Communiqué de presse

États-Unis. Trop jeune pour voter, assez âgée pour être condamnée à mourir en prison

Jacqueline Montanez sait où elle mourra.

Maintenant âgée de 36 ans, elle est la seule femme en Illinois qui purge une peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour un crime commis alors qu’elle était encore mineure.

Elle a été déclarée coupable en 1993, avec deux autres accusés, du meurtre de deux membres d’un gang rival. Ces crimes ont été commis en mai 1992, peu avant son 16e anniversaire.

Même si elle n’avait que 15 ans au moment des faits, elle a été jugée par un tribunal pour adultes et non pas par un tribunal pour enfants qui aurait pris en compte son jeune âge, le milieu difficile où elle avait grandi et sa capacité de réinsertion.

À l’époque du crime, c’était une adolescente qui sortait d’une enfance émaillée de violences physiques, sexuelles et psychologiques. Elle avait été élevée par son beau-père, un « exécuteur » de gang brutal et craint de tous, qui a entraîné Jacqueline à être son « petit soldat ».

À l’âge de neuf ans la fillette a commencé à consommer de la drogue et de l’alcool et elle est finalement entrée dans un gang de rue rival de celui de son beau-père. À plusieurs reprises, elle a été hospitalisée pour overdose et pour des crises d’ordre psychologique.

Actuellement détenue dans une prison pour adultes, après avoir passé plus de la moitié de sa vie derrière les barreaux, elle est devenue une personne très différente.

Elle a obtenu un équivalent du diplôme de fin d’études secondaires et suivi presque tous les programmes scolaires et professionnels disponibles. Elle a maintenant un diplôme officiel de maître-chien et dresse des chiens pour handicapés. Elle assiste et conseille de jeunes détenus et elle est très active au sein de l’aumônerie de la prison.

« J’ai fait ce qu’ils ont dit que j’avais fait, [mais] je ne suis pas celle qu’ils disent », a-t-elle déclaré.

« Il ne se passe pas un seul jour sans que je souhaite que ce soit moi [qui soit morte]. C’étaient des êtres humains, ils étaient le père de quelqu’un, le fils de quelqu’un. »

«  Condamner des enfants à mourir en prison est contraire aux principes fondamentaux des droits humains, qui reconnaissent l’immaturité des enfants et leur capacité particulière à grandir et à changer, a dit Rob Freer, chercheur d’Amnesty International sur les États-Unis. Les États-Unis doivent rejoindre le reste du monde et cesser de prononcer cette peine à l’encontre d’enfants. »

Un système particulier

Sur l’ensemble du territoire des États-Unis, environ 2 500 hommes et femmes purgent des peines de réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour des crimes commis alors qu’ils avaient moins de 18 ans.

À la connaissance d’Amnesty International, aucun autre pays au monde n’impose cette peine à des enfants.

En emprisonnant des enfants à vie sans possibilité de libération, les États-Unis bafouent le droit international. Ils bafouent notamment la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant qu’ils ont signée. Ce faisant, les États-Unis se sont engagés, dans l’attente de la décision de ratification, à ne pas aller à l’encontre des objets et de la finalité de la Convention. Le gouvernement de Barack Obama avait dit en 2010 qu’il était favorable la ratification de la Convention par les États-Unis.

Cependant, le pays ne l’a pas encore ratifiée (la Somalie est le seul autre pays au monde dans le même cas).

L’isolement virtuel des États-Unis sur la question de la Convention relative aux droits de l’enfant reflète une réticence plus générale du pays à respecter les accords internationaux sur les droits humains et à y adhérer.

« Sur le plan international, ils affirment être acquis à la cause des droits humains, voire d’en être les champions. Cependant, leurs affirmations ne tiennent pas lorsque la question de la ratification et de la mise en oeuvre des traités est examinée de près. », a ajouté Rob Freer.

Rob Freer souligne que même lorsque les États-Unis ont ratifié des traités fondamentaux relatifs aux droits humains, ils ont souvent tenté de qualifier la ratification ou d’interpréter leurs obligations aux termes du traité d’une manière qui fragilise certaines garanties ou certains principes clés.

Les conditions que les États-Unis attachaient à leur ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, par exemple, ont été exploitées par des juristes du gouvernement après les attentats du 11 Septembre. Cela faisait partie des arguments juridiques erronés avancés par les États-Unis en faveur des techniques d’interrogatoire et des conditions de détention contraires à l’interdiction de la torture ou d’autres mauvais traitements. Les États-Unis continuent en outre d’affirmer que la plupart de leurs obligations conventionnelles en matière de droits humains ne s’appliquent pas aux actions menées hors du territoire du pays.

«  Il n’y a pas de doute que les États-Unis continueront à se mettre en valeur comme étant une force progressiste pour les droits humains, voire la plus progressiste au monde, a déclaré Rob Freer.

« Toutefois, en l’absence de modifications substantielles dans les lois, les politiques et les pratiques, de telles déclarations continueront à être mises à mal par les faits, qu’il s’agisse de détentions et de procès inéquitables à Guantánamo, de l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les violences de la lutte antiterroriste, du recours persistant à la peine de mort – y compris à l’issue de procès iniques à Guantánamo – ou de condamnations d’enfants à la réclusion à vie, sans possibilité de libération conditionnelle.  »

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