ÉTATS-UNIS : Des expulsions à des fins de torture ?

Index AI : AMR 51/139/2003
ÉFAI

Vendredi 14 novembre 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a adressé ce vendredi 14 novembre 2003 un courrier au
ministre américain de la Justice pour lui demander d’ouvrir une enquête
approfondie sur le traitement subi par Maher Arar. Ce ressortissant canadien
avait été expulsé l’année dernière des États-Unis vers la Syrie, où il
aurait été torturé et détenu pendant des mois dans des conditions cruelles,
inhumaines et dégradantes.

« Non seulement le gouvernement américain n’a pas cherché à s’assurer que
Maher Arar ne serait pas torturé en Syrie, mais il aurait même, ce qui est
plus préoccupant, arrangé de manière active son transfert vers la Syrie. En
agissant ainsi, il évitait d’avoir à respecter un certain nombre de
garanties légales, notamment le droit de toute personne à une assistance
consulaire effective et celui de se faire représenter par un avocat lors
d’un procès équitable », a déclaré Amnesty International.

La lettre de l’organisation fait également référence aux informations et
rumeurs persistantes, selon lesquelles des détenus seraient secrètement « 
remis » à des pays connus pour leurs atteintes aux droits humains des
suspects à qui ils veulent soustraire des renseignements. Parmi ces pays
figurent la Jordanie, le Maroc et l’Égypte. Un haut responsable des services
de renseignement, cité dans le Washington Post du 5 novembre, aurait déclaré
qu’il y avait eu « pas mal de travail de remise » effectué depuis les
attaques du 11 septembre 2001. Selon certains articles parus précédemment,
des responsables auraient ouvertement déclaré que les États-Unis avaient pu,
de façon délibérer, envoyer certains détenus dans des pays où les droits
fondamentaux des personnes ne sont pas respectés lors des interrogatoires.

Maher Arar a été interpellé le 26 septembre 2002 à l’aéroport JF Kennedy de
New York alors qu’il était en transit pour le Canada. Il voyageait avec un
passeport canadien. Placé en détention, il est resté aux États-Unis treize
jours, pendant lesquels il dit avoir été interrogé sur ses liens supposés
avec Al Qaida. Il a ensuite « disparu » du système pénitentiaire américain ;
l’information devait filtrer plus tard qu’il avait été expulsé vers la
Syrie, sans avoir eu d’assistance juridique à aucun moment et sans que sa
famille, son avocat ou le consul du Canada aient été informés. M. Arar a été
récemment remis en liberté après avoir passé un an en détention en Syrie
sans avoir été inculpé.

Maher Arar est rentré le mois dernier au Canada, où il a été longuement
entendu par Amnesty International. Maher Arar dit avoir été réveillé le 8
octobre au petit jour par des fonctionnaires américains qui lui ont dit
qu’il allait être expulsé vers la Syrie. Ils n’ont accordé aucune attention
à ses protestations et ses craintes d’être torturé. Dans l’avion, il dit
avoir entendu des membres de l’équipe qui l’accompagnait dire que la Syrie
ne voulait pas le prendre en charge directement mais que la Jordanie était
d’accord pour le faire.

Après une courte escale en Jordanie, où il dit avoir été enchaîné et battu,
il a été emmené par la route en Syrie à Fara Falestin, section Palestine des
services de renseignements militaires syriens, connue pour son usage de la
torture sur les prisonniers politiques. Là-bas, il dit avoir été violemment
battu avec des câbles électriques pendant six jours d’interrogatoire, menacé
de décharges électriques et de la torture de la « chaise en métal » - qui
provoque l’hyperextension de la colonne vertébrale. Il dit avoir finalement
cédé sous la pression et signé un document dans lequel il reconnaissait, ce
qui est faux, avoir été en Afghanistan.

Il dit avoir été détenu seul, dans une cellule minuscule, en sous-sol, sans
lumière, surnommée par lui « la tombe », pendant plus de dix mois. Une
petite grille au plafond donnait sur un couloir situé à l’étage au-dessus ;
des chats et des rats urinaient à travers cette grille dans sa cellule. Il
n’y avait aucun mobilier dans la cellule, seulement deux couvertures jetées
à terre. Il n’a pas vu la lumière du jour pendant les six premiers mois de
sa détention.

« Il apparaît que les États-Unis ont gravement manqué à leurs obligations au
regard du droit international en l’expulsant vers la Syrie, qu’ils l’aient
fait directement ou indirectement », a déclaré Amnesty International.
L’organisation a en outre souligné qu’il avait été privé de ses droits
fondamentaux par les autorités américaines, qui l’ont détenu au secret
pendant les sept premiers jours de sa détention et lui ont refusé toute
possibilité d’entrer en contact rapidement avec le consul du Canada.

Complément d’information

Le gouvernement américain semble n’avoir respecté ni ses propres directives
ni le droit international en expulsant Maher Arar. L’article 3 de la
Convention contre la torture interdit d’extrader une personne vers un autre
État où il y a des « motifs sérieux » de croire qu’elle risque d’être
soumise à la torture. Dans une lettre adressé au sénateur Patrick Leahy en
juin dernier, William Baynes, responsable des services juridiques du
Pentagone, a écrit que la politique du gouvernement est « de respecter
toutes les obligations légales qui lui incombent dans le traitement des
détenus », et précisé que les États-Unis n’enverraient aucun individu dans
un pays où il risquerait d’être victime d’actes de torture. Il a ajouté
qu’en cas de besoin, les États-Unis chercheraient à s’assurer auprès du pays
d’arrivée que la torture ne serait pas utilisée contre la personne
transférée. Le dernier rapport du Département d’État américain sur les
droits humains dans le monde fait état, à la rubrique Syrie, « 
d’informations crédibles selon lesquelles la torture serait toujours
employée par les forces de sécurité » de ce pays. Le président Bush, lors
d’un important discours sur le Moyen Orient le 6 novembre 2003, a parlé de
la Syrie comme d’un pays auquel ses dirigeants avaient laissé un « héritage
de torture ».

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