AI Index : EUR 41/016/2005
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU BUREAU EUROPÉEN D’AMNESTY INTERNATIONAL
Bruxelles, Madrid — À la veille du sommet de l’Union européenne à Hampton Court où l’Espagne et la France doivent lancer une initiative commune sur le contrôle de l’immigration, Amnesty International révèle les conclusions de la mission de dix jours qu’elle vient d’effectuer en Espagne et au Maroc. Ces résultats montrent non seulement que des atteintes aux droits humains caractérisées sont commises contre les migrants aux frontières de l’Europe, mais aussi que personne ne veut en prendre la responsabilité.
L’organisation de défense des droits humains a effectué cette mission après qu’au moins 11 personnes eurent été tuées et de nombreuses autres blessées en tentant d’entrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Les conclusions de la mission ont été rendues publiques lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi 26 octobre 2005 à Madrid.
Amnesty International craint que la réaction de l’Union européenne à cette crise récente, qui fait suite à des événements similaires en Italie et à Malte, ne soit encore centrée presque exclusivement sur le contrôle de l’immigration illégale.
Pour l’organisation, il faut que les États membres de l’Union européenne reconnaissent que les pressions politiques et économiques qu’ils exercent sur les pays voisins afin qu’ils « ne laissent entrer personne en Europe » contribuent à créer une situation chaotique. Il faut que les États élaborent une stratégie commune pour faire en sorte que les droits fondamentaux de certains des individus les plus pauvres du monde soient protégés, qu’ils remplissent ou non les conditions requises pour être considérés comme des réfugiés.
« Nous avons pu constater que les agents de l’État avaient eu recours à une force illégale et disproportionnée, en utilisant notamment des armes létales, a déclaré Javier Zúñiga, le conseiller principal pour les Programmes régionaux du Secrétariat international qui dirigeait la délégation envoyée par Amnesty International en Espagne et au Maroc. Les forces de l’ordre ont blessé et tué des personnes essayant de franchir la clôture, et un grand nombre des migrants grièvement blessés sur le territoire espagnol ont été renvoyés de l’autre côté de la clôture en l’absence de toute formalité légale et assistance médicale. »
Amnesty International constate que même la mission technique de l’UE envoyée récemment dans cette zone a reconnu l’absence d’une protection adéquate des réfugiés au Maroc. La mission de l’UE a été informée de ce que ce manque de protection avait conduit au refoulement par les autorités marocaines de demandeurs d’asile et de personnes déjà reconnues comme des réfugiés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
En outre, des centaines de migrants, parmi lesquels des demandeurs d’asile, ont été conduits près de la frontière algérienne, dans des zones désertiques, avec pour consigne de franchir la frontière à pied et de se rendre dans les localités algériennes les plus proches. Ils ont été abandonnés là sans eau ni nourriture ou avec de l’eau et de la nourriture en quantité insuffisante.
Le rapport de mission d’Amnesty International met également en évidence les grandes difficultés que rencontrent les migrants souhaitant demander asile à la frontière espagnole. À ce jour, peu de propositions ont été faites de la part d’États membres de l’Union européenne ou de l’UE dans son ensemble pour résoudre ce problème et celui du traitement inhumain réservé aux personnes ne répondant pas aux conditions requises pour acquérir le statut de réfugié aux termes de la Convention de Genève.
« L’Europe doit trouver des solutions collectives au problème qu’elle a contribué à créer afin que nul ne soit tué ou blessé à ses frontières, et pour que ceux qui souhaitent y demander asile puissent le faire librement », a conclu Javier Zúñiga.
Amnesty International a exprimé sa vive préoccupation quant au fait que le rapport de la mission technique de l’Union européenne comprend des propositions visant à accroître les contrôles en matière d’immigration, y compris en collaboration avec des pays où sont commises des atteintes massives aux droits humains comme la Côte d’Ivoire ou la République démocratique du Congo.