ÉTATS-UNIS : Selon un organisme de veille, les détenus arrêtés à la suite des évènements du 11 septembre ont été privés de leurs droits

Index AI : AMR 51/079/2003

Mercredi 4 juin 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Un rapport rendu public le 2 juin 2003 par les Services de l’inspecteur général du ministère de la Justice aux États-Unis a confirmé que des centaines de ressortissants non-américains arrêtés lors des opérations de police de l’après-11 septembre avaient été privés de leurs droits fondamentaux, ce qu’Amnesty International avait en grande partie déjà relevé. La plupart des détenus étaient des hommes musulmans originaires de pays du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud.

Le rapport de 198 pages s’attarde sur les dossiers de 762 étrangers détenus pour violation des lois sur l’immigration ; arrêtés lors de la phase initiale de l’enquête du FBI sur les attentats du 11 septembre, la plupart d’entre eux ont depuis été expulsés. Aucun n’était accusé de liens avec le terrorisme. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles se trouvait confronté le ministère de la Justice forcé de réagir aux attaques, les Services de l’inspecteur général ont constaté des « problèmes importants » dans la manière dont les détenus avaient été traités.

Ont été notés, entre autres, les points suivants :

Beaucoup des détenus n’ont pas été autorisés à consulter rapidement un avocat ni à prendre contact avec leurs proches. Comme cela se produit régulièrement, des retards ont été constatés au niveau des notifications d’inculpation ; certains ont été détenus sans inculpation ou sans qu’on les informe qu’ils étaient accusés d’avoir enfreint les lois sur l’immigration pendant plus d’un mois après leur arrestation.

Aucune information ne devant filtrer des opérations, de nombreux détenus ont été initialement maintenus dans des unités de haute sécurité sans que leurs proches ou des avocats soient informés de leur sort. Dans quelques cas, les autorités ont nié détenir les prisonniers au cours de cette période.

Il a fallu au FBI quatre-vingt jours en moyenne (beaucoup plus dans quelques cas) pour donner le feu vert à la remise en liberté de certains détenus ou à leur éloignement forcé par les autorités de l’immigration ; certains sont donc restés des mois en centre de détention en dépit du fait qu’ils n’avaient aucun lien avec le terrorisme.

Le rapport critique les conditions inutilement dures du Metropolitan Detention Center (MDC, Centre de détention métropolitain) de New York, dans lequel 84 détenus ont été maintenus « à l’enfermement » vingt-trois heures sur vingt-quatre ; visites et appels téléphoniques étaient limités et ils étaient « menottés et entravés par des chaînes en fer très lourdes » chaque fois qu’ils quittaient leur cellule.

Le rapport a découvert des preuves « d’une politique délibérée d’agressions physiques et d’insultes par certains des gardiens du Centre de détention métropolitain à l’égard des détenus arrêtés en lien avec le 11 septembre. » Des plaintes faisaient état de détenus violemment poussés contre les murs et dont on avait tordu les bras, les mains, les poignets et les doigts. Quatre dossiers avaient été transmis au FBI pour enquête mais aucune poursuite judiciaire n’avait eu lieu. Les Services de l’inspecteur général étaient en train de procéder à leur propre enquête au moment de la parution du rapport.

Selon les informations publiées par les médias, le ministère de la Justice a rejeté la plupart des critiques contenues dans le rapport, déclarant avoir agi selon la loi. Toutefois, certains responsables ont été cités pour avoir déclaré qu’ils avaient pris note de certaines des 21 recommandations du rapport concernant l’amélioration à apporter aux procédures dans ce genre d’affaires.

Amnesty International a largement salué le rapport, même si l’organisation reste préoccupée par l’atmosphère de secret qui continue d’entourer ces détentions. L’enquête des Services de l’inspecteur général ne concernait pas tous les domaines - elle n’a pas abordé la question des audiences à huis clos concernant des affaires d’immigration, par exemple, ni celle de la détention de témoins essentiels (personnes détenues sans avoir été inculpées comme témoins potentiels avant une procédure de « grand jury »), sujets sur lesquels les autorités se sont peu exprimées.

De nombreux points soulevés par le rapport des Services de l’inspecteur général font écho aux préoccupations d’Amnesty International telles qu’elles figurent dans le rapport de mars 2002. Les retards constatés avant consultation d’un avocat, notification d’inculpation, remise en liberté ou expulsion confirment les inquiétudes d’Amnesty International : des personnes ont été maintenues en détention de façon arbitraire et privées des droits qui sont les leurs en droit international. Amnesty International va poursuivre son étude des conclusions du rapport plus en détail. Entre-temps, l’organisation demande au gouvernement américain de mettre en œuvre les recommandations des Services de l’inspecteur général ainsi que celles figurant dans son propre rapport.

Complément d’information

L’enquête des Services de l’inspecteur général a débuté en mars 2002 après que des organisations de défense des droits humains et les médias se sont fait l’écho de plaintes concernant la façon dont étaient traités les détenus. Amnesty International a rendu public un premier rapport détaillé sur les détenus en mars 2002 ; elle a été l’une des organisations à communiquer directement avec les Services de l’inspecteur général.

L’enquête des Services de l’inspecteur général portait principalement sur les détenus se trouvant dans la prison de Passaic (Passaic Jail) dans le New Jersey et le Centre de détention métropolitain de New York. Une délégation d’Amnesty International s’était rendue dans la prison de Passaic en février 2002 ; ses observations figuraient dans le rapport de mars 2002. Amnesty International n’avait pas reçu l’autorisation de se rendre au Centre de détention métropolitain ; l’organisation avait cependant fait part de ses inquiétudes concernant les conditions de détention dans cet établissement dans son rapport de mars 2002 ; elle avait demandé qu’une enquête approfondie y soit menée et que des mesures soient prises pour remédier à la situation.

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