ESPAGNE : Les graves conséquences du racisme : torture et mauvais traitements

Index AI : EUR 41/005/02

« Les actes de torture et les mauvais traitements infligés à des
membres de minorités ethniques ou à des personnes d’origine étrangère
sont malheureusement fréquents et généralisés en Espagne », a déclaré
Amnesty International.

Dans le volumineux rapport intitulé : " Espagne. L’identité en question.
Tortures et mauvais traitements à caractère raciste perpétrés par les
représentants de l’État", dont le lancement a eu lieu aujourd’hui à
Madrid, l’organisation de défense des droits humains a mis en évidence
une augmentation du nombre de cas de torture et de mauvais traitements
infligés à des minorités entre 1995 et 2002.

« Des hommes, des femmes et des enfants ont été insultés, maltraités
physiquement, détenus arbitrairement, voire torturés dans certains cas
 », a indiqué Gilliam Fleming, chercheuse d’Amnesty International sur
l’Espagne.

« Les cas sur lesquels nous avons enquêté montrent que les violations
des droits fondamentaux de membres de minorités ethniques et de
personnes d’origine étrangère par les agents de la force publique
constituent une pratique bien établie en Espagne. La discrimination de
ces personnes, tolérée par les autorités, les rend vulnérables aux
tortures et aux mauvais traitements dus aux représentants de l’État. »

Bien que la législation nationale comporte divers textes législatifs et
codes qui visent à protéger toute personne physique contre des
comportements discriminatoires ou arbitraires des agents de la force
publique, la pratique du « profil racial » est monnaie courante en
Espagne. Son application lors des contrôles d’identité a donné lieu à la
situation actuelle, où de nombreux étrangers ont été victimes
d’atteintes à leurs droits fondamentaux et de mauvais traitements.

Le rapport de l’organisation en témoigne :
Un grand nombre de personnes, dont plusieurs d’origine étrangère, sont
mortes en détention. Les enquêtes ouvertes sur ces décès n’ont pas
toujours été menées avec l’exhaustivité, la rapidité et l’impartialité
voulues.

Des femmes immigrées sans papiers, notamment, ont été soumises à des
tortures sous forme de viol ou d’agression sexuelle en garde à vue.

L’organisation a été informée de plusieurs cas de mauvais traitement et
de recours inapproprié à des méthodes de contrainte lors des expulsions
d’Espagne. Nombre d’immigrants visés par des procédures d’expulsion
n’ont pas été traités avec la dignité qui s’impose, et on ne peut que
déplorer le manque de transparence dans ces affaires.

Des mineurs non accompagnés ont été expulsés du territoire espagnol sans
avoir pu bénéficier d’une protection juridique ou de la moindre prise en
charge. Nombre d’entre eux ont été maltraités pendant les opérations
d’expulsion, soit pendant leur détention soit pendant qu’ils se
trouvaient en transit, ainsi qu’à la frontière avec le Maroc, aux mains
de la police marocaine.

L’impunité est probablement un des principaux obstacles qu’il faudra
surmonter pour résoudre ce problème : les victimes ayant dénoncé des
mauvais traitements se voient souvent immédiatement opposer des
contre-accusations tandis que de très nombreuses autres n’envisagent
même pas de porter plainte par crainte, parce qu’elles ne disposent pas
de l’aide judiciaire appropriée ou en raison de l’apathie et de la
partialité des autorités judiciaires.

Des policiers ayant des antécédents judiciaires ou faisant l’objet de
procédures disciplinaires non seulement ont été autorisés à continuer
leur travail, mais encore ont bénéficié de l’appui des autorités
politiques.

En revanche, d’autres policiers qui ont tenté d’agir pour assurer la
protection des droits humains ont été sanctionnés. Trois agents ont
ainsi fait l’objet de mesures disciplinaires après avoir dénoncé des
irrégularités relatives à la détention et à l’expulsion d’enfants
marocains de Ceuta.

Nombre des faits rapportés ont été cautionnés par les déclarations
racistes de diverses personnalités, dont des hommes politiques.

« Les autorités espagnoles doivent décider si l’identité du pays au XXIe
siècle reposera sur des attitudes racistes et des pratiques abusives ou
sur la tolérance de la diversité et le respect des droits humains », a
déclaré Gillian Fleming.

Amnesty International demande instamment aux autorités espagnoles
d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale et
un plan d’action pour combattre le racisme sous toutes ses formes, en
prévoyant des mesures spécifiques pour empêcher la torture et les
mauvais traitements ainsi que toute manifestation de racisme dans
l’administration de la justice.

Exemples de cas cités dans le rapport :
Le premier trompettiste de l’Orchestre symphonique de Barcelone, un
Afro-américain ressortissant des États-Unis, a déclaré avoir été dans
l’impossibilité d’honorer ses engagements dans des concerts à la suite
du passage à tabac qui lui a été infligé par des policiers.

Une famille de Rom, dont des enfants, a été humiliée et torturée dans un
poste de police de Madrid, où elle a été détenue illégalement.

Des policiers ont détenu un vendeur ambulant sénégalais sur une plage en
Galice, mais au lieu de le conduire directement au poste de police, ils
l’ont emmené dans un secteur isolé de la ville, où ils l’ont roué de
coup en l’accablant d’injures racistes, d’après les informations reçues.

Un enfant marocain sans famille qui avait tenté de faire sa vie à
Melilla a été illégalement conduit à la frontière par la police
espagnole ; trop faible pour entreprendre le voyage de retour, il y est
resté abandonné à lui-même.

Une Brésilienne a été violée en garde à vue, mais la Cour suprême s’est
trouvée dans l’impossibilité d’agir faute de pouvoir identifier son
tortionnaire, les policiers s’étant refusés à coopérer avec les
enquêteurs.

Un travailleur marocain, attaqué par une foule armée, a dû fuir son
domicile sous les rafales de balles en caoutchouc tirées par la police,
qui n’a rien fait pour empêcher l’incendie de sa maison ou le vol de ses
biens.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service
de presse d’Amnesty International, à Londres, au +44 20 7413 5566 ou
consulter notre site web : www.amnesty.org

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