Une nouvelle analyse menée dans le cadre de la campagne mondiale Ban The Scan [3] démontre que la vaste opération de surveillance du Département de police de la ville de New York (NYPD) affecte particulièrement les personnes déjà ciblées par les contrôles et les fouilles dans les cinq arrondissements de New York [4].
Dans le Bronx, Brooklyn et le Queens, les recherches montrent aussi que plus la proportion d’habitant·e·s non blancs est importante, plus la concentration de caméras de vidéosurveillance compatibles avec la reconnaissance faciale est élevée.
« Notre analyse montre que l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale par le Département de police de la ville de New York (NYPD) contribue à amplifier la discrimination à l’égard des minorités lors des opérations de maintien de l’ordre à New York, a déclaré Matt Mahmoudi, chercheur sur l’Intelligence artificielle et les droits humains à Amnesty International.
« Nous savions depuis longtemps que les contrôles d’identité et les fouilles à New York sont une méthode raciste de maintien de l’ordre. Nous savons désormais que les communautés les plus ciblées par cette méthode sont aussi plus exposées à un maintien de l’ordre discriminatoire via la surveillance intrusive.
« Les contrôles d’identité et les fouilles à New York sont une méthode raciste de maintien de l’ordre »
« L’ampleur choquante des technologies de reconnaissance faciale déployées dans la ville livre des quartiers entiers à la surveillance de masse. Le NYPD doit révéler précisément comment il utilise cette technologie intrusive.
« Interdire la reconnaissance faciale à des fins de surveillance de masse est une première mesure essentielle en vue de lutter contre le maintien de l’ordre raciste et le Conseil municipal de la ville de New York doit s’orienter sans attendre vers une interdiction globale. »
Les conclusions se fondent sur des données faisant appel à la production participative obtenues par des milliers de bénévoles numériques dans le cadre du projet Decode Surveillance NYC [5], qui a cartographié plus de 25 500 caméras de vidéosurveillance à travers New York. Amnesty International a travaillé avec des scientifiques des données afin de comparer ces données avec les statistiques démographiques et relatives aux contrôles d’identité et aux fouilles.
Les technologies de reconnaissance faciale à des fins d’identification sont des systèmes de surveillance de masse qui bafouent le droit à la vie privée et menacent les droits à la liberté de réunion, à l’égalité et à la non-discrimination.
Le NYPD a utilisé ces technologies dans au moins 22 000 cas entre 2016 et 2019 [6]. Les données sur les contrôles d’identité et les fouilles effectués par le NYPD depuis 2002 [7] montrent que les communautés noire et latina sont les principales cibles.
« Amnesty International a poursuivi en justice le NYPD parce qu’il a refusé de divulguer les documents publics concernant son acquisition de technologie »
L’an dernier, Amnesty International a poursuivi en justice le NYPD [8] parce qu’il a refusé de divulguer les documents publics concernant son acquisition de technologies de reconnaissance faciale et autres outils de surveillance. Cette affaire est en cours.
Nouveau site Internet interactif détaillant l’exposition à la reconnaissance faciale
Amnesty International lance aujourd’hui un nouveau site Internet [9] qui permet aux utilisateurs de découvrir s’ils seront surveillés par les technologies de reconnaissance faciale lorsqu’ils empruntent tel ou tel itinéraire entre deux endroits à New York.
Pendant le mouvement Black Lives Matter mi-2020, les New-Yorkaises et les New-Yorkais participant aux manifestations ont été davantage exposés aux technologies de reconnaissance faciale. Par exemple, un manifestant se rendant à pied depuis la station de métro la plus proche jusqu’à Washington Square Park se trouve sous la surveillance des caméras Argus du NYPD pendant la totalité de son trajet.
« En examinant les itinéraires empruntés pour se rendre depuis les stations de métro les plus proches aux manifestations et vice-versa, nous avons constaté une couverture quasi-totale par des caméras de vidéosurveillance publiques, la plupart des caméras Argus du NYPD, a déclaré Matt Mahmoudi.
« L’usage généralisé des technologies de reconnaissance faciale est en fait un contrôle policier numérique. Sur les sites des manifestations, il sert à identifier, tracer et harceler des gens qui ne font qu’exercer leurs droits humains.
« Cette tactique de la peur mise en œuvre par le NYPD n’a pas sa place dans une société libre : il faut y mettre un terme immédiatement. »
« Cette tactique de la peur mise en œuvre par le NYPD n’a pas sa place dans une société libre »
Le site permet également aux utilisateurs de géolocaliser les technologies à reconnaissance faciale utilisées entre les principales attractions touristiques de la ville, en calculant la distance et l’itinéraire éventuel.
Amnesty International encourage les habitant·e·s de New York à agir en adressant une lettre de protestation à leur élu·e municipal, demandant l’adoption d’un projet de loi interdisant les technologies de reconnaissance faciale pour aider à protéger leurs quartiers. Tous les utilisateurs peuvent signer la pétition d’Amnesty International appelant à réglementer les moments et les endroits où les systèmes publics de reconnaissance faciale sont utilisés.
Les partenaires avec lesquels Amnesty International a mené ces recherches sont notamment Julien Cornebise, du Département des sciences informatiques (University College London), BetaNYC, une organisation civique qui utilise données et technologies pour amener le gouvernement à rendre des comptes, et Damon Wischik, un scientifique des données indépendant.
Ces recherches marquent la dernière phase de la campagne Ban The Scan [10], à la suite d’investigations sur la surveillance effectuées à New York et Hyderabad en Inde l’an dernier. Amnesty International demande l’interdiction totale de l’utilisation, du développement, de la production, de la vente et de l’exportation des technologies de reconnaissance faciale à des fins de surveillance de masse, par les États comme par le secteur privé.