ÉTATS-UNIS : Le gouvernement crée un « climat de torture »

Index AI : AMR 51/070/2006

Dans un rapport rendu public ce mercredi 3 mai, Amnesty International expose de façon détaillée ses préoccupations concernant la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants auxquels sont soumis des détenus aux États-Unis et dans les centres de détention américains à travers le monde.
Le rapport a été communiqué aux membres du Comité contre la torture des Nations unies. Réuni à Genève, celui-ci doit examiner les 5 et 8 mai la mise en œuvre par les États-Unis de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cet instrument interdit le recours à la torture en toute circonstance et exige des États qu’ils adoptent les mesures - législatives et autres - nécessaires pour prévenir la torture et faire en sorte que les personnes qui se livrent à des actes de torture soient punies de la manière qui convient.
Si l’on en croit certaines informations, les États-Unis envoient à Genève une délégation de 30 personnes pour défendre leur cas. Dans le rapport écrit qu’il a soumis au Comité contre la torture, le gouvernement américain a affirmé qu’il s’opposait catégoriquement au recours à la torture en toute circonstance, y compris en temps de guerre ou dans des situations d’exception.

« Les affirmations du gouvernement américain, qui assure toujours qu’il condamne la torture et les mauvais traitements, sont contredites par les faits, a déclaré Curt Goering, directeur général adjoint de la section des États-Unis d’Amnesty International. Non seulement les autorités américaines ne prennent pas les mesures appropriées pour éradiquer la torture, mais elles créent bel et bien un climat propice à la torture et aux autres formes de mauvais traitements. Les tentatives visant à restreindre la définition de la torture sont un des éléments constitutifs de ce climat. »

Le rapport d’Amnesty International souligne que les mesures prises par les autorités des États-Unis pour mettre un terme aux actes de torture et aux mauvais traitements perpétrés contre des personnes détenues par l’armée américaine dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » sont loin d’être suffisantes. Et pourtant, des éléments montrent que ces agissements résultaient dans bien des cas d’une politique gouvernementale et de procédés approuvés par les pouvoirs publics.

Le rapport s’arrête sur plusieurs cas de personnes mortes sous la torture alors qu’elles étaient détenues par les États-Unis en Afghanistan et en Irak. Aucun agent américain n’a été à ce jour poursuivi pour actes de torture ou pour crimes de guerre.

« Jusqu’à présent, la peine la plus lourde qui a été imposée dans le cadre d’une affaire de mort sous la torture d’une personne détenue par les autorités américaines est de cinq mois d’emprisonnement. Cette peine, qui peut être prononcée aux États-Unis pour un vol de bicyclette, a été infligée à un soldat déclaré coupable de coups et blessures sur la personne d’un chauffeur de taxi âgé de vingt-deux ans. Ce dernier avait été encagoulé et suspendu par des chaînes au plafond, puis roué de coups de pied et battu à mort », a déclaré Curt Goering.

Javier Zuniga, le directeur du programme Amériques d’Amnesty International, souligne pour sa part que « des éléments viennent clairement démentir la position des autorités des États-Unis, qui continuent d’affirmer que les mauvais traitements perpétrés contre des personnes détenues par les militaires américains ont été, pour la plupart, le fait de quelques “brebis égarées”. La majorité des actes de torture et des mauvais traitements ont été le résultat direct de principes et de méthodes approuvés par les pouvoirs publics, notamment des techniques d’interrogatoire qui ont reçu l’aval du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld ».

Le rapport fait également état d’une série de préoccupations concernant des violations de la Convention contre la torture du point de vue du droit américain. Il évoque notamment les mauvais traitements et le recours à une force excessive par la police, l’utilisation cruelle d’armes envoyant des décharges électriques, les conditions inhumaines et dégradantes de détention à l’isolement dans des unités pénitentiaires de très haute sécurité et les violences contre les femmes détenues, en particulier les agressions sexuelles perpétrées par des gardiens et le maintien de fers sur des femmes enceintes ou en train d’accoucher.

Les États-Unis ont été entendus par le Comité contre la torture pour la dernière fois il y a six ans, en mai 2000. Un certain nombre de pratiques qui avaient à l’époque été critiquées par le Comité - par exemple l’utilisation d’armes envoyant des décharges électriques ou les conditions excessivement dures régnant dans les prisons de très haute sécurité - ont servi de modèle et été exportées : elles sont utilisées contre des personnes détenues dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » par les forces américaines opérant à l’étranger.

« Les États-Unis ont depuis longtemps une approche sélective des normes internationales. Ces dernières années de surcroit, le gouvernement américain a agi comme jamais auparavant pour se dégager de ses obligations au regard des traités internationaux. Cette attitude risque de saper les fondements mêmes du droit international relatif aux droits humains, et notamment le consensus sur l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », a souligné Javier Zuniga.

Amnesty International a demandé au gouvernement des États-Unis de faire la preuve de sa détermination à éradiquer la torture en levant les réserves dont il a assorti la Convention contre la torture, notamment son « interprétation » de l’article premier de la Convention, qui risque de se traduire par l’application d’une définition plus étroite de la torture.
L’organisation a également demandé aux États-Unis de déclarer au Comité, en des termes clairs et dépourvus d’ambiguïté, qu’en vertu de leur législation nationale, personne - pas même le président - n’a le droit ni le pouvoir d’ordonner que des détenus soient torturés ou maltraités, quelles que soient les circonstances, et que toute personne - y compris le président - qui donnera un tel ordre se rendra coupable d’un crime.

Complément d’information

Le Comité contre la torture est l’organe instauré par la Convention contre la torture pour surveiller le respect par les États des obligations qui leur incombent en vertu de cet instrument. Composé de 10 experts indépendants, il se réunit deux fois par an et procède, entre autres tâches, à l’examen des rapports périodiques des États. Lors de sa 36e session, qui se tient du 1er au 19 mai 2006, il va se pencher sur les rapports présentés par la Corée du Sud, les États-Unis, la Géorgie, le Guatémala, le Pérou, le Qatar et le Togo. Amnesty International a adressé au Comité des communications écrites à propos des États-Unis, de la Géorgie, du Guatémala, du Qatar et du Togo.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui surveille le respect par les États des obligations qui sont les leurs en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, examinera les deuxième et troisième rapports périodiques des États-Unis lors de sa 87e session, en juillet prochain.
La Convention contre la torture a été ratifiée par 141 États au total.

Pour obtenir une copie du rapport, veuillez télécharger le document ci-joint.
Amnesty International fait campagne pour mettre un terme à la torture et aux autres formes de mauvais traitements perpétrés dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». Pour en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur la page d’accueil de la campagne : http://www.amnestyinternational.be/act/rubrique.php3?id_rubrique=3

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