Communiqué de presse

ÉMIRATS ARABES UNIS. La décision du gouvernement de dissoudre le bureau de l’Association des juristes participe de la répression contre la société civile

Amnesty International et Human Rights Watch ont adressé le 23 décembre 2011 une lettre conjointe à Mariam Al Roumi, ministre des Affaires sociales des Émirats arabes unis, afin d’exprimer leur consternation devant la dissolution en avril 2011 du bureau exécutif élu de l’Association des juristes et son remplacement par des membres nommés par l’État. Selon les deux organisations, cette démarche s’apparente à une « prise de contrôle hostile » de l’Association par le gouvernement émirien visant à museler une composante active de la société civile.

Les organisations de défense des droits humains ont affirmé que le bureau exécutif de l’Association des juristes devait être composé de personnes désignées par les membres de l’Association lors de l’assemblée générale annuelle, et bénéficiant de la confiance de ceux-ci. Elles ont également exprimé leur crainte que l’augmentation soudaine, d’après les informations reçues, du nombre de candidatures émanant de personnes possédant une formation juridique sommaire et servant actuellement dans la police et l’armée ne s’inscrive dans une stratégie d’infiltration mise en place par les autorités pour saper l’indépendance de l’institution.

Les deux organisations ont ajouté que cette dissolution participait d’une répression plus large de la dissidence, dans laquelle s’inscrit notamment l’arrestation et le procès de cinq militants de la société civile condamnés pour avoir « proféré des insultes publiques » à l’encontre de représentants de l’État ; ces hommes ont toutefois été graciés le 28 novembre 2011, le lendemain de leur condamnation.

Les organisations ont en outre demandé des explications urgentes sur les raisons ayant motivé la prolongation, en octobre 2011, de la période de suspension de six mois prononcée à l’encontre de l’Association des juristes. Elles ont appelé la ministre des Affaires sociales à revoir les lois régissant les organisations non gouvernementales (ONG), et à mettre ces lois en conformité avec la législation et les normes internationales relatives aux droits humains de façon à garantir que les ONG puissent fonctionner librement, sans ingérence de l’État. Elles ont également engagé les autorités émiriennes à inviter le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion et d’association pacifiques à se rendre aux Émirats arabes unis. Amnesty International et Human Rights Watch n’ont reçu à ce jour aucune réponse à leur lettre.

La dissolution du bureau de l’Association des juristes avait été prononcée quelques jours après que cette dernière eut signé un appel public avec trois autres ONG pour demander davantage de démocratie dans le pays. Le 2 mai 2011, le bureau de l’Association des enseignants, cosignataire de l’appel, a également été dissous par le ministère en vertu d’un décret similaire.
L’article 16 de la Loi de 2008 sur les associations interdit aux ONG et à leurs membres de s’immiscer dans « la vie politique ou des questions pouvant mettre en danger la sécurité de l’État ou le régime au pouvoir ». Le 17 avril 2011, la ministre des Affaires sociales avait ordonné par décret la dissolution du bureau élu de l’Association des juristes pour avoir violé cet article et l’avait remplacé par un bureau composé de cinq membres désignés par l’État.

Aux termes de cette loi, le bureau temporaire devait rester en fonction pendant une période maximum de six mois, en attendant que l’ONG puisse organiser une assemblée générale annuelle et élire un nouveau bureau. Cependant, en octobre 2011, la ministre a prolongé de six mois la durée de la suspension.

L’indépendance des juges et des avocats constitue une condition essentielle à la protection des droits humains et de l’État de droit, ainsi que le disposent les normes internationales en matière de droits humains, telles que les Principes de base des Nations unies relatifs au rôle du barreau. Cette indépendance ne peut être garantie si les juges et les avocats sont dans l’impossibilité d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.

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