Espagne, les autorités doivent apaiser les tensions en Catalogne

Des mobilisations et manifestations qui se sont déroulées à Barcelone et ailleurs en Catalogne après que la Cour suprême d’Espagne a condamné 12 dirigeants politiques et militants catalans, Amnesty International appelle de toute urgence les autorités à prendre les mesures nécessaires pour respecter le droit de réunion pacifique et permettre à toutes les personnes d’exprimer leurs convictions librement et en sécurité.

« Ces mobilisations ont été exceptionnellement pacifiques, et même si certains actes de violence ont mis des personnes en danger, les forces de sécurité doivent agir avec modération. Les autorités doivent faire tout leur possible pour ne pas contribuer à l’escalade des tensions dans les rues et répondre toujours de manière proportionnée aux éventuelles violences, a déclaré Esteban Beltrán, directeur d’Amnesty International Espagne. Nous sommes conscients des difficultés rencontrées par les forces de sécurité, mais le recours excessif à la force et l’usage inadapté d’armements antiémeutes par la police n’est jamais justifié. »

Une équipe d’Amnesty International est sur place pour observer la situation depuis le début des manifestations, le 14 octobre. Elle a relevé plusieurs cas de recours excessif à la force.

Recours excessif à la force et usage inadapté d’équipements et de munitions antiémeutes

Amnesty International a observé plusieurs cas de recours excessif à la force, parmi lesquels une utilisation inadaptée et injustifiée de matraques et d’autres équipements défensifs contre des personnes qui ne représentaient aucune menace, notamment des journalistes et des personnes déjà maîtrisées par les forces de sécurité qui ont quand même continué d’être frappées sur la tête et le haut du corps.

Selon les informations fournies par le ministère de la Santé catalan, 394 personnes ont été prises en charge par les services d’urgence, dont 139 membres des forces de sécurité.

« Dans ces situations où autant de personnes manifestent dans la rue, la priorité des autorités doit être de réduire les tensions et de permettre à toute personne qui souhaite exprimer pacifiquement ses convictions de le faire en toute sécurité », a déclaré Marie Struthers, directrice pour l’Europe à Amnesty International.

Amnesty International a constaté que des balles en caoutchouc ou en « mousse » avaient été tirées à faible distance pour disperser des foules, ainsi que dans des espaces semi-fermés tels que des parkings et la zone autour de l’aéroport de Barcelone.

En conséquence, deux personnes ont été grièvement blessées le 14 octobre à l’aéroport El Prat. D’après les informations fournies par l’hôpital où elles ont été prises en charge, un homme de 22 ans a perdu un œil après avoir reçu un projectile ressemblant à une balle en caoutchouc ou en « mousse ». Un autre homme a été touché aux testicules par le même type d’objet et a dû être opéré.

« La façon dont des munitions antiémeutes sont utilisées lors de ces manifestations est très préoccupante. Il est essentiel que toutes les forces de sécurité respectent pleinement les principes de nécessité et de proportionnalité dans le recours à la force afin de répondre de manière appropriée aux actes de violence et de permettre ainsi aux manifestants pacifiques de continuer de manifester », a déclaré Marie Struthers.

Selon les normes internationales relatives à l’usage de la force, les balles en caoutchouc ou en « mousse » ne doivent jamais être utilisées contre des manifestants pacifiques ni dans des situations où des passants pourraient être blessés. En raison du risque élevé de blessures graves, ces projectiles ne doivent pas être employés pour disperser des foules. Ils ne doivent servir que pour contenir des personnes se livrant à des actes de violence et lorsque les tirs peuvent être dirigés exclusivement contre ces personnes. L’utilisation de ces projectiles contre des foules, leur usage sans discernement et les tirs indirects par ricochet doivent être prohibés.

« Dans ces situations où autant de personnes manifestent dans la rue, la priorité des autorités doit être de réduire les tensions et de permettre à toute personne qui souhaite exprimer pacifiquement ses convictions de le faire en toute sécurité »

Amnesty International a également vérifié sur le terrain le recours à une tactique policière surnommée « carrousel », qui consiste à avancer des fourgons de police vers la foule pour la disperser. L’organisation considère que c’est une manœuvre extrêmement dangereuse qui peut blesser des passants et les personnes qui manifestent pacifiquement.

« Les autorités doivent veiller à ce que la décision de disperser une foule ne soit prise qu’en dernier ressort lorsque tous les moyens moins restrictifs se sont avérés inefficaces. Tout ordre de dispersion doit être exprimé clairement et laisser suffisamment de temps aux personnes pour se retirer volontairement. La force employée doit toujours être proportionnée à la résistance opposée. Si le recours à la force est nécessaire, les forces de sécurité doivent éviter de blesser des personnes qui résistent uniquement passivement », a déclaré Adriana Ribas, coordinatrice d’Amnesty International Catalogne.

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