Communiqué de presse

États-Unis. Les autorités doivent libérer Leonard Peltier

Pour les raisons exposées ci-après, Amnesty International estime que les autorités des États-Unis doivent libérer Leonard Peltier, Amérindien Anishinabe-Lakota et figure importante du Mouvement indien d’Amérique (AIM), qui est incarcéré depuis plus de 35 ans. Ayant étudié ce cas de façon approfondie depuis de nombreuses années, Amnesty International éprouve toujours de vives inquiétudes quant à l’équité de la procédure ayant conduit à la condamnation de Leonard Peltier, et elle pense que des facteurs politiques ont pu influencer la manière dont l’affaire a été menée.

Leonard Peltier a été déclaré coupable d’avoir tué, le 26 juin 1975, deux agents du Bureau fédéral d’enquêtes (FBI), Jack Coler et Ronald Williams, lors d’un affrontement dans la réserve indienne de Pine Ridge (Dakota du Sud) dans lequel étaient impliqués des membres de l’AIM. Il a été condamné à deux peines d’emprisonnement à perpétuité en 1977. Leonard Peltier reconnaît avoir été présent lors de ces faits, mais il a toujours nié avoir tiré sur les agents à bout portant, ainsi que l’a soutenu l’accusation lors du procès. Toutes les voies de recours judiciaires contre sa condamnation ont été épuisées.

Amnesty International reconnaît la gravité du crime pour lequel Leonard Peltier a été condamné et éprouve la plus vive sympathie pour la famille des victimes concernées. Cependant, l’organisation éprouve des préoccupations relatives notamment aux éléments permettant d’imputer à Leonard Peltier les coups de feu tirés et aux contraintes qui auraient pu être exercées envers une femme, témoin oculaire présumé, qui a déclaré l’avoir vu tirer sur les agents, mais a rétracté ultérieurement sa déposition, et qui, faute d’autorisation, n’a pu être citée comme témoin à décharge au procès de Leonard Peltier. L’organisation est également préoccupée, entre autres, par le fait que l’accusation a refusé de produire certains éléments de preuve, notamment des éléments balistiques qui auraient pu revêtir une importance capitale et assister Leonard Peltier dans sa défense.

De plus, au fil des années, différents acteurs de la procédure judiciaire ont exprimé un certain malaise. Cela a été le cas de

• la Cour d’appel fédérale du 8e circuit, qui a déclaré en 1986, dans l’arrêt par lequel elle s’opposait à la demande d’un nouveau procès : « Nous reconnaissons que ce dossier comporte certains éléments tendant à montrer que certains agents du FBI ont eu un comportement critiquable, mais nous hésitons à leur imputer encore d’autres actes répréhensibles. »

Gerald Heaney, président de la juridiction qui a rejeté le recours formé par Leonard Peltier en 1986, a fait part de sa préoccupation par la suite, en 1991, dans une lettre destinée au sénateur Daniel Inouye, président du comité du Sénat sur les affaires indiennes. Il s’exprimait en ces termes : « Le FBI a eu recours à des tactiques incorrectes pour obtenir l’extradition de Leonard Peltier du Canada [où il s’était réfugié après la fusillade] et dans d’autres aspects de l’enquête et de la procédure portant sur le dossier Peltier », et il ajoutait : « Bien que notre juridiction ait décidé que ces faits ne justifiaient pas une annulation du jugement, ils constituent, à mes yeux, des facteurs qui méritent considération dans le cadre d’un recours en grâce. »

Étant donné que ces doutes n’ont pas été dissipés, que Leonard Peltier a passé plus de 35 ans en prison, et que toutes les voies de recours utiles ont été épuisées, Amnesty International estime que, dans l’intérêt de la justice et pour des raisons humanitaires, les autorités des États-Unis devraient demander la libération de Leonard Peltier.

Complément d’information

Leonard Peltier, Amérindien anishinabe-lakota, appartenait au Mouvement indien d’Amérique (AIM), groupe militant qui œuvrait pour la défense des droits des Amérindiens « traditionalistes » lors d’une période très conflictuelle des années 1970. Durant les deux années qui avaient précédé l’affrontement au cours duquel les deux agents du FBI ont trouvé la mort, plus de 60 Indiens de la réserve de Pine Ridge avaient été tués, semble-t-il par des groupes paramilitaires liés au gouvernement tribal, sans que ces affaires donnent lieu à une seule comparution en justice. Des membres de l’AIM qui s’étaient rendus à la réserve pour soutenir les « traditionalistes » opposés au gouvernement tribal auraient eux aussi été menacés. Les relations entre l’AIM et le FBI étaient tendues, les autorités étant accusées de ne pas avoir fait le nécessaire pour protéger les personnes de la réserve qui couraient des risques.

L’affrontement meurtrier est survenu après que deux agents du FBI avaient pénétré dans la réserve munis d’un mandat d’arrêt, et s’étaient mis à suivre une camionnette rouge. Une fusillade a eu lieu. Selon des éléments de preuve présentés à l’audience, les agents auraient essuyé plusieurs coups de feu et auraient été réduits à l’impuissance avant d’être abattus à bout portant. Les meurtres des agents ont été initialement imputés à deux autres dirigeants de l’AIM qui ont fait l’objet d’une procédure distincte ; aucun élément permettant de leur attribuer les tirs à bout portant n’a été présenté.

Le jury les a acquittés après avoir entendu des témoignages sur le climat de violence et d’intimidation qui régnait dans la réserve. Il a conclu qu’on pouvait considérer qu’ils avaient cherché à se défendre lorsqu’ils avaient été mêlés à la fusillade.

Après l’acquittement de ces hommes, le FBI a redoublé d’efforts pour poursuivre Leonard Peltier, obtenant en 1976 son extradition du Canada où il avait fui à la suite de l’échange de coups de feu. Lors de son procès, l’accusation a soutenu que le fusil qui avait tué les agents appartenait à Leonard Peltier. À l’occasion d’enquêtes menées après le procès, la défense a découvert un télex d’où il ressortait que l’arme en question n’était pas munie du même percuteur que celle qui avait servi à tuer les agents ; cette information a ensuite été évoquée en appel et, lors d’une audience consacrée à l’examen des preuves, les autorités ont contesté la signification de ce message. En appel, le gouvernement a également soutenu que les éléments produits à l’audience étaient suffisants pour prouver que Leonard Peltier était complice des meurtres, même s’il n’avait pas lui-même appuyé sur la détente.

Amnesty International pense néanmoins que l’issue du procès aurait pu être différente si Leonard Peltier avait eu les moyens de contester plus efficacement les éléments balistiques qui le liaient aux coups de feu mortels.

La demande de libération sur parole la plus récente présentée par Leonard Peltier a été rejetée par le Comité des grâces en 2009. Selon les informations portées à la connaissance d’Amnesty International, il ne pourra pas demander de nouveau à être libéré sur parole avant 2024.

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