Érythrée. Un journaliste célèbre serait mort dans une prison secrète

Déclaration publique

AFR 64/002/2007

Fessahaye Yohannes (ou « Joshua »), journaliste, auteur de théâtre, poète, père de trois enfants et prisonnier d’opinion de longue date, serait mort à la suite de mauvais traitements et d’un refus de soins médicaux, dans une prison secrète d’Érythrée septentrionale.

L’Érythrée est un pays fermé aux enquêteurs des droits humains ; Amnesty International ne peut donc pas obtenir une confirmation directe de la mort de ce journaliste le mois dernier, mais estime très crédibles les informations signalant son décès.

Depuis l’arrestation de « Joshua » en 2001 et sa disparition après une grève de la faim alors que la police le maintenait en détention à Asmara, en 2002, le gouvernement érythréen a toujours refusé de dire où il était détenu et dans quelles conditions, malgré d’intenses campagnes internationales pour sa libération menées par Amnesty International et des organisations médiatiques. Toutes ont demandé en vain aux autorités érythréennes de réagir aux informations persistantes signalant sa mort, ainsi que celles de plusieurs autres détenus politiques, notamment trois autres journalistes qui étaient détenus avec « Joshua ». Le gouvernement érythréen, passant outre les inquiétudes internationales, essaye de rejeter les informations signalant des atteintes aux droits humains comme étant fausses.

Fessahaye Yohannes, âgé de quarante-huit ans, rédacteur de l’important journal Setit et ancien combattant volontaire du Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE) avant l’indépendance, a été arrêté en septembre 2001. À cette période, d’anciens ministres du gouvernement qui étaient membres du parlement à parti unique, ainsi que d’anciens dirigeants du FPLE ont été placés en détention et accusés de trahison. Dix journalistes indépendants reconnus ont également été arrêtés et accusés d’être des « espions et mercenaires » ; tous les médias privés ont été fermés pour une durée indéfinie. Des centaines d’autres arrestations ont également eu lieu à cette période, notamment de fonctionnaires, d’anciens combattants du FPLE, d’hommes d’affaires importants, de conscrits et d’étudiants. Toutes les personnes arrêtées ont été détenues au secret dans des conditions épouvantables, sans inculpation ni procès. Aucune de ces personnes n’avait préconisé le recours à la violence. Sur ces quelques centaines de détenus, seuls quelques-uns ont été libérés, souvent à l’agonie.

Les ministres du gouvernement avaient critiqué le président Issayas Afeworki, qui avait dirigé le FPLE, arrachant à l’Ethiopie l’indépendance de l’Érythrée en 1991 ; ces ministres avaient aussi demandé des réformes démocratiques garanties par la Constitution. Il s’agissait de prisonniers d’opinion détenus pour avoir exprimé pacifiquement leur point de vue. Les médias privés avaient publié des articles sur cette question, offrant un moyen d’expression aux dissidents.

Les hommes politiques et journalistes considérés comme les plus dangereux pour le président Afeworki ont par la suite été détenus dans une prison de fortune excentrée, à Embatkala, près de Dongolo, au nord de la capitale Asmara. Là, ils ont été détenus secrètement et gardés par une unité spéciale de l’armée. Ces prisonniers d’opinion, qui seraient en tout plus de 60, ont parfois pu recevoir des soins hospitaliers à Asmara, sous le secret militaire. En 2003, ils auraient de nouveau été déplacés vers une prison dans le désert plus lointaine, appelée Eiraeiro, dans la région de la Mer Rouge, où ne se trouvent ni routes ni habitations. Les conditions de vie des prisonniers se sont alors aggravées, sans possibilité de traitement médical.

Fessahaye Yohannes serait mort parce qu’on lui aurait refusé un traitement médical au cours d’une longue maladie.

Amnesty International demande instamment au président érythréen :

 d’ouvrir une information judiciaire indépendante et impartiale sur la mort présumée de Fessahaye « Joshua » Yohannes et d’autres codétenus qui seraient également décédés, et d’autoriser les enquêteurs à se rendre dans la prison d’Eiraeiro ;
 de rendre public le sort de Fessahaye Yohannes et d’autres détenus ;
 en cas de décès avéré, de restituer son corps à sa famille pour qu’il soit inhumé, et de traduire en justice les responsables de toute infraction pénale ou négligence ayant provoqué sa mort ;
 si Fessahaye Yohannes est toujours vivant, de le libérer immédiatement et sans conditions, en tant que prisonnier d’opinion n’ayant ni utilisé ni préconisé la violence.

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