États-Unis. L’application de l’article 3 commun ne constitue qu’une première étape

AMNESTY INTERNATIONAL

Déclaration publique

AMR 51/110/2006

Dans une nouvelle note, Gordon England, secrétaire d’État adjoint à la Défense des États-Unis, donne pour instruction aux responsables du département de la Défense de s’assurer que l’ensemble de leur personnel respecte les exigences de l’article 3 commun aux Conventions de Genève. Il s’agit là d’une évolution bienvenue – mais qui ne constitue qu’une première étape.

Le mois dernier encore, Amnesty International a demandé au président George W. Bush de retirer ou de réécrire de manière substantielle sa note du 7 février 2002, dans lequel l’article 3 commun était mis de côté (http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAMR510932006). De fait, la note du 7 juillet du secrétaire d’État adjoint England correspond au moins à un retour partiel sur la politique suivie depuis quatre ans et demi par l’administration des États-Unis, consistant à refuser les protections de l’article 3 commun aux Conventions de Genève aux personnes détenues par les États-Unis dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Les instructions du secrétaire adjoint ne concerneraient que les personnes détenues par le département de la Défense, exemptant encore une fois d’autres organes comme la CIA, qui seraient responsables de détentions secrètes, de « restitutions » illégales, de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Il est donc manifeste que la décision d’appliquer l’article commun 3 aux détenus dans un cadre militaire ne constitue qu’une avancée partielle. Il faut également appliquer l’ensemble des protections définies par le droit international humanitaire et relatif aux droits humains à toutes les personnes détenues, où qu’elles se trouvent et quel que soit l’organe qui les détient.

La décision Hamdan c. Rumsfeld prise le 29 juin par la Cour suprême, qui a suscité la note du secrétaire adjoint à la Défense, a ébranlé un pilier essentiel de la « guerre contre le terrorisme » des États-Unis, en déclarant applicable l’article 3 commun. L’affaire impliquait le détenu yéménite Salim Ahmed Hamdan, l’un des détenus de Guantánamo risquant d’être jugé par des commissions militaires, des organes créés par le président Bush dans un décret militaire qu’il a signé le 13 novembre 2001. Amnesty International a demandé à l’administration des États-Unis de ne pas chercher à ressusciter les commissions militaires sous d’autres formes, ou par d’autres moyens, par exemple une autorisation du Congrès.

Pour l’instant, l’administration des États-Unis n’a pas tenu compte de la référence faite par la majorité de la Cour suprême dans l’affaire Hamdan au droit à un procès équitable, tel que l’énonce le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour suprême a mentionné les normes relatives à un procès équitable figurant dans ce traité comme étant des protections fondamentales ; Amnesty International soutient ce point de vue. Notre organisation demande à nouveau au gouvernement des États-Unis d’appliquer ces protections.

Amnesty International demande encore que tous les détenus de Guantánamo soient traduits en justice dans un procès équitable devant des tribunaux des États-Unis sans plus attendre, ou qu’ils soient libérés et pleinement protégés. Le centre de Guantánamo doit être fermé. Toutes les autres détentions doivent être mises en pleine conformité avec le droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Il faut cesser toutes les détentions secrètes. Tous les détenus doivent avoir accès à leurs familles, leurs avocats, et pouvoir remettre en cause la légalité de leur détention et être libérés s’ils ne bénéficient pas d’un procès équitable.

Dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », l’administration des États-Unis n’a pas seulement cherché à contourner les protections de la Convention de Genève, mais également celles du droit international relatif aux droits humains. Parmi ces textes figurent la Convention contre la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Les États-Unis ont ratifié le PIDCP en 1992 et la Convention contre la torture deux ans plus tard.

Ce mois de mai, à Genève, le Comité des Nations unies contre la torture a rejeté la conception des États-Unis, selon laquelle la Convention contre la torture ne s’appliquait pas aux personnes détenues par les États-Unis hors de leur territoire. La semaine prochaine, les États-Unis comparaîtront devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies. Amnesty International et d’autres organisations ont envoyé des notes au Comité, notamment sur leurs inquiétudes quant à la non-application extraterritoriale du PIDCP par les États-Unis, malgré les instructions précédentes du Comité.

Il est certainement temps que la politique des États-Unis évolue davantage. L’attitude de rejet de leur administration face au droit international et à ses normes a entraîné de graves atteintes aux droits humains et a considérablement nui à la crédibilité des États-Unis en termes de droits humains.


Contexte

L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève correspond au droit international coutumier. Ses dispositions ont été définies par la Cour internationale de justice comme constituant une référence minimale, s’ajoutant aux règles plus élaborées qui doivent également s’appliquer aux conflits internationaux. Dès 1949, la Cour internationale de justice définissait ces protections comme des considérations d’humanité élémentaires. L’article 3 commun stipule qu’un procès peut être seulement « rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés ». Cet article interdit également la torture et les traitements cruels, humiliants ou dégradants.

Certains éléments laissent à penser que le rejet des protections de la Convention de Genève par l’administration des États-Unis participerait d’une tentative pour exempter des agents des États-Unis de poursuites pour crimes de guerre, aux termes du droit des États-Unis. En conséquence, les violations des droits humains par les États-Unis dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » ont été systématiques. Depuis plus de deux ans, Amnesty International demande qu’une commission dotée de pleins pouvoirs enquête sur tous les aspects des politiques et pratiques des États-Unis, en termes de détention et d’interrogatoire, dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », notamment les « restitutions » et détentions secrètes.

Dans une note récente à l’administration des États-Unis, Amnesty International a souligné un point absolument nécessaire, a fortiori dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » : l’administration des États-Unis doit s’assurer que, lorsque des responsables parlent de l’engagement des États-Unis en faveur d’un traitement humain, cela corresponde au minimum au droit international et à ses normes. Cela n’a pour l’instant manifestement pas été le cas. Des responsables des États-Unis ont autorisé et approuvé des techniques d’interrogatoire et des conditions de détention qui violent les normes internationales, tout en affirmant dans le même temps s’engager à traiter les détenus humainement.

Pour de plus amples informations, merci de consulter :
Memorandum to the US Government on the report of the UN Committee Against Torture and the question of closing Guantánamo, 23 juin 2006, http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAMR510932006

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