« Ce premier rapport public régulier reconnaissant le rôle de l’AFRICOM dans la mort de civil·e·s apporte une lueur de transparence bienvenue dans plus d’une décennie d’opérations militaires meurtrières qui sont restées jusqu’à présent entourées de secret. Le temps est maintenant venu de garantir l’obligation de rendre des comptes et d’offrir aux victimes des réparations, l’armée américaine n’ayant jamais contacté les familles des personnes civiles qu’elle a reconnu avoir tuées ni proposé de leur offrir réparation, a déclaré Seif Magango, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est.
« Il est aussi nécessaire d’analyser davantage de frappes que celles couvertes par ce rapport, qui en oublie des dizaines en ne s’intéressant qu’à celles menées depuis le 1er février 2019. En avril 2019, après la publication d’un rapport sans précédent d’Amnesty International, l’AFRICOM s’était engagé à examiner l’ensemble de ses opérations en Somalie afin de déterminer s’il avait omis de signaler des victimes civiles, mais il n’a toujours pas rendu publics les résultats de cet examen.
« Il est positif que l’AFRICOM donne aux familles somaliennes endeuillées la possibilité de signaler les décès de personnes civiles sur son site Internet. Toutefois, cela ne profitera pas à la grande majorité des civils concernés, qui vivent dans des zones reculées où les smartphones sont interdits et l’accès à Internet limité. D’autres moyens doivent leur être proposés, notamment la mise en place d’un mécanisme à Mogadiscio afin de permettre aux anciens des clans ou aux représentants élus de s’exprimer au nom des civils dont des proches ont été tués par des frappes aériennes américaines. »
Complément d’information
Le rapport de l’AFRICOM rendu public le 27 avril 2020 porte sur 91 frappes aériennes menées par les États-Unis en Somalie entre le 1er février 2019 et le 31 mars 2020. Sur les 27 cas présumés de frappes ayant fait des victimes civiles durant cette période – d’après des informations parues dans les médias et des rapports d’ONG indépendantes, dont Amnesty International – le rapport « clôt » 20 dossiers et en laisse ouverts sept, qui sont toujours en cours d’examen (dont deux figurant dans une enquête d’Amnesty International publiée au début du mois d’avril 2020).
S’appuyant sur de nombreux témoignages et sur des analyses d’experts d’images et de vidéos des lieux touchés par les frappes, ainsi que sur des images satellites et des recherches balistiques, Amnesty International a enquêté sur neuf frappes aériennes américaines ayant fait au total 21 morts et 11 blessés parmi la population civile depuis 2017. Certaines de ces frappes ont donné lieu à des violations manifestes du droit international humanitaire.
L’AFRICOM est encore loin de ce total puisqu’il ne reconnaît aujourd’hui, en tout, que quatre morts et trois blessés civils dans deux frappes distinctes.