ÉTATS-UNIS : Il faut mettre fin à la discrimination dont sont victimes les demandeurs d’asile haïtiens

Index AI : AMR 51/066/02

Amnesty International a exprimé aujourd’hui (lundi 29 avril 2002) sa préoccupation quant au fait que, aux États-Unis, les demandeurs d’asile en provenance d’Haïti sont systématiquement placés en détention pour une durée indéterminée. Il leur est extrêmement difficile de présenter leur demande d’asile et ils sont maintenus dans des conditions qui ne conviennent pas à des réfugiés.
Amnesty International est également préoccupée par les informations selon lesquelles des arrêtés d’expulsion ont été émis contre un nombre considérable de demandeurs d’asile haïtiens ayant exprimé des craintes crédibles de persécution en Haïti. L’organisation redoute que d’autres demandeurs d’asile haïtiens ne connaissent le même sort.

À la mi-mars, des avocats spécialisés dans les questions relatives à l’immigration et aux droits des Haïtiens ont intenté une action en justice au nom de demandeurs d’asile haïtiens à Miami. Ils ont allégué que le gouvernement des États-Unis faisait preuve de discrimination à l’égard des demandeurs d’asile haïtiens en les maintenant en détention pendant que leur demande était examinée, alors que les réfugiés en provenance d’autres pays étaient libérés. Selon eux, cette discrimination s’applique y compris aux Haïtiens ayant exprimé des craintes crédibles de persécution en Haïti. Parmi les personnes attendant que leur demande soit examinée figure une militante de l’opposition qui affirme avoir été violée et frappée par un dirigeant politique local membre du parti pro-gouvernemental Lavalas, après avoir participé à la campagne du parti de l’opposition.

Les avocats qui ont intenté une action en justice au nom de demandeurs d’asile haïtiens reprochent au Service d’immigration et de naturalisation des États-Unis (INS) de maintenir les demandeurs d’asile haïtiens en détention pendant des mois, dans des bâtiments surpeuplés et insalubres où ils sont soumis à un traitement pénible et à des sévices. Auparavant, les demandeurs d’asile haïtiens dont les craintes de persécution en Haïti apparaissaient comme crédibles étaient libérés quelques jours après leur arrivée. Les avocats ont affirmé également que le traitement des demandes d’asile en provenance d’Haïtiens s’étant accéléré, il privait ces derniers de la possibilité de présenter une demande en bonne et due forme, nombre d’entre eux étant désormais amenés à soumettre leur demande sans se faire assister d’un avocat. Les avocats qui ont intenté une action en justice en mars ont allégué qu’il était extrêmement difficile de fournir un conseil juridique aux demandeurs d’asile haïtiens dans les centres de détention comme le Krome Processing Service Center près de Miami et le Turner Guildford Knight Correctional Center (TGK), prison de haute sécurité à Miami.

Amnesty International est préoccupée par les allégations selon lesquelles des détenues incarcérées au TGK à Miami sont soumises à un traitement particulièrement pénible : insultes des surveillants ; fréquent « bouclage » des cellules pendant plusieurs heures d’affilée ; nourriture, infrastructures pour l’exercice et soins médicaux insuffisants.

Répondant à ces accusations, le Service d’immigration et de naturalisation des États-Unis a reconnu que sa nouvelle politique de détention des demandeurs d’asile haïtiens avait pour objectif de dissuader d’autres Haïtiens d’essayer d’entrer aux États-Unis, et d’éviter de nouvelles prises de risque. Les normes internationales disposent que les demandeurs d’asile ne doivent normalement pas être détenus. Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés a en outre déclaré récemment que le placement en détention des demandeurs d’asile à des fins de dissuasion était contraire à la législation internationale sur les réfugiés, et que l’incarcération de demandeurs d’asile en fonction de leur origine nationale était discriminatoire et s’apparentait à une détention arbitraire.
Amnesty International appelle les autorités américaines à rétablir les lignes de conduite précédemment en vigueur en ce qui concerne les demandeurs d’asile haïtiens. Elle leur demande de veiller à ce que tous les demandeurs d’asile haïtiens puissent présenter une demande d’asile en bonne et due forme, et de prendre immédiatement des mesures pour assurer la sécurité et le bien-être des demandeuses d’asile incarcérées à la prison de haute sécurité de Miami. L’organisation appelle également les autorités à ne pas renvoyer les personnes ayant exprimé des craintes de persécution crédibles et à trouver des lieux pour héberger les demandeurs d’asile qui soient mieux adaptés que les prisons locales.

Complément d’information

La nouvelle politique de l’INS est entrée en vigueur après que 167 Haïtiens eurent été secourus en décembre 2001 par des gardes-côtes américains alors que le bateau qui les transportait était en difficulté au large de la Floride. Plus de 270 Haïtiens ayant exprimé des craintes crédibles de persécution en Haïti ont été incarcérés depuis lors. L’INS a libéré récemment quelques demandeurs d’asile haïtiens en annonçant qu’il avait revu sa politique de maintien en détention. Amnesty International croit savoir cependant que cette modification a une portée très limitée et qu’elle ne concernera en réalité qu’un très petit nombre d’Haïtiens arrivant aux États-Unis par avion (alors que la plupart d’entre eux rejoignent le pays en bateau). De plus, les demandeurs d’asile haïtiens sont toujours tenus de remplir de très nombreux formulaires qui ne sont pas demandés aux autres demandeurs d’asile. Les Haïtiens arrivant dans le pays par voie de mer seraient encore systématiquement placés en détention.

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