États-Unis. Les autorités manquent à leur devoir de protéger les femmes indigènes face au taux inacceptable de viols

Une femme amérindienne ou autochtone de l’Alaska sur trois sera victime d’un viol au cours de sa vie. La plupart ne cherchent pas à obtenir justice car elles savent qu’elles se heurteront à l’inaction ou à l’indifférence.
La majorité des auteurs de violences sexuelles restent impunis car de nombreuses femmes amérindiennes victimes de tels actes ne les signalent jamais aux autorités et celles qui portent plainte se heurtent à des obstacles qui les empêchent d’obtenir justice. Le gouvernement des États-Unis a créé un système labyrinthique d’autorités fédérales, étatiques et tribales. En conséquence, justice n’est pas rendue aux Amérindiennes.


« Je ne sais plus quoi faire. Je n’obtiens aucune réponse. » Une proche d’une jeune fille violée neuf mois plus tôt© Adam Nadel



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COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AMR 51/071/2007

(Washington, D.C.) – Aux États-Unis, les femmes amérindiennes et indigènes d’Alaska sont touchées de manière disproportionnée par les viols et la violence sexuelle, mais de nombreux obstacles créés par le gouvernement fédéral les empêchent d’obtenir justice, dénonce Amnesty International dans un rapport de 113 pages qui paraît ce mardi 24 avril 2007. D’après les chiffres du ministère de la Justice, les femmes amérindiennes et indigènes d’Alaska ont 2,5 fois plus de risques d’être violées ou agressées sexuellement que les femmes en général aux États-Unis ; plus d’une sur trois sera violée au cours de sa vie.

Le gouvernement américain a mis en place un ensemble inextricable de juridictions tribales, des États et fédérales qui permet souvent aux auteurs de viol de s’en sortir en toute impunité – et qui dans certains cas crée de véritables vides juridiques qui encouragent les agressions. Il est en effet nécessaire de déterminer le lieu du crime et l’identité de l’agresseur pour savoir quelles sont les autorités compétentes, ce qui fait perdre un temps précieux. Il en résulte des enquêtes insatisfaisantes ou une absence totale de réponse.

En outre, les établissements du Service de santé des Indiens manquent d’infirmières formées spécifiquement à l’examen des victimes d’agressions sexuelles et, même lorsqu’il est fait usage des kits de recueil des preuves médicolégales en cas de viol, ces preuves sont souvent mal utilisées par les responsables de l’application des lois. En conséquence, le plus souvent :
• les réponses de la police sont tardives – voire inexistantes ;
• les femmes indigènes ne bénéficient pas toujours d’un examen médicolégal ;
• beaucoup d’affaires ne sont jamais instruites.

« Le niveau élevé de violence sexuelle dont sont victimes les femmes indigènes aux États-Unis est aggravé par des carences à tous les niveaux du système judiciaire. Amnesty International soutient les revendications des femmes indigènes, qui réclament au gouvernement des États-Unis la protection et la justice auxquelles elles ont droit
 », a déclaré Kate Gilmore, secrétaire générale adjointe exécutive d’Amnesty International.

« Les femmes indigènes sont confrontées à un taux alarmant de violence, et le gouvernement des États-Unis, soi-disant grand défenseur des droits des femmes, contribue malheureusement au problème », a ajouté Larry Cox, directeur exécutif de la section d’Amnesty International aux États-Unis. « Il est honteux que de tels comportements existent encore aujourd’hui. En l’absence de mesures immédiates, la situation déjà catastrophique et scandaleuse de ces femmes pourrait encore s’aggraver et échapper à tout contrôle. Il est temps de mettre un terme à ces atteintes aux droits humains qui sont commises en toute liberté depuis la fondation de ce pays. »

Le rapport d’Amnesty International, intitulé Maze of Injustice : The failure to protect Indigenous women from sexual violence in the USA, souligne en outre que les chiffres du gouvernement, aussi choquants soient-ils, sont loin de refléter la réalité, car beaucoup de femmes ne signalent pas les agressions dont elles sont victimes par crainte que leur plainte n’aboutisse pas. Dans l’Oklahoma, une personne travaillant auprès des victimes a ainsi rapporté que, sur 77 femmes indigènes victimes d’agressions sexuelles ou de violences domestiques, seules trois avaient porté plainte auprès de la police.

