Espagne. Amnesty International demande une enquête indépendante, exhaustive et impartiale afin de déterminer s’il y a eu violation des droits humains lors de l’arrestation d’Igor Portu

Déclaration publique

EUR 41/001/2008

Londres. – Amnesty International se félicite de l’ouverture par le tribunal d’instruction n° 1 de San Sebastián d’une information destinée à déterminer si des infractions ont été commises lors de l’arrestation par la Garde civile, le 5 janvier 2008 à Mondragón (Guipúzcoa), d’Igor Portu, membre présumé de l’organisation indépendantiste basque ETA. Celui-ci a été admis par la suite au service des urgences de l’hôpital Donostia de San Sebastián. Il présentait, selon les médecins, des blessures importantes. L’organisation demande que des garanties soient apportées afin que l’enquête soit menée sans délai, de manière impartiale, exhaustive et indépendante, conformément aux normes du droit international, et qu’elle permette de déterminer si des actes de torture ou des mauvais traitements ont été commis lors des faits.

Amnesty International juge malvenues les déclarations du ministre de l’Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, qui a repris à son compte la version de la Garde civile sur cette arrestation et la façon dont le suspect a été traité. Alors qu’aucune enquête interne complète n’a été effectuée et qu’une information judiciaire est en cours, le ministre a affirmé que les gardes civils avaient employé « la force réglementaire ». Une telle attitude ne contribue pas à établir la vérité et peut au contraire renforcer le climat d’impunité qui entoure beaucoup d’actes de torture et de mauvais traitements perpétrés par les agents de la force publique.

« La meilleure conduite à tenir consiste à enquêter sans délai et de manière impartiale, a déclaré Nicola Duckworth, d’Amnesty International. Le droit international oblige les États à mener des investigations sur toutes les allégations d’atteintes aux droits humains. Il appartient donc aux juges, aux procureurs et aux services internes des forces de sécurité de l’État de rechercher les éléments de preuve nécessaires et de corroborer ou de démentir les allégations. ».

Obligation d’enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements
Amnesty International va adresser une lettre au ministre de l’Intérieur afin de rappeler une fois encore l’obligation de l’État espagnol de prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitements, d’enquêter sur les allégations relatives à de tels actes et d’en punir les responsables.

L’organisation va également rappeler au gouvernement espagnol la nécessité de réformer la procédure d’enquête sur les plaintes pour violation grave des droits humains. Ces enquêtes doivent être confiées à des responsables compétents, impartiaux et indépendants des auteurs présumés des faits et de leur organe de tutelle. L’absence d’impartialité – réelle ou supposée – peut également constituer une violation des articles 12 et 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui imposent aux États parties l’obligation de procéder sans délai à une enquête impartiale sur toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements.

Amnesty International rappelle aussi que le ministère public doit pour sa part ouvrir une procédure pénale lorsqu’il existe des éléments tendant à prouver l’existence d’actes de torture ou de mauvais traitements, même lorsque aucune plainte n’a été déposée.

Les autorités judiciaires doivent également faire en sorte que des investigations objectives et impartiales soient menées, que les personnes qui ont porté plainte soient protégées de manière efficace contre d’éventuels actes d’intimidation ou de représailles, et que les victimes bénéficient d’une réparation appropriée.

Enfin, les responsables de la police ont l’obligation de lancer une procédure interne contre les fonctionnaires soupçonnés d’avoir commis des actes de torture ou des mauvais traitements, ou d’avoir recouru à une force excessive. Ils doivent faire part aux autorités compétentes de toute conduite constituant une infraction et appliquer les sanctions disciplinaires appropriées contre les personnes dont la culpabilité est établie.

Amnesty International reconnaît que la réputation de la grande majorité des responsables de l’application des lois, qui accomplissent leur mission avec professionnalisme, est injustement ternie par les agissements des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements. L’organisation reconnaît aussi que tous les jours, de nombreux fonctionnaires sont confrontés à des situations dangereuses et font preuve d’un grand courage et d’une vraie générosité dans l’accomplissement de leur mission. Les autorités doivent leur apporter tout leur soutien lorsqu’il en est ainsi, tout en faisant passer le message clair que les autres comportements, comme la pratique de la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, ne seront pas tolérés.

Complément d’information

Dans un rapport publié en novembre 2007 et intitulé Spain : Adding insult to injury : The effective impunity of police officers in cases of torture and other ill-treatment (index AI : EUR 41/006/2007, version anglaise disponible sur http://www.amnesty.org/en/report/info/EUR41/006/2007, version espagnole sur http://www.amnesty.org/es/report/info/EUR41/006/2007),

Amnesty International a montré que le climat d’impunité s’aggravait en Espagne car les gouvernements successifs se sont abstenus de prendre des mesures pour résoudre le problème, et que cette situation favorisait l’apparition de nouveaux cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Amnesty International ne pense pas que la torture est une pratique systématique dans le pays, mais est préoccupée par le nombre important de plaintes pour de tels actes, qui ne peuvent être mises systématiquement sur le compte d’une stratégie des personnes détenues visant à porter atteinte à la crédibilité morale des autorités. Les recherches menées par l’organisation montrent que les cas de torture et de mauvais traitements en Espagne ne constituent pas des faits isolés, mais des exemples de déficiences structurelles touchant tous les aspects relatifs à la prévention de la torture et des autres mauvais traitements, au processus d’enquête sur ces actes et au système de sanction de leurs auteurs.

C’est pourquoi Amnesty International a demandé, entre autres, la création d’un mécanisme d’enquête indépendant et impartial ainsi que l’installation de caméras vidéo en circuit fermé couvrant toute la superficie des commissariats de police.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter Carmen López ou Ángel Gonzalo au service de presse de la section espagnole d’Amnesty International, au +34 91 310 12 77 ou +34 630 74 68 02.
Courriels : info@es.amnesty.org

Pour connaître les dernières informations relatives aux droits humains, consultez le site http://news.amnesty.org.

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