« Après l’analyse de témoignages et de preuves numériques, Amnesty International estime que la mort de B.G. a été causée par des membres des forces de sécurité, très probablement des policiers, qui ont employé une force excessive, et sur lesquels le parquet général devrait diligenter des enquêtes dans les meilleurs délais », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques d’Amnesty International.
Selon des témoignages, le 21 juin vers 18 heures, des dizaines de policiers ont utilisé du gaz lacrymogène contre des manifestant·e·s qui s’étaient rassemblés de manière pacifique dans la zone résidentielle et commerciale de Puyo, connue sous le nom de Picolino. À partir de ce moment-là, des affrontements violents ont opposé manifestant·e·s et membres de la police, durant lesquels le tir ayant visé B. G. est survenu. Des riverain·e·s et des manifestant·e·s, parmi lesquels figuraient des hommes, des femmes et des enfants, ont dit avoir été frappés par les forces de sécurité, en plus des irritations et des difficultés respiratoires causées par le gaz lacrymogène.
Après cette opération répressive à Puyo, des groupes de personnes non identifiées ont saccagé une banque et brûlé un bâtiment de la police et plusieurs véhicules qui se trouvaient sur place.
Des vidéos rendues publiques sur les réseaux sociaux et dont l’authenticité a été confirmée par Amnesty International montrent B. G. couché à terre quelques instants après le tir. On peut voir sur la première une grenade complètement enfoncée dans son crâne continuer à libérer un nuage de gaz lacrymogène, tandis que sur la deuxième, sa blessure à la tête est visible.
Amnesty International est arrivée à déterminer que le lieu où B. G. a été blessé se trouve à l’angle de l’avenue Tarqui et de la rue de los Anturios (coordonnées -1.495785, -78.012890), dans la zone de Puyo connue sous le nom de Picolino.
Selon les éléments numériques disponibles, le tir a pu avoir lieu entre 18 h 37 et 20 h 09 (heure locale) le 21 juin. Des témoignages ayant fait état des agissements visant à réprimer la manifestation estiment qu’il s’est produit vers 18 h 30.
À 21 h 08 le 21 juin, la police nationale a déclaré dans un communiqué « Il semble que la personne est décédée à la suite de la manipulation d’un objet explosif », suggérant que B. G. était responsable de sa propre mort. Une heure plus tard, le ministre de l’Intérieur, Patricio Carrillo, a soutenu la version de la police nationale, ajoutant que « le risque est élevé lorsque l’on manipule des explosifs [...] @PoliciaEcuador n’utilise pas d’explosifs pour maintenir l’ordre public. »
Après l’analyse d’éléments numériques, Amnesty International a déterminé qu’une grenade (de la marque brésilienne Condor) et un lance-grenade (de marque non identifiée) lacrymogène, tous deux de calibre 37/38 mm et utilisés par les forces équatoriennes de sécurité lors de diverses opérations de répression de manifestations, sont très probablement le projectile et l’arme ayant provoqué la mort de B. G. Des munitions similaires auraient été retrouvées par des manifestant·e·s dans la zone où B. G. a été blessé.
À 9 h 21 le 22 juin, le parquet général a annoncé avoir ouvert une information judiciaire sur la mort de B. G.
À 15 h 07 le 22 juin, la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur a publié quatre images d’une tomographie présumée du crâne de B. G. Apparaît sur celles-ci une grenade lacrymogène de forme et de taille similaires à celles d’une Condor de 37/38 mm, enfoncée dans un crâne juste au-dessus de l’œil gauche.
Le média indépendant GK a affirmé avoir contacté la direction de l’hôpital général de Puyo, qui dépend du ministère de la Santé publique, où est mort B. G., et avoir reçu la confirmation que la tomographie avait bien été effectuée par l’hôpital et que les images rendues publiques correspondaient au crâne de B. G. Après avoir confirmé l’authenticité de ces images, Amnesty International n’a pas relevé d’éléments indiquant qu’elles avaient été manipulées ou se rapportaient à une autre affaire.
En raison de la précision, de la profondeur et de la direction de la perforation dans le crâne de B. G., et des confirmations apportées par les témoignages, Amnesty International estime que la grenade a été tirée à une courte distance, et a suivi une trajectoire droite et horizontale. Ces éléments montrent clairement que la force employée était excessive.
Comme dans d’autres cas précédemment recensés par Amnesty International en Irak, au Chili, en Colombie, et dans un cas en Turquie,%22appno%22 :[%2250275/08%22],%22documentcollectionid2%22 :[%22CHAMBER%22],%22itemid%22 :[%22001-145710%22]}] jugé par la Cour européenne des droits de l’homme, les grenades de gaz lacrymogène, bien qu’elles soient considérées comme des « armes à létalité réduite », ont la capacité de blesser, voire de tuer, lorsqu’elles sont tirées à l’aide de lance-grenades, à plus forte raison si le tir est direct et horizontal, au lieu d’être courbe. C’est pour cela qu’il faut explicitement réglementer et différencier les différents usages du gaz lacrymogène.
Le 23 juin, des organisations autochtones et de défense des droits humains ont signalé la mort de deux hommes, due semble-t-il à l’impact de projectiles émis par des armes à feu durant des opérations de répression des manifestations : H. Q. au Parque del Arbolito, dans la ville de Quito, et F. I. à San Antonio de Pichincha.
Amnesty International demande à la procureure générale de l’État, Diana Salazar, de diligenter dans les meilleurs délais une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur la mort de B. G. - en respectant les normes relatives aux droits humains qui s’appliquent, comme le protocole du Minnesota, qui concerne les enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux -, d’identifier les personnes soupçonnées d’infractions pénales, notamment au sein de la chaîne de commandement et, si des preuves suffisantes et recevables existent, de les traduire en justice dans le cadre de procédures équitables, devant des tribunaux ordinaires.
La procureure générale doit également mener des enquêtes conformes à ces mêmes normes sur l’ensemble des homicides et signalements de violations des droits humains survenus dans le cadre des opérations de répression des manifestations à travers le pays.
Indépendamment de l’établissement des responsabilités pénales pour ces faits, les autorités doivent garantir vérité, justice et réparations complètes aux proches de B. G. et aux autres victimes de violations des droits humains commises durant la répression des manifestations.
Les autorités concernées doivent en définitive réglementer de manière adéquate le recours à la force en général, et l’utilisation des « armes à létalité réduite » en particulier, comme les lance-grenades lacrymogènes, mais aussi rendre des comptes, conformément aux normes relatives aux droits humains pertinentes, comme les Principes de base sur le recours à la force et à l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.