Émirats arabes unis, Détentions et expulsions à caractère raciste de travailleurs africains

Emirats Arabes Unis Migrants

La police des Émirats arabes unis a procédé à une vague d’arrestations arbitraires et d’expulsions visant au moins 375 travailleuses et travailleurs migrants africains qui ont été appréhendés chez eux lors de raids nocturnes effrayants, conduits en prison où ils ont été soumis à des traitements dégradants et à de multiples violations de leurs droits, puis expulsés collectivement en dehors de toute procédure légale, révèle Amnesty International dans ses nouvelles recherches.

Dans la nuit du 24 au 25 juin 2021, des centaines d’Africain·e·s ont été interpellés, avant d’être détenus au secret de manière arbitraire à la prison d’al Wathba pendant des périodes allant jusqu’à deux mois. La police émirienne a par la suite falsifié des résultats négatifs de tests PCR pour qu’ils puissent voyager, les a dépouillés de leurs affaires, notamment de documents juridiques très importants, et leur a refusé la possibilité de consulter un avocat.

« Ces Africain·e·s vivaient et travaillaient en toute légalité aux Émirats arabes unis. Ce ciblage à caractère raciste a ruiné la vie de certains membres parmi les plus marginalisés de la société émirienne, à un moment où le gouvernement se targue d’être un modèle de tolérance multiculturelle et accueille l’Exposition universelle de 2020 à Dubaï, a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les autorités ont brutalisé des centaines de personnes sur la base de leur couleur de peau, leur ont infligé des mauvais traitements en détention, les ont dépouillées de leurs affaires personnelles et de leur dignité, avant de les expulser massivement. Les Émirats arabes unis doivent prendre position publiquement et affirmer clairement qu’aucun ciblage à caractère raciste pour quelque raison que ce soit ne sera toléré et veiller à ce que les personnes ayant subi un tel traitement bénéficient de mesures de réparation et de restitution adéquates. »


« Les autorités ont brutalisé des centaines de personnes sur la base de leur couleur de peau, leur ont infligé des mauvais traitements en détention, les ont dépouillées de leurs affaires personnelles et de leur dignité »

Amnesty International s’est entretenue avec huit femmes et 10 hommes, détenus arbitrairement et expulsés des Émirats arabes unis à la suite des raids du mois de juin, à savoir 11 Camerounais·es, cinq Nigérian·e·s, un Ougandais et un Ghanéen. Tous ont décrit la même pratique de sélection à caractère raciste lors des interpellations, notant que les personnes arrêtées étaient quasiment toutes Noires, à l’exception de quelques Asiatiques qui vivaient dans les mêmes logements que les Africain·e·s.

Les autorités émiriennes les ont maintenus en détention pendant des périodes allant de 35 à 61 jours, avant de les expulser sommairement sans leur donner la possibilité de contester cette mesure.

Dans une déclaration sur cette opération, le ministère émirien de l’Intérieur a indiqué le 3 septembre que l’arrestation de 376 femmes et hommes a été menée « dans le cadre de procédures judiciaires visant à lutter contre les crimes liés à la traite des êtres humains ». Pourtant, toutes les personnes interrogées ont confirmé que les autorités ne les avaient pas informées des motifs de leur détention et ne les avaient pas présentées devant une autorité judiciaire afin de leur permettre de voir les éléments retenus contre elles et de les contester.

« Les Émirats arabes unis doivent prendre position publiquement et affirmer clairement qu’aucun ciblage à caractère raciste pour quelque raison que ce soit ne sera toléré »

Ces travailleuses et travailleurs africains n’ont pas eu la possibilité de contester leur expulsion comme l’exigent le droit international et les normes garantissant une procédure régulière. En arrêtant et en expulsant arbitrairement des centaines d’Africain·e·s de manière collective, ciblés en fonction de leur appartenance raciale et sans garanties d’une procédure régulière, les Émirats arabes unis ont enfreint plusieurs dispositions du droit international, notamment l’interdiction de la discrimination raciale et l’interdiction des expulsions collectives, qui comportent par nature un risque de refoulement.

Des raids à caractère raciste

Toutes les personnes interrogées ont décrit la même pratique de sélection à caractère raciste lors des interpellations. Selon les habitant·e·s expulsés du bâtiment Lagym, des personnes de diverses nationalités d’Asie et d’Afrique vivaient là, mais les forces de sécurité ciblaient les Africain·e·s, et les quelques habitants originaires d’Asie du Sud et du Sud-Est arrêtés ont été pris pour cibles parce qu’ils habitaient avec des Africain·e·s.

Selon leurs témoignages, les forces de police émiriennes ont fait irruption dans leurs logements entre 2 et 4 heures du matin et les ont embarqués sans même les laisser s’habiller correctement. Les policiers, certains étant identifiés comme faisant partie du Département des enquêtes criminelles (CID), ne les ont pas laissés montrer leurs titres de séjour prouvant qu’ils séjournaient légalement aux Émirats arabes unis.

