Les autorités érythréennes doivent libérer immédiatement et sans condition 11 personnalités politiques, dont trois anciens ministres, détenues au secret sans inculpation depuis 10 ans, a déclaré Amnesty International vendredi 16 septembre.
Ces militants, tous d’anciens membres du Conseil central du Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), ont été arrêtés après avoir appelé de leurs vœux une réforme démocratique.
Avec quatre autres membres du Parlement, ils avaient fondé le « Groupe des 15 » et adressé une lettre ouverte au gouvernement et au président Issayas Afeworki afin de réclamer un « dialogue démocratique ».
Les quatre autres membres du « Groupe des 15 » ont échappé à une arrestation : trois se trouvaient hors du pays, tandis que le quatrième a retiré son soutien au groupe.
Après l’interpellation des militants, le gouvernement érythréen a déclaré que ces 11 personnes avaient commis des crimes « portant atteinte à la sécurité de la nation ».
Les membres du groupe ont tous été des dirigeants politiques ou militaires de haut rang durant la guerre d’indépendance qui a opposé pendant 30 ans l’Érythrée à l’Éthiopie.
« Cet anniversaire rappelle cruellement le mépris total dont fait preuve le président Issayas Afeworki envers le droit essentiel à la liberté d’expression. Depuis plus de 10 ans, il supprime avec violence toute critique légitime visant son gouvernement, a indiqué Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.
« La détention au secret de ces militants, depuis 10 ans, bafoue de nombreux droits garantis au titre de la Constitution érythréenne et du droit international. »
Depuis ces 10 années, les autorités érythréennes refusent de donner à leurs familles des informations sur leur lieu de détention et leur état de santé.
Le fait qu’ils soient détenus au secret accroît le risque qu’ils subissent des actes de torture ou autres mauvais traitements en détention, et qu’ils soient privés des soins médicaux dont ils pourraient avoir besoin.
Les conditions carcérales en Érythrée sont connues pour être éprouvantes. Les prisonniers sont soumis aux températures extrêmes du désert, enfermés dans des cellules souterraines et des conteneurs. De nombreux prisonniers souffrent de maladies physiques et mentales.
Plusieurs membres du groupe souffraient déjà de problèmes de santé lorsqu’ils ont été arrêtés il y a 10 ans. Selon certaines allégations, neuf d’entre eux, sur onze, seraient morts au cours des dernières années. Les autorités n’ont pas répondu à ces propos.
Lorsqu’ils ont été arrêtés, Amnesty International les a adoptés comme prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir critiqué le gouvernement sans faire usage de la violence. L’organisation a demandé leur libération immédiate et sans condition.
« Dix ans plus tard, nous continuons de demander la libération immédiate des militants du " Groupe des 15 ". Leur détention au secret, pour une durée indéterminée, doit prendre fin. Leurs familles doivent savoir où ils se trouvent et les détenus doivent pouvoir consulter un avocat et bénéficier des soins médicaux dont ils ont besoin », a assuré Michelle Kagari.
Parmi les 11 prisonniers figure Aster Fissehatsion, ancienne combattante de la guerre d’indépendance et ancienne membre éminente du Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE).
En font également partie son ex-époux, l’ancien vice-président et ministre des Affaires étrangères Mahmoud Ahmed Sheriffo, ainsi que Haile Woldetensae et Petros Solomon, tous deux anciens ministres.
Les autorités érythréennes ont balayé d’un revers de main les appels répétés émanant des familles et de défenseurs des droits humains, qui dénoncent leur détention au secret dans des lieux inconnus et réclament qu’ils soient inculpés officiellement et jugés, ou bien remis en liberté.
Dans les mois qui ont suivi l’arrestation du « Groupe des 15 », des dizaines de journalistes, de détracteurs du gouvernement et d’opposants ont également été interpellés, dans le cadre d’une vaste répression contre la liberté d’expression. Beaucoup d’entre eux sont toujours derrière les barreaux, bien qu’ils n’aient pas été jugés.
Durant les 10 années de maintien en détention du « Groupe des 15 », les autorités érythréennes ont à maintes reprises procédé à des arrestations et détentions arbitraires et fait usage de la torture en vue de réduire l’opposition au silence. Les partis d’opposition sont interdits, tout comme le journalisme indépendant et les organisations de la société civile.
Le président Issayas Afeworki et le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ) – parti au pouvoir et unique formation autorisée – exercent un contrôle exclusif sur l’État, sans jamais évoquer des élections maintes fois différées.
« En Érythrée, des milliers de prisonniers politiques croupissent dans des conditions très dures, a conclu Michelle Kagari. Nous demandons au gouvernement érythréen de déclarer une amnistie pour tous les prisonniers politiques et de respecter leur droit à la liberté d’expression. »