Émirats arabes unis. Amnesty International salue l’ordre donné d’enquêter sur la vidéo montrant des actes de torture mais demande que soient menées des investigations plus poussées

Déclaration publique

Les autorités gouvernementales des Émirats arabes unis (EAU) auraient ordonné l’ouverture d’une enquête sur les graves actes de violence qui auraient été perpétrés en 2004 par un membre de la famille régnante, le cheikh Issa bin Zayed al Nahyan, sur un homme avec lequel il aurait eu un différend à propos d’affaires. Des preuves de ces violences ont récemment circulé sous forme d’un clip vidéo de six minutes dans lequel on voit la victime, qui serait un Afghan du nom de Mohamed Shah Poor, subir des actes de brutalité particulièrement graves. Deux autres personnes assistent à la scène, dont un policier en uniforme. Cette vidéo ferait partie d’une séquence plus longue d’un film de la même agression et serait l’un des nombreux films en circulation montrant des violences perpétrées par le cheikh Issa bin Zayed al Nahyan sur plusieurs personnes à Abou Dhabi.

Selon un communiqué de l’agence de presse officielle des Émirats (WAM) rendu public le 11 mai, le parquet d’Abou Dhabi aurait ordonné aux autorités judiciaires d’ouvrir, immédiatement et sans délai, une enquête approfondie et minutieuse sur les faits montrés, et de prendre toutes les mesures judiciaires nécessaires prévues par les lois émiriennes. Selon la WAM, le cheikh Issa bin Zayed al Nahyan aurait été « placé en détention » sur ordre du ministère public en attendant les résultats de l’enquête.

Amnesty International salue ces informations et demande instamment aux autorités de veiller à ce que l’enquête soit menée de façon impartiale, indépendante et approfondie et à ce que Mohammad Shah Poor, dans le cas présent, puisse témoigner sans avoir à craindre de représailles. Quel que soit l’auteur des actes de torture, il doit être jugé conformément aux normes d’équité par un tribunal indépendant et impartial lors d’un procès excluant le recours à la peine de mort.

Amnesty International demande instamment aux autorités des EAU de veiller à ce que l’enquête s’inscrive dans le cadre d’un effort concerté pour éradiquer la torture et le recours aux mauvais traitements et mettre fin à l’impunité dont bénéficient les responsables de l’application des lois, notamment les membres de la Sûreté de l’État. Amnesty International a recueilli des témoignages faisant état des méthodes de torture régulièrement utilisées par les membres de la Sûreté et les responsables de l’application des lois ; on peut citer la privation de sommeil, la suspension par les poignets et les chevilles, les coups assenés sur la plante des pieds (falaqa), les décharges électriques et les menaces de violences sexuelles et autres. Les victimes de torture et autres mauvais traitements racontent avoir été forcées de signer des déclarations et avoir été ensuite inculpées et poursuivies sur la base « d’aveux » arrachés sous la contrainte. Un exemple de situation de ce type est celui de Naji Jawdat Hamdan, citoyen américain d’origine libanaise, arrêté le 29 août 2008 à Doubaï par des membres de la Sûreté de l’État. Il a été emmené à Abou Dhabi où il a été détenu au secret et à l’isolement jusqu’au 26 novembre 2008. Lors de son interrogatoire, il affirme avoir eu les yeux constamment bandés et avoir été frappé à coups de pied et de poing sur tout le corps jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il affirme aussi que ceux qui l’interrogeaient voulaient qu’il « avoue » être membre d’Al Qaïda et lorsqu’il a refusé, l’un deux l’a maintenu au sol pendant qu’un autre lui assénait des coups sur la plante des pieds. Il a finalement signé une déclaration pour éviter d’être soumis à de nouvelles tortures et a alors été inculpé d’infractions liées au terrorisme. Il reste en détention dans l’attente de son procès.

Complément d’information
Dans une lettre datée du 29 avril 2009 et adressée au président des EAU, Amnesty International a demandé l’ouverture d’une enquête sur les allégations de voies de fait avec violence portées à l’encontre du cheikh Issa bin Zayed al Nahyan. L’organisation demande également que soient précisées les mesures prises, le cas échéant et fait observer que les informations selon lesquelles le cheikh Issa bin Zayed al Nahyan aurait résolu le différend en privé avec la victime ne dispensent pas les autorités des EAU de leur responsabilité de mener une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur ce qui apparaît clairement comme des violences criminelles ; les auteurs présumés de ces faits graves doivent être amenés à rendre compte de leurs actes devant la justice émirienne.

Le droit international interdit formellement la torture et toute autre forme de mauvais traitements. Tous les États ont obligation d’enquêter sur les actes de torture ou mauvais traitements qui leur sont signalés. Tous les États doivent veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite. Le droit international affirme également que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

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