Communiqué de presse

Espagne. La Cour suprême annule l’interdiction du voile intégral

Deux arrêts rendus récemment par la Cour suprême espagnole et la Haute Cour de justice de Madrid ont relancé le débat sur les symboles et vêtements religieux et culturels dans le pays.

Le 28 février 2013, la Cour suprême espagnole a statué que l’interdiction du voile intégral dans les bâtiments et établissements municipaux adoptée par la municipalité de Lleida en 2010 pour protéger l’ordre public et les droits des femmes portait atteinte au droit à la liberté de religion.

Amnesty International se félicite de cette décision, car l’interdiction du voile intégral à Lleida viole les droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction, comme le souligne le rapport Choix et préjugés. La discrimination à l’égard des musulmans en Europe, publié par l’organisation l’an dernier.

La Cour suprême a souligné que les restrictions des droits humains, notamment du droit à la liberté de religion, ne peuvent être légales que si elles servent un objectif légitime et sont nécessaires dans une société démocratique. Elles doivent en outre être prévues par la loi et conformes à la Constitution espagnole et aux obligations internationales de l’Espagne en matière de droits humains. Bien que l’ordre public soit un objectif légitime pour restreindre un droit fondamental, les autorités municipales n’ont pas réussi à prouver qu’une interdiction du voile intégral était nécessaire pour le protéger. De plus, la Cour suprême a rejeté l’argument selon lequel les femmes portant le voile intégral menaçaient la paix sociale. Selon elle, le trouble à l’ordre public est, dans ce cas, une simple considération sociologique qui ne peut en elle-même justifier la restriction du droit à la liberté de religion.

Enfin, la Cour a estimé que l’aspect le plus crucial à prendre en compte est de savoir si une femme choisit librement de porter un voile intégral. À cet égard, les autorités n’ont pas démontré qu’une interdiction est efficace pour protéger le droit des femmes à ne subir aucune forme de discrimination ou de violence. Au contraire, l’interdiction peut avoir pour effet d’obliger les femmes portant ce vêtement à rester chez elles.

Le maire de Lleida, Angel Ros, s’est publiquement opposé à ce jugement et a annoncé son intention de faire appel devant la Cour constitutionnelle. Le 4 avril 2013, Amnesty International lui a écrit pour réaffirmer ses préoccupations relatives à l’interdiction.

Trois semaines avant l’arrêt de la Cour suprême, le 8 février 2013, dans une décision rendue publique la semaine dernière, la Haute Cour de justice de Madrid a déclaré irrecevable pour des raisons de procédure un recours formé par la famille de Najwa, une jeune fille à qui on avait interdit de porter un foulard à l’institut José Cela, un lycée public de Pozuelo de Alarcon (banlieue de Madrid), et qui avait dû s’inscrire dans un autre établissement. En janvier 2012, un tribunal de premier instance de Madrid avait confirmé la décision prise par l’institut d’exclure Najwa de ses cours au motif que son règlement interdisait le port de foulards et de toute autre forme de vêtement couvrant la tête. Le tribunal avait relevé que le règlement de l’établissement s’appliquait à tout le monde et visait à introduire un code vestimentaire commun pour garantir l’harmonie sociale au sein du lycée et éviter que les élèves ne soient distraits, et que cette disposition constituait donc une mesure nécessaire pour protéger l’ordre public et les droits d’autrui.

Amnesty International avait exprimé sa déception à la suite de ce jugement, en réaffirmant que le port de signes et de vêtements religieux et culturels relevait du droit à la liberté d’expression et du droit de manifester sa religion ou ses convictions. Le droit international autorise certaines restrictions de ces droits, mais uniquement si trois critères sont remplis : les restrictions doivent être prévues par la loi ; elles doivent se rapporter à l’un des objectifs reconnus comme légitimes par le droit international – à savoir protéger la sécurité, l’ordre, la santé ou la moralité publics, ou encore les droits et libertés d’autrui – ; et il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but ainsi visé.

Amnesty International demande à nouveau au ministère espagnol de l’Éducation et au ministère de l’Emploi et de l’Éducation de la communauté de Madrid de s’assurer que, lorsqu’elles ont des répercussions sur l’exercice des droits à la liberté d’expression et de religion ou de conviction, les restrictions vestimentaires imposées par la direction de certaines écoles à titre individuel soient conformes au droit international relatif aux droits humains. En dépit du principe d’autonomie de chaque établissement scolaire, l’État et la communauté de Madrid partagent la responsabilité de veiller au respect du principe de non-discrimination à l’école.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit