des responsables de premier plan des Frères musulmans et de la branche politique de cette organisation, le Parti de la liberté et de la justice. Beaucoup ont été appréhendés le 8 juillet lors des affrontements ayant éclaté à proximité du club de la garde républicaine, qui ont fait au moins 51 morts parmi les pro-Morsi.

Si des ordonnances de libération ont finalement été promulguées pour quelque 650 suspects, des avocats ont indiqué à Amnesty International qu’un nombre indéterminé de ceux-ci se trouvent toujours en détention en raison de leur incapacité à verser le montant fixé pour leur caution – qui va de 1 000 à 5 000 livres égyptiennes (110-550 euros environ). On ignore toujours où se trouvent le président déchu et son équipe.

Amnesty International craint que leurs conditions de détention ne s’apparentent à une disparition forcée. Des proches ayant demandé des renseignements sur le sort réservé aux détenus n’en ont obtenu aucun ; il semble qu’ils n’aient pas comparu devant un juge ni eu la possibilité de s’entretenir avec un avocat.

« Il sera impossible pour la justice d’établir la vérité si seuls des partisans de Mohamed Morsi et des Frères musulmans sont visés, tandis que les forces de sécurité ne rendent parallèlement aucun compte pour les homicides illégaux perpétrés ni pour leurs manquements au devoir de protection des manifestants contre les violences », a souligné Hassiba Hadj Sahraoui.

« Toute personne a le droit de bénéficier d’une procédure régulière, quel que soit l’avis des autorités sur son affiliation politique ou ses positions. Mohamed Morsi et ses collaborateurs doivent, comme tout un chacun, avoir la possibilité d’exercer leurs droits fondamentaux, notamment en étant immédiatement autorisés à contacter leurs avocats et leur famille.  »

Aux termes du droit international, tous les suspects arrêtés doivent être relâchés, à moins d’être inculpés dans les meilleurs délais d’une infraction prévue par la loi. Toute personne privée de liberté doit également être en mesure de contester la légalité de sa détention devant un juge, de s’entretenir avec des avocats et avec sa famille, et de recevoir tous les soins médicaux dont elle pourrait avoir besoin. Les avocats doivent pouvoir assister leurs clients sans restriction.

Amnesty International exhorte les autorités égyptiennes à mener des enquêtes approfondies sur les informations selon lesquelles des détenus ont été victimes de coups et d’autres formes de mauvais traitements, en particulier lors de leur arrestation, à proximité du club de la garde républicaine. Certains ont notamment reçu des coups de crosse de fusil et des décharges électriques. Ils ont par ailleurs déclaré avoir été interrogés au poste de police, les yeux bandés, par des hommes appartenant semble-t-il à l’Agence de sécurité nationale, pratique rappelant de manière inquiétante les tactiques de l’ère Moubarak. Des détenus récemment libérés se sont par ailleurs plaints de ne pas avoir été autorisés à appeler leur famille ou leurs avocats.

Mostafa Ali, ancien détenu, a déclaré que les forces de sécurité les avaient forcés, sa femme et lui, à ramper sur des tessons de verre lors de leur arrestation. Ils avaient trouvé refuge dans un immeuble non loin du club de la garde républicaine après que les manifestants eurent été dispersés. Les forces de sécurité ont ensuite obligé Mostafa Ali et d’autres détenus à ramper sur le sol alors qu’ils étaient menottés les uns aux autres. Il a ajouté qu’ils avaient été battus et soumis à des décharges électriques.

Si au moins neuf hauts responsables des Frères musulmans et des sympathisants de ceux-ci ont été arrêtés, des mandats d’arrêt ont également été lancés contre d’autres figures de cette organisation, notamment son guide spirituel. Abdelmonim Abdelmaqsoud, principal avocat des Frères musulmans, est lui aussi incarcéré à la prison de Tora, au sud du Caire.

« Il incombe au ministère public et aux autorités de les inculper et de fournir des éléments de preuve afin d’étayer les accusations portées contre eux », a poursuivi Hassiba Hadj Sahraoui. « Sans éléments susceptibles d’être examinés par la justice, il ne s’agit de rien d’autre que d’une opération de répression contre les Frères musulmans. »

Juste après que l’armée ait annoncé l’éviction du président, le 3 juillet, au moins six chaînes télévisées pro-Morsi ont été retirées des ondes et des descentes ont eu lieu dans leurs studios. Le lendemain, le Parti de la liberté et de la justice a fait savoir que les presses d’État refusaient d’imprimer le journal du parti. Dimanche 14 juillet, le ministère public a gelé les avoirs de 14 hommes associés aux Frères musulmans et de partis qui les soutiennent.

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