Les autorités des États ont joué un rôle décisif face à la pandémie liée au coronavirus, en prenant des mesures pour limiter les interactions sociales, en retirant les agréments sanitaires pour les événements d’envergure, en annulant les concerts et en fermant les écoles et les bâtiments publics. Les trois organisations de défense des droits humains ont également envoyé une lettre similaire interpelant le secrétaire par intérim du département de la Sécurité intérieure des États-Unis.
« L’une des mesures les plus décisives que vous puissiez prendre pour réduire immédiatement la propagation de l’épidémie de COVID-19 est d’utiliser votre autorité en matière de santé publique et d’agrément pour ordonner aux centres de détention des services fédéraux de l’immigration et aux prisons régionales et locales de réduire considérablement leur capacité d’occupation [...], indique l’une des lettres. [A]u vu des insuffisances avérées concernant les soins médicaux et l’hygiène de base dans ces lieux, il est essentiel que les autorités sanitaires prennent en considération le risque que posent pour tout l’État des sites de détention surpeuplés. »
Le texte complet de la lettre aux gouverneurs et aux autorités sanitaires est disponible ici [3] et celui du courrier au secrétaire par intérim du département de la Sécurité intérieure, Chad Wolf, peut être consulté sur cette page [4].
Les migrants détenus par le Service de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE), leurs avocats et les personnes travaillant dans les centres de détention et les tribunaux courent de graves risques s’ils sont exposés à une contamination au sein des sites de détention des services de l’immigration. Déjà, une personne employée dans un centre de détention de l’ICE à Elizabeth, dans le New Jersey, a dû passer un test [5] après avoir présenté des symptômes de contamination par le coronavirus. La propagation rapide dans des centres de détention surpeuplés suscite une grande inquiétude.
« L’épidémie de COVID-19 expose les migrants et le personnel présents dans les centres de détention à des risques graves, inacceptables et inutiles. Ces centres menacent également la santé et la sécurité de l’ensemble de la population locale et de celle du pays, a déclaré Michele Heisler, directrice médicale de Physicians for Human Rights. La distanciation sociale ne peut être pratiquée dans un lieu de détention surpeuplé. Étant donné que de nombreux éléments attestent de négligences médicales, de mauvaises conditions sanitaires et de stocks souvent insuffisants de produits de première nécessité tels que le savon dans beaucoup de centres de détention, il faut absolument que les autorités des États agissent maintenant pour préserver la santé et les droits humains des personnes détenues et du reste de la population. »
Des experts de la santé publique ont déjà recommandé de réduire la population des prisons et des centres de détention face à la pandémie. Dans leur lettre aux gouverneurs et aux autorités sanitaires, Human Rights First, Amnesty International États-Unis et Physicians for Human Rights ont rappelé que la libération de personnes détenues par les services de l’immigration est autorisée par la législation fédérale, la réglementation et les directives de l’ICE. Cet organe a notamment le pouvoir de libérer des personnes sous condition dans le cadre d’un dispositif dédié.
« La détention n’a jamais été nécessaire ni humaine pour les demandeurs d’asile et autres migrants traumatisés qui attendent qu’un tribunal statue sur leur sort, mais elle représente maintenant en outre un danger pour leur santé et celle de l’ensemble de la population, a déclaré Eleanor Acer, directrice du programme Protection des réfugiés à Human Rights First. La possibilité légale de libérer des personnes détenues par les services de l’immigration existe déjà ; il suffit que le département de la Sécurité intérieure commence à prononcer des libérations sous condition. Nous demandons aux gouverneurs et aux autorités sanitaires des États de faire pression sur les autorités fédérales pour agir dans l’intérêt de la santé publique et des droits humains. Priver les demandeurs d’asile et les migrants de visites de leurs proches mais les laisser bloqués dans des lieux densément peuplés n’est pas une solution. C’est une catastrophe assurée sur le plan sanitaire et pour les droits humains. »
Les protocoles actuels [6] mis en place par l’ICE consistent à suspendre les visites familiales dans tous ses centres de détention et à isoler les personnes répondant aux critères d’exposition aux risques. L’ICE a annoncé qu’il allait transférer les personnes nécessitant un niveau plus élevé de prise en charge dans des hôpitaux, mais il pourrait éviter de créer une pression supplémentaire sur le système de santé américain en réduisant fortement la population de ses centres de détention dès maintenant.
« Tout le monde devrait avoir le même accès aux soins et à la sécurité. Les migrants et les demandeurs d’asile ne peuvent pas entrer en ligne de compte après le reste de la population. Tandis que les États-Unis font face à la pandémie de COVID-19, les hommes, les femmes et les enfants enfermés dans les centres de détention des services de l’immigration sont laissés dans des lieux surpeuplés où leur accès aux soins est limité et où ils sont exposés à un risque accru de contamination, a déclaré Denise Bell, chercheuse spécialiste des droits des migrants et des réfugiés au sein d’Amnesty International États-Unis.
« Les gouverneurs et les autorités sanitaires des États doivent prier instamment le gouvernement fédéral de protéger le droit humain universellement reconnu à la santé et de réduire immédiatement le risque de contamination, de maladie et de mort en libérant des migrants et des demandeurs d’asile détenus par les services de l’immigration. »