ÉTATS-UNIS - Nouvel appel à la suspension de l’utilisation des pistolets paralysants au moment où ce type d’arme franchit le cap des 150 victimes

Index AI : AMR 51/039/2006

« [C’était] l’expérience la plus atroce [de ma vie]. À un moment, j’ai fait comme si j’étais morte parce que j’ai pensé qu’alors ils allaient arrêter. »
Patricia Skelly, qui a une maladie mentale, a été touchée entre neuf et quinze fois par une arme paralysante en prison, puis à l’hôpital.

Amnesty International a appelé ce mardi 28 mars 2006 les services responsables de l’application des lois aux États-Unis à suspendre l’utilisation des armes incapacitantes envoyant des décharges électriques en attendant qu’une enquête indépendante, rigoureuse et impartiale soit menée sur l’utilisation de ces instruments.

L’organisation a rendu public un rapport intitulé USA : Amnesty International’s continuing concerns about taser use qui expose en détail les résultats des recherches de l’organisation sur l’utilisation des pistolets paralysants aux États-Unis et fait état de son inquiétude en ce qui concerne les points suivants :

 l’augmentation d’année en année du nombre de décès ayant un lien avec l’utilisation de pistolets paralysants ;

 l’absence d’enquête indépendante et rigoureuse sur les effets sur la santé des appareils envoyant des décharges électriques ;

 le fait que, en dépit de ces inquiétudes en matière de sécurité, le pistolet paralysant continue d’être utilisé comme un outil courant d’immobilisation plutôt que comme une arme de dernier recours ;

 des informations ne cessent de faire état d’un recours excessif au pistolet paralysant, s’apparentant dans certains cas à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

Amnesty International considère que si les forces de l’ordre des États-Unis doivent continuer à avoir recours à des armes paralysantes, celles-ci devraient être utilisées uniquement comme substituts de la force meurtrière.

« Le nombre croissant de décès de personnes touchées par des armes incapacitantes rend l’ouverture d’une enquête exhaustive, indépendante et rigoureuse plus urgente que jamais », a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Depuis juin 2001, plus de 150 personnes sont mortes aux États-Unis après avoir été touchées par une arme incapacitante - l’année 2005 ayant fait à elle seule 61 victimes -, et les chiffres continuent de croître. La plupart des personnes décédées avaient reçu des décharges multiples ou prolongées. Bien que dans la plupart des cas le décès ait été attribué à des facteurs autres que l’utilisation d’une arme envoyant des décharges électriques - tels qu’une lutte violente ou un « délire actif » associé à la consommation de stupéfiants - dans 23 cas, le coroner [officier de justice chargé de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte] a mentionné l’utilisation du pistolet paralysant comme cause ou cofacteur du décès.

Dans trois cas en 2005, l’utilisation d’une arme envoyant des décharges électriques a été mentionnée comme cause première du décès.

Amnesty International pense que les cas où l’utilisation d’une arme incapacitante ne peut pas être exclue des causes possibles du décès pourraient être plus nombreux. Des études récentes ont fait état de la nécessité de recherches plus approfondies sur les effets néfastes éventuels des décharges incapacitantes sur les personnes agitées ou sous l’influence de stupéfiants ou sur les personnes soumises à des décharges prolongées ou répétées.

Les recherches qu’Amnesty International continue de mener sur l’utilisation de ces armes, en passant notamment en revue les décès liés à l’utilisation d’un pistolet paralysant survenus depuis la publication du rapport précédent de l’organisation en novembre 2004, montre que la plupart des personnes qui sont mortes après avoir été touchées par une arme paralysante étaient des hommes non armés qui ne semblaient pas menacer de tuer ou blesser qui que ce soit au moment où ils ont été électrocutés. L’utilisation d’un pistolet paralysant était souvent accompagnée du recours à des méthodes de contrainte et à des aérosols de produits chimiques incapacitants. Les recherches de l’organisation ont montré en outre que la plupart des personnes décédées avaient eu un arrêt cardiaque ou respiratoire sur place.

Les études menées par d’autres instances depuis la publication du précédent rapport d’Amnesty International n’étaient pas conformes aux critères fixés par l’organisation pour une enquête indépendante, impartiale et exhaustive. Ces études étaient limitées dans leur champ d’investigation et leur méthodologie et se s’appuyaient essentiellement sur des données fournies par l’un des fabricants des pistolets paralysants - Taser International - et les services de police eux-mêmes. Aucune enquête n’a donné lieu à une analyse des décès énumérés dans le rapport d’Amnesty International sur l’utilisation des pistolets paralysants aux États-Unis.

« Les études devraient être détachées de tout intérêt dans le domaine commercial ou de la sécurité et être menées à bien par une entité indépendante et digne de confiance, n’ayant aucun lien avec un quelconque fabricant d’armes paralysantes », a ajouté Susan Lee.

L’organisation a également exprimé sa préoccupation quant au fait que les forces de sécurité des États-Unis continuent d’utiliser le pistolet paralysant comme un outil d’immobilisation d’usage courant plutôt que comme une arme de dernier recours. Dans certains services de police, l’utilisation d’un pistolet paralysant est autorisée si une personne refuse simplement d’obtempérer.

« Il est extrêmement préoccupant que les armes paralysantes continuent d’être utilisées dans des circonstances où le suspect ne constitue pas une menace réelle pour les policiers, le public ou lui-même, et ce d’autant plus que leur utilisation suscite des inquiétudes en terme de sécurité », a déclaré Susan Lee.

Amnesty International est en particulier préoccupée par le fait que des personnes vulnérables tels que les enfants, les infirmes, les femmes enceintes et les personnes ayant une maladie mentale soient aussi soumises à ces décharges électriques, qui sont assimilables dans certains cas à de actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’organisation continue de recevoir des informations faisant état de personnes ayant subi des décharges électriques alors qu’elles étaient menottées ou immobilisées au moyen de matériel de contrainte. L’organisation a également reçu des informations selon lesquelles des pistolets paralysants seraient utilisés pour maîtriser des écoliers indisciplinés.

Complément d’information

Les pistolets paralysants sont des armes électriques puissantes utilisées par plus de 7 000 des 18 000 services chargés du maintien de l’ordre aux États-Unis. Ils sont conçus pour immobiliser une personne en lui infligeant une décharge électrique de 50 000 volts. Les impulsions électriques provoquent des contractions des muscles qui paralysent la personne et la font s’effondrer au sol.

En novembre 2004, Amnesty International avait publié un rapport détaillé dans lequel elle faisait état de ses préoccupations au sujet de l’utilisation des pistolets paralysants aux États-Unis et demandait que leur utilisation soient suspendue en attendant qu’une enquête rigoureuse et impartiale soit menée sur leur utilisation. Ce rapport, intitulé États-Unis. Usage excessif de la force ? La police et les pistolets paralysants (index AI : AMR 51/139/2004, Résumé), se trouve sur le site de l’organisation, à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/fraamr511392004.

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