Amnesty International demande une enquête complète, efficace et indépendante après la confirmation par le ministre espagnol de l’Intérieur que la police avait tiré des balles en caoutchouc pour essayer d’empêcher des migrants de pénétrer dans l’enclave espagnole de Ceuta, ce qui a pu contribuer à la mort par noyade d’au moins 11 personnes.
Les migrants qui ont péri noyés le 6 février faisaient partie d’un groupe de quelque 250 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne qui tentaient de pénétrer sur le sol espagnol en traversant à la nage la frontière entre le Maroc et l’enclave de Ceuta.
« La mort de ces personnes est un véritable drame, et les autorités espagnoles doivent faire toute la lumière sur ce qui s’est passé, a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Ces éclaircissements sont d’autant plus nécessaires que la version du ministre de l’Intérieur contredit les déclarations officielles antérieures. Les autorités doivent de toute urgence établir ce qui s’est passé et amener les responsables à rendre compte de leurs actes. »
Le 13 février dans la matinée, le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, a reconnu devant le Congrès des députés que les gardes civils avaient utilisé du matériel antiémeutes, notamment des balles en caoutchouc, pour empêcher les migrants d’atteindre Ceuta à la nage le 6 février. Au moins 11 migrants se sont noyés, et 23 personnes qui avaient atteint le rivage ont été renvoyées au Maroc sans autre procédure.
Le ministre a indiqué dans son intervention que le matériel antimémeutes avait été utilisé de manière à ce que les personnes en mer ne soient pas touchées.
« Que les migrants aient été touchés ou non, il est nécessaire qu’une enquête indépendante soit menée pour établir si la Garde civile et les autorités frontalières ont agi de manière appropriée. Les résultats de cette enquête doivent être rendus publics, et tous les responsables présumés de violations des droits humains doivent être traduits en justice », a déclaré Jezerca Tigani.
Le ministre espagnol de l’Intérieur a reconnu que 23 personnes avaient été remises aux autorités marocaines par la Garde civile après avoir été appréhendées sur le rivage de Ceuta. Il a affirmé que ces renvois étaient conformes à la loi car, selon lui, les migrants n’avaient pas posé le pied en territoire espagnol.
« Quel que soit l’endroit où elles se trouvaient, les 23 personnes étaient de toute évidence sous la responsabilité des autorités espagnoles à partir du moment où elles étaient aux mains des fonctionnaires de la Garde civile espagnole, a déclaré Jezerca Tigani. Les agents espagnols ont mené ni plus ni moins une opération de renvoi sommaire d’un groupe de migrants à la frontière. Le fait de renvoyer sommairement un migrant sans lui donner la possibilité de contester la mesure est contraire à la législation espagnole et aux obligations européennes et internationales ; il en va de même pour le refoulement d’un demandeur d’asile à la frontière. »
Amnesty International et des ONG locales ont signalé un certain nombre de cas dans lesquels il apparaît que les autorités espagnoles ont renvoyé sommairement des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés depuis les enclaves de Ceuta et Melilla, qui ont une frontière terrestre avec le Maroc. À la connaissance de l’organisation aucune enquête n’a été menée sur ces incidents.
Il semble qu’un certain nombre de renvois s’effectuent sur la base d’un accord entre le Maroc et l’Espagne qui prévoit la réadmission des migrants qui pénètrent en territoire espagnol, en violation des normes internationales relatives aux droits humains.