Le gouvernement fédéral américain n’a cessé de sous-financer les systèmes judiciaires tribaux, réduisant leur capacité à répondre aux affaires de violence sexuelle. En outre, le droit fédéral limite à un an les peines que les tribunaux tribaux peuvent prononcer pour une infraction quelle qu’elle soit, et interdit à ces tribunaux de juger des suspects non indiens – alors même que les chiffres du ministère de la Justice indiquent que jusqu’à 86 p. cent des auteurs ne sont pas des indigènes.

En outre, les recherches d’Amnesty International font apparaître l’inefficacité des autorités judiciaires au niveau des États et sur le plan fédéral dans la poursuite des auteurs non indiens de violences sexuelles commises contre des femmes indigènes. Un ancien procureur fédéral a ainsi déclaré à Amnesty International : « Il est difficile d’instruire une affaire quand la victime est indigène et l’auteur non indigène. » Or, une fois qu’une affaire est classée au niveau fédéral ou de l’État, la victime de viol ne dispose plus d’aucun recours pénal.

« Quand les anciens disent que trop de nos femmes et de nos enfants ont été violés, nous savons que nous devons nous unir pour sortir de l’obscurité et rompre le silence. Ce que nous ne reconnaissons pas reste en nous. », a déclaré Denise Morris, administratrice et directrice générale du Centre judiciaire des indigènes d’Alaska, qui s’est exprimée lors du lancement du rapport. « Le gouvernement des États-Unis a la responsabilité juridique et morale de donner aux organisations indigènes les moyens de trouver des solutions et de favoriser la cicatrisation et le bien-être de notre communauté. »

Le rapport d’Amnesty International s’intéresse principalement à trois régions, qui soulèvent des problèmes distincts sur le plan juridictionnel : l’Oklahoma, l’Alaska et la réserve sioux de Standing Rock (Dakota du Nord et du Sud). Il montre que, quel que soit le lieu ou le cadre juridique, les conclusions sont les mêmes : beaucoup des femmes indigènes victimes de violence sexuelle n’obtiennent pas justice.

Amnesty International exhorte les autorités fédérales, des États et locales à renforcer la formation et à prendre des mesures concrètes pour limiter la violence sexuelle et améliorer les services destinés aux femmes indigènes victimes de viol :

• Le Congrès américain doit financer et appliquer pleinement la Loi sur la violence contre les femmes – et en particulier son volet tribal (titre IX), qui constitue la première tentative jamais entreprise, au sein de cette loi, de combattre la violence à l’égard des femmes amérindiennes et indigènes d’Alaska. Ce volet prévoit, entre autres, une étude nationale de base sur la violence sexuelle contre les femmes indigènes, une étude sur l’incidence des lésions liées aux violences sexuelles chez ces femmes, et la mise en place d’un registre tribal pour le suivi des auteurs de crimes sexuels et des mesures de sûreté.

• Le Congrès américain doit allouer davantage de financements au Service de santé des Indiens et aux établissements qui sont sous contrat avec celui-ci. Ces fonds doivent être utilisés pour augmenter le nombre d’infirmières formées à l’examen des victimes d’agressions sexuelles afin que les femmes puissent bénéficier dans les meilleurs délais d’un examen médicolégal gratuit après une agression. Par ailleurs, le Service de santé des Indiens doit veiller à ce que les protocoles appropriés soient en place pour les soins aux victimes de violence sexuelle.

• Le Congrès américain doit reconnaître la compétence des autorités tribales à juger toutes les personnes commettant des infractions sur le territoire tribal. Le gouvernement fédéral doit fournir les fonds nécessaires aux forces de police des villages amérindiens et indigènes d’Alaska, en veillant tout particulièrement à améliorer la couverture dans les zones rurales et à allouer des moyens suffisants aux autorités tribales pour la mise en place et le maintien des tribunaux tribaux.

• Le gouvernement fédéral et les gouvernements des États doivent travailler en consultation et en coopération avec les nations tribales, et en particulier avec les femmes indigènes, pour mettre en place des plans d’action efficaces de lutte contre la violence sexuelle dont ces femmes sont victimes.

Amnesty International va continuer de faire campagne, en partenariat aux États-Unis avec les femmes amérindiennes et indigènes d’Alaska, contre les graves atteintes aux droits humains dénoncées dans son rapport. Ce rapport est publié dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International sur la violence contre les femmes.

Modèle de lettre

Une synthèse en anglais des préoccupations d’Amnesty International concernant la violence sexuelle contre les femmes indigènes en Oklahoma, en Alaska et dans la réserve sioux de Standing Rock (Dakota du Nord et du Sud) est à votre disposition à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/fraamr510702007

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