Le gouvernement d’Équateur doit faire davantage pour protéger les droits humains des populations indigènes de Sarayaku, en vue de se conformer pleinement à l’arrêt rendu par une cour internationale, a déclaré Amnesty International. Il y a un an jour pour jour, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a statué que l’Équateur devait présenter des excuses à la population de Sarayaku, la consulter et l’indemniser au sujet d’un projet pétrolier qui a endommagé leurs terres ancestrales et mis leurs vies en danger dans la région de l’Amazonie, dans l’est du pays.
« Bien que le gouvernement équatorien ait quelque peu avancé vers la mise en œuvre de cet arrêt, il doit encore présenter des excuses aux habitants de Sarayaku et réglementer dûment leur droit à la consultation. Ils doivent jouir du droit à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, avant que des projets ne germent sur leur territoire, a indiqué Guadalupe Marengo, directrice du programme Amériques d’Amnesty International
Conformément aux souhaits de la communauté, le gouvernement doit également accélérer le retrait en toute sécurité de 1,4 tonnes d’explosifs à haute puissance laissés par la compagnie pétrolière sur leur territoire. »
L’arrêt rendu en juillet 2012 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été salué comme un grand pas en avant vers la protection des droits humains des peuples indigènes dans le pays et dans toute la région.
« Cette décision a offert à l’Équateur la possibilité de donner l’exemple à toute la région afin d’éviter que des atteintes aux droits humains comme celles subies par la population de Sarayaku ne se produisent à nouveau, a expliqué Guadalupe Marengo. Le gouvernement doit adopter une législation progressiste et la respecter, dans le droit fil des normes internationales, s’agissant du droit à un consentement libre, préalable et éclairé. »
La CIDH a statué que la population de Sarayaku n’avait pas été vraiment consultée au sujet du projet pétrolier que l’Argentine Compañía General de Combustibles souhaitait implanter sur son territoire, dans la région de l’Amazonie, dans l’est de l’Équateur. Elle a estimé que l’État équatorien avait bafoué le droit de la communauté à la propriété et son identité culturelle, et avait mis sa survie en péril.
En 2012, le gouvernement a adopté un décret d’application instaurant un cadre réglementaire pour la consultation dans les zones touchées par des projets pétroliers ou gaziers. Cependant, Amnesty International craint qu’il ne soit pas conforme aux normes internationales.
« Ce décret n’a pas été élaboré en consultation et en accord avec les peuples indigènes, conformément aux normes internationales, et beaucoup d’entre eux se sont dit fortement préoccupés par le processus de consultation observé jusqu’à présent », a assuré Guadalupe Marengo.
Fin novembre 2012, l’Équateur a lancé un appel d’offres public en vue d’ouvrir de larges zones de la région de l’Amazonie, dans le sud-est du pays, à des projets d’exploitation pétrolière. Les compagnies pétrolières à travers le monde ont été invitées à faire une offre en vue d’explorer et d’exploiter des gisements de pétrole. L’appel d’offres pour le contrat est toujours en cours.
Complément d’information
Les Kichwas sont un peuple indigène du territoire de Sarayaku qui compte environ 1 200 membres. Leurs terres ancestrales se trouvent dans un secteur reculé de la région de l’Amazonie, dans l’est de l’Équateur.
Au début des années 2000, une compagnie pétrolière a occupé une partie des terres traditionnelles de la communauté indigène de Sarayaku, en Amazonie équatorienne. L’État l’avait autorisée à rechercher du pétrole, sans que la communauté n’ait été consultée au préalable.
Pendant plusieurs mois, le personnel de la compagnie pétrolière, escorté de soldats et d’agents de sécurité privés, a procédé à des explosions, coupé des arbres, creusé plus de 400 puits, enfoui plus de 1 400 kilos d’explosifs à haute puissance et pollué l’environnement avec le bruit des hélicoptères transportant les employés et les explosifs, entre autres activités. La population de Sarayaku a alors porté plainte au niveau national et international, et a finalement obtenu que la compagnie renonce au projet. Cependant, les autorités ne se sont pas excusées, n’ont pas accordé de réparations pour l’impact généré par le projet d’exploration sur la vie de la communauté et ne se sont pas engagées à éviter toute répétition de ces atteintes aux droits humains.
Après avoir épuisé tous leurs recours au niveau national concernant des réparations et des garanties de non-répétition, les habitants de Sarayaku ont décidé de porter l’affaire devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme. En juillet 2012, les juges ont statué en faveur de la communauté de Sarayaku.
Les Kichwas de Sarayaku et Amnesty International ont coproduit un documentaire, Les descendants du jaguar, qui traite du combat mené par cette communauté pour défendre ses droits. Ce film a reçu plusieurs distinctions, dont le prix du « Meilleur documentaire » lors du festival All Roads Film organisé par National Geographic, qui s’est tenu en septembre 2012 à Washington, aux États-Unis.
Les Kichwas de Sarayaku et Amnesty International ont organisé une projection du film, en partenariat avec d’autres ONG équatoriennes et internationales, en commémoration du 1er anniversaire de l’arrêt de la CIDH, le 25 juillet à 17 heures, à l’hôtel Quito, dans la capitale équatorienne Quito.