Communiqué de presse

États-Unis. L’État ne doit pas faire appel alors que la condamnation d’Albert Woodfox vient une nouvelle fois d’être annulée

Amnesty International exhorte le procureur général de Louisiane à ne pas faire appel d’une décision de la cour fédérale qui infirme la condamnation d’Albert Woodfox, l’un des « trois d’Angola », pour le meurtre sans circonstances aggravantes d’un gardien de prison en 1972. Cette affaire, portée devant les tribunaux depuis plus de 40 ans, soulève de graves préoccupations en termes de respect des droits humains.

Dans son arrêt rendu le 26 février, qui a fait suite à une audience consacrée à l’examen des preuves en mai 2012, le juge de district James Brady de la cour fédérale de district de Louisiane a déclaré que la discrimination raciale était à l’origine de la sous-représentation des Afro-Américains sélectionnés en tant que présidents de grand jury, dans la juridiction où Albert Woodfox, lui-même afro-américain, a été rejugé après l’annulation de sa condamnation initiale en 1992.

Le juge Brady a fait valoir que l’État ne s’était pas acquitté de la charge de « dissiper l’inférence de la discrimination intentionnelle » qui ressort des éléments statistiques couvrant une période de 13 ans, de 1980 à 1993, soumis par les avocats d’Albert Woodfox. Il a ajouté que l’État n’avait pas présenté les motifs « racialement neutres » permettant d’expliquer la sous-représentation des Afro-Américains sélectionnés en tant que présidents de grand jury durant cette période.

Albert Woodfox a été déclaré coupable en 1973, avec un codétenu, Herman Wallace, du meurtre de Brent Miller. La condamnation d’Albert Woodfox a été annulée en 1992, mais il a été renvoyé devant la justice en 1993, et condamné de nouveau à l’issue de son second procès, en 1998, avant d’être condamné à la détention à perpétuité en 1999. En 2008, une cour fédérale de district a conclu qu’Albert Woodfox avait été privé de son droit de bénéficier de l’assistance adéquate d’un avocat lors de son procès de 1998. Elle a ordonné à l’État de le juger de nouveau ou bien de le remettre en liberté. La cour fédérale de district a par ailleurs estimé que, les avocats d’Albert Woodfox ayant soulevé une présomption de discrimination dans le choix du président du grand jury, cela justifiait la tenue d’une audience sur l’examen de la preuve. L’État a fait appel de la décision de la cour fédérale de district ordonnant un nouveau procès - et a obtenu gain de cause ; pourtant, la décision rendue le 26 février à l’issue de l’audience consacrée à l’examen des preuves annule une nouvelle fois la condamnation.

Amnesty International a fait part à maintes reprises de ses préoccupations quant à de nombreux aspects juridiques de cette affaire. En effet, aucune preuve physique n’a jamais permis d’établir l’implication d’Albert Woodfox et d’Herman Wallace dans le meurtre du gardien, des preuves ADN susceptibles de les disculper ont été égarées et leurs condamnations se sont fondées sur des témoignages douteux - la plupart des témoins sont revenus par la suite sur leurs déclarations et, ces dernières années, des documents ont resurgi qui donnent à penser que le principal témoin oculaire avait été suborné par des agents de l’administration pénitentiaire afin de faire des déclarations accusant les deux hommes. Albert Woodfox et Herman Wallace ont toujours fermement nié, pendant toutes ces années, être impliqués dans ce meurtre.

Aujourd’hui âgé de 66 ans, Albert Woodfox est maintenu depuis qu’il a été condamné, il y a plus de 40 ans, en détention à l’isolement. Les conditions extrêmement éprouvantes qu’il endure, passant notamment 23 heures par jour à l’isolement, sans avoir suffisamment la possibilité de faire de l’exercice physique, avec très peu de contacts humains et sans bénéficier de la possibilité de travailler ni de participer à des programmes d’éducation ou de réinsertion, ont des conséquences physiques et psychologiques désastreuses. Tout au long de son incarcération, on lui a refusé un véritable réexamen des motifs justifiant son maintien à l’isolement. En outre, les registres indiquent qu’il n’a commis aucune infraction disciplinaire pendant ces décennies et le dossier de la prison relatif à sa santé mentale précise qu’il ne représente aucune menace ni pour lui-même, ni pour autrui. Amnesty International a demandé à maintes reprises aux autorités qu’Albert Woodfox et Herman Wallace ne soient plus soumis à ces conditions que l’on ne peut que qualifier de cruelles, inhumaines et dégradantes.

Que la condamnation d’Albert Woodfox ait une nouvelle fois été annulée donne encore plus de poids aux préoccupations de l’organisation, qui estime que le premier procès était entaché d’irrégularités. Amnesty International prie instamment l’État de renoncer à faire appel de cette dernière décision.

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