ÉTATS-UNIS : Le scandale de Guantánamo se poursuit

Index AI : AMR 51/078/2003

Jeudi 29 mai 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le refus, exprimé par la Maison Blanche, de prendre en compte les préoccupations d’Amnesty International, qualifiées « d’infondées », concernant les centaines de détenus de la base navale américaine de Guantánamo Bay, constitue aussi un rejet des inquiétudes ressenties plus largement au niveau international, a déclaré Amnesty International ce jeudi 29 mai 2003.

« Depuis que les transferts vers Guantánamo ont commencé il y a dix-sept mois, de nombreux organismes internationaux, régionaux et nationaux, parmi lesquels des gouvernements et des tribunaux, ont exprimé leurs graves préoccupations concernant la situation des détenus, a déclaré Amnesty International.

« S’agit-il là d’une opinion totalement infondée ? »

Le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Parlement européen sont de ceux qui ont exprimé leur préoccupation et appelé à chercher des voies de recours. La Haute Cour du Royaume-Uni a qualifié la situation à Guantánamo de « choquante », et « de violation manifeste des principes fondamentaux reconnus en droit international ». Ce mois-ci, un juge fédéral américain a parlé du sort des détenus comme étant « profondément dérangeant » et « non conforme à quelques-unes des valeurs les plus fondamentales qu’incarne depuis longtemps notre système juridique. »

« En mars, le Secrétaire d’État Colin Powell a déclaré que les États faisant preuve d’un haut niveau de respect des droits humains étaient les plus à même de contribuer à la sécurité internationale, a déclaré Amnesty international.

« L’administration devrait mettre en pratique cette opinion et mettre un terme au vide juridique dans lequel se trouvent les détenus de Guantánamo Bay. »

Dans une lettre adressée à Donald Rumsfeld, Secrétaire d’État à la Défense, le mois dernier, Colin Powell aurait fait référence à des plaintes en provenance de huit pays alliés ayant des ressortissants détenus au Camp Delta ; plus de 650 personnes s’y trouvent actuellement, elles n’ont pas été autorisées à consulter un avocat ni à entrer en contact avec leur proches et n’ont été présentées à aucune autorité judiciaire. Colin Powell aurait déclaré que la situation de ces détenus menaçait d’affaiblir la coopération internationale dans la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis.

« Nous avons dit à de nombreuses reprises que les États-Unis agissaient en violation des engagements internationaux et du droit international dans cette affaire ; le principe selon lequel un détenu doit avoir la possibilité de contester la légalité de sa détention n’est pas respecté », a déclaré Amnesty International.

« Nous renouvelons notre appel en faveur d’une solution globale et immédiate dans l’intérêt de la justice et de la primauté de la loi. »

Répondant aux préoccupations exprimées par Amnesty International dans son rapport annuel, Ari Fleischer, porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré hier : « Je les considère comme infondées. »

S’inscrivant dans la continuité de la politique de mépris officiel pour la présomption d’innocence, Ari Fleischer a parlé des détenus de Guantánamo Bay, à ce jour non inculpés, non jugés et sans avocat, comme de « terroristes » et de « gens très dangereux ». De hauts responsables de l’exécutif, parmi lesquels le président Bush et le Secrétaire d’État Donald Rumsfeld, ont également fait des déclarations publiques semblables depuis l’arrivée des premiers détenus à la base navale. Le mois dernier, après qu’ait filtrée l’information selon laquelle des enfants de treize ans se trouvaient parmi les détenus, un porte-parole du Pentagone a déclaré que « en dépit de leur âge, il s’agit de gens très, très dangereux » faisant partie d’une « équipe terroriste ».

Hier également, les militaires ont révélé qu’il y avait eu deux nouvelles tentatives de suicide parmi les détenus au cours des dix derniers jours, portant le nombre total de tentatives à vingt-sept.

Selon certaines informations qui nous sont parvenues ce week-end, les États-Unis envisageraient la construction d’une chambre d’exécution à Guantánamo. Bien que choquante, cette décision correspondrait à une proposition de l’administration Bush de faire juger certains ressortissants étrangers par des commissions militaires, des organes exécutifs ayant le pouvoir de prononcer des condamnations à mort. Les prisonniers déclarés coupables n’auraient pas le droit de faire appel. Aucun nom n’a encore été cité par le président Bush pour comparution devant ces commissions militaires, mais les préparatifs en vue de tels procès se poursuivent et des responsables sont en cours de recrutement.

« Détention pour une durée indéterminée sans inculpation ni jugement, enfermement dans de minuscules cellules jusqu’à vingt-quatre heures par jour, entraves au cours du temps d’exercice autorisé réduit au strict minimum, cruauté vis-à-vis des familles laissées sans nouvelles sur le sort des êtres qui leur sont chers, interrogatoires à répétition sans être autorisé à consulter un avocat, perspective d’exécution après un procès inéquitable et sans recours possible en appel, a poursuivi Amnesty International.

« Est-ce étonnant que la communauté internationale s’interroge sérieusement sur l’engagement des États-Unis vis-à-vis des droits humains ? »

Amnesty International est dans l’attente d’une réponse à ses demandes répétées pour avoir accès à Guantánamo Bay. Dans une lettre du Pentagone reçue le mois dernier, l’organisation s’est vu refuser l’accès à la base militaire aérienne américaine de Bagram, en Afghanistan. Certaines informations troublantes ont été rapportées à l’organisation, faisant état de mauvais traitements subis par les détenus au centre de détention de Bagram lors d’interrogatoires. La semaine dernière, Amnesty International a renouvelé son appel pour que soit menée une enquête impartiale concernant le traitement des détenus de Bagram. Elle a demandé également que soient rendues publiques les conclusions de l’enquête menée après la mort de deux Afghans en décembre 2002 sur la base de Bagram.

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