Kabirat Olokunde, originaire du Nigeria, travaillait comme assistante dans une école internationale lorsqu’elle a été expulsée le 22 août. Elle a raconté que la police ne lui avait pas permis de s’habiller et l’avait menottée alors qu’elle était en pyjama : « Je leur ai demandé : “Pourquoi suis-je ici ? Je ne suis pas une criminelle. J’ai mes papiers. Pourquoi m’amenez-vous ici ?” Et ils m’ont répondu : “Les Émirats donnent, les Émirats reprennent.” J’ai aussi été molestée par les policiers. Ces idiots me touchaient les seins. Je leur ai dit : “Si vous [me] touchez encore, je vous gifle.” »

Des conditions de détention sordides

Avant d’être expulsés de manière arbitraire, ils ont été enfermés dans des conditions sordides à la prison d’al Wathba, dans des locaux surpeuplés et insalubres, et ont été privés de l’accès à des soins adéquats.
Les autorités pénitentiaires ont séparé les hommes et les femmes à leur arrivée, et ont placé chaque groupe dans des salles différentes.

Ces renvois s’apparentent à des expulsions collectives, qui sont prohibées par le droit international coutumier

D’après les femmes interrogées, jusqu’à 220 femmes étaient détenues dans leur aile de la prison. Il n’y avait que quatre toilettes. Tous les détenus interrogés, hommes comme femmes, ont indiqué qu’on ne leur fournissait pas de masques et qu’ils n’étaient pas testés pour le COVID-19, malgré le risque très élevé de transmission étant donné qu’ils étaient entassés.

Une femme, enceinte au moment de sa détention, a déclaré qu’elle n’a pas pu obtenir le médicament contre l’anémie qui lui avait été prescrit et que les infirmières ne prenaient pas en compte ses plaintes concernant des douleurs au niveau du ventre. « J’ai été enfermée là-bas alors que j’étais enceinte de trois mois, je suis repartie enceinte de cinq mois, et je n’ai pas reçu de soins médicaux, a-t-elle résumé. Je pesais entre 58 et 59 [kilos] avant. Lorsque je suis sortie, j’en pesais 51. C’était horrible. »

Des droits juridiques ignorés lors des expulsions massives

D’après le témoignage des personnes interrogées, elles n’ont pas été présentées devant un procureur, un juge ou un tribunal, n’ont pas reçu de document exposant les motifs de leur placement en détention et n’ont jamais eu la possibilité de consulter un avocat, ni de recevoir des visites. Toutes ont indiqué qu’elles n’avaient pas été autorisées à passer des appels téléphoniques ni à contacter un avocat – sauf deux. Ces deux personnes ont expliqué qu’au bout d’un mois, les prisonniers qui se trouvaient dans leurs cellules se sont vus offrir la possibilité de passer un seul coup de téléphone s’ils connaissaient un numéro par cœur.

Toutes les personnes interrogées ont affirmé avoir été renvoyées de force dans leur pays d’origine après avoir été dépouillées de leurs biens – vêtements, épargne bancaire, téléviseurs, appareils électroniques, tous types de permis, de certificats et de diplômes, dossiers médicaux, et parfois les preuves de leur identité légale.

Une infirmière camerounaise a déclaré : « Tous mes papiers, mon diplôme, mon permis de conduire, tout est resté aux Émirats arabes unis. Notre argent à la banque – car nous travaillons, et nous investissons – notre argent est resté là-bas. Absolument tout. Nous sommes rentrés munis de nos seuls passeports. »
Cinq personnes ont raconté que les autorités émiriennes avaient falsifié des résultats négatifs de tests PCR au COVID-19, exigés pour voyager à l’international, alors qu’en fait elles n’avaient pas été testées depuis des semaines avant leur expulsion. Amnesty International a pu examiner trois faux documents de tests, qui portent l’en-tête de la direction générale de la police d’Abou Dhabi et ne sont pas signés par un médecin.

« Les Émirats arabes unis sont tenus de respecter les obligations inscrites dans le droit international coutumier et relatif aux traités interdisant la discrimination raciale et les renvois forcés massifs »

Sans aucune procédure légale et sans évaluation des cas individuels et des risques pour les personnes concernées, ces renvois s’apparentent à des expulsions collectives, qui sont prohibées par le droit international coutumier. Toute expulsion doit s’appuyer sur une évaluation individuelle, notamment du risque auquel est exposée une personne renvoyée vers un pays où elle risque de subir de graves violations des droits humains. Les personnes concernées doivent être informées des motifs de leur détention et de leur expulsion et autorisées à contester la légalité de ces mesures.

« Les autorités émiriennes doivent enquêter sur ces actes consternants en vue de restituer rapidement aux victimes leurs biens et de leur fournir des réparations pour le traitement honteux qui leur a été infligé avant leur expulsion. Les Émirats arabes unis sont tenus de respecter les obligations inscrites dans le droit international coutumier et relatif aux traités interdisant la discrimination raciale et les renvois forcés massifs », a déclaré Lynn Maalouf.

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