ÉTATS-UNIS : L’espoir anéanti, l’hypocrisie couronnée : le Texas exécute un autre mineur délinquant

Index AI : AMR 51/082/02

« L’exécution de Napoleon Beazley, tué hier soir au Texas pour un crime commis à l’âge de dix-sept ans, démontre de manière éclatante le caractère cruel et arbitraire de la peine de mort, ainsi que l’hypocrisie sans bornes des États-Unis, qui se targuent d’être le fer de lance du combat mondial en faveur des droits humains », a déclaré ce jour (mercredi 29 mai 2002) Amnesty International.

« Certaines dispositions du droit international respectées dans le monde entier interdisent de manière absolue l’application de la peine capitale aux mineurs délinquants, c’est-à-dire aux personnes accusées ou reconnues coupables d’infractions perpétrées alors qu’elles avaient moins de dix-huit ans, a souligné l’organisation de défense des droits humains. L’exécution de Napoleon Beazley est d’autant plus consternante qu’elle a eu lieu le mois même au cours duquel les États-Unis se sont présentés devant les Nations unies comme le "champion de la protection des enfants dans le monde" », a ajouté Amnesty International.

L’avocat de Napoleon Beazley avait demandé qu’il bénéficie d’un sursis – tant aux tribunaux qu’au gouverneur du Texas – dans l’attente d’une décision imminente de la Cour suprême des États-Unis, sur la question de savoir si les normes en matière de « bonnes mœurs » ont évolué dans ce pays au point que l’application de la peine capitale à des personnes affectées de retard mental constitue désormais une violation de la Constitution. Si la plus haute juridiction américaine estime qu’un tel consensus national existe aujourd’hui, sa décision pourrait remettre en question son arrêt de 1989 autorisant l’exécution des mineurs délinquants, et l’amener à statuer qu’il existe également un consensus national contre l’application de la peine de mort à ce type de délinquant.

Mais le Texas n’était pas disposé à attendre. Le gouverneur Rick Perry a refusé d’intervenir et déclaré : « Retarder son châtiment, ce serait retarder la justice. » « Ce faisant, il a ajouté au non-respect du droit international une touche supplémentaire d’arbitraire », a fait observer Amnesty International.

Hier, peu avant que Napoleon Beazley ne soit tué, la Cour suprême du Missouri a accordé un sursis à Christopher Simmons, qui devait être exécuté la semaine prochaine. Comme Napoleon Beazley, il avait été condamné à mort pour un crime perpétré alors qu’il avait dix-sept ans. La plus haute juridiction du Missouri a pris cette décision dans l’attente de l’arrêt de la Cour suprême fédérale sur la question de l’exécution des personnes affectées de retard mental, après avoir fait droit à un recours fondé sur le même argument que celui invoqué par l’avocat de Napoleon Beazley.

« La mise en regard de ces deux affaires montre bien l’arbitraire révoltant qui caractérise l’application de la peine capitale, a déclaré Amnesty International. Une vie humaine est épargnée au Missouri, tandis qu’une autre est anéantie au Texas. Comment cette terrible injustice pourrait-elle jamais être expliquée à la famille de Napoleon Beazley ? »

Six lauréats du prix Nobel de la paix figuraient parmi les dizaines de milliers de personnes et d’organisations qui avaient demandé la grâce de Napoleon Beazley. L’un d’eux, Mgr Desmond Tutu, s’était adressé en ces termes au Comité des grâces et des libérations conditionnelles : « Je suis étonné de constater que le Texas et quelques autres États des États-Unis séparent des enfants de leur famille et les exécutent. […] Épargnez cet enfant. Épargnez sa famille. Épargnez la collectivité. Épargnez-nous à tous la dégradation que constituerait la mort d’un autre mineur délinquant, alors qu’en lui offrant l’espoir d’un avenir, ainsi qu’à sa famille, vous donnez de l’espoir à chacun de nous. »

« La nuit dernière, le Texas a choisi une fois de plus de tuer l’espoir », a déploré Amnesty International, en relevant les propos tenus par un des sept membres du Comité des grâces et des libérations conditionnelles qui s’étaient prononcés en faveur de la commutation de la peine de Napoleon Beazley. Lorsqu’il a appris que le condamné avait été exécuté, Paddy Burwell a déclaré : « J’ai vraiment peur que ce soit un jour que nous allons regretter pendant longtemps. J’ai le sentiment qu’il vient de se passer quelque chose de vraiment injustifiable. »

Complément d’information

La mort de Napoleon Beazley, Afro-Américain reconnu coupable par un jury exclusivement composé de Blancs du meurtre d’un homme blanc, porte à 10 le nombre de mineurs délinquants exécutés aux États-Unis depuis 1995. Six d’entre eux ont été tués au Texas. Au cours de la même période, Amnesty International a recensé dans le reste du monde sept cas de personnes exécutées pour des crimes commis alors qu’elles avaient moins de dix-huit ans : trois en Iran, deux au Pakistan, un en République démocratique du Congo (RDC) et un au Nigéria. L’année dernière, le président du Pakistan Parvez Moucharraf a annoncé qu’il allait commuer les peines de tous les mineurs délinquants emprisonnés sous le coup de condamnations à mort dans son pays.

Pour en savoir plus, veuillez vous référer aux documents suivants :
– USA : Too young to vote, old enough to be executed – Texas set to kill another child offender [États-Unis : Trop jeune pour voter, suffisamment âgé pour être exécuté – Le Texas se prépare à tuer de nouveau un mineur délinquant] (index AI : AMR 51/105/01, juillet 2001) ;
– USA : In whose best interests ? [États-Unis : Dans l’intérêt de qui ?] (index AI : AMR 51/063/02, 24 avril 2002) ;
– USA : Hypocrisy or human rights ? Time to choose [États-Unis : Hypocrisie ou droits humains ? Il est temps de choisir.] (index AI : AMR 51/075/02, 15 mai 2002) ;
– Nations unies. Session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants (Bulletin d’information 086/02, index AI : IOR 41/017/02, 14 mai 2002).

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