Connu pour avoir déclaré « [L]’oppression a besoin de gens qui la supportent », Mesfin Woldemariam a été l’un des fondateurs en 1991 du Conseil éthiopien des droits humains (EHRCo), la première organisation de la société civile exclusivement dédiée à la cause des droits humains à une époque où la répression battait son plein après des années de régime militaire.
Mesfin Woldemariam a commencé à militer alors qu’il enseignait la géographie à l’Université d’Addis-Abeba dans les années qui ont suivi le coup d’État manqué de 1960 contre l’empereur Haïlé Séiassié. Mesfin Woldemariam a fait partie des universitaires qui se sont vu attribuer un poste au sein de la direction administrative du pays dans les années 1970, cette mesure ayant été largement considérée comme visant à faire taire les opposants dans le milieu universitaire. Il a ainsi été nommé gouverneur du district de Gimbi (Wellega, Oromia), mais il a refusé de prendre son poste à moins qu’il ne lui soit personnellement offert par l’empereur Haïlé Séiassié. Il a finalement été reçu par l’empereur pour recevoir sa nomination.
L’opinion publique s’est cependant tournée contre Mesfin Woldemariam quand le gouvernement militaire a décidé d’exécuter une soixantaine d’anciens hauts responsables gouvernementaux mis en cause en raison de leur implication dans la famine qui a sévi entre 1973 et 1975 par une commission d’enquête gouvernementale dont il faisait partie. Les conclusions de la commission n’ont jamais été révélées et les suspects n’ont jamais eu la possibilité de se défendre dans le cadre d’un procès équitable.
Il s’est de nouveau retrouvé au cœur de l’actualité quand il s’est associé avec d’autres personnes pour fonder en 1991 le Conseil éthiopien des droits humains (EHRCo), quelques mois après la chute du dictateur Mengistu Haïlé Mariam. Mesfin Woldemariam a souvent expliqué que l’EHRCo avait été créé dans le but de former et d’aider le gouvernement de transition de l’époque à « respecter, protéger et garantir les droits humains ».
Il a ensuite présidé cette organisation jusqu’en 2005 et a de façon incessante fait l’objet de mesures de harcèlement et d’intimidation de la part du gouvernement pour ses activités d’enquête, de documentation et de dénonciation de violations des droits humains.
Lorsqu’il a quitté l’EHRCo, il s’est lancé dans l’arène politique en tant que conseiller pour le Parti arc-en-ciel, qui faisait partie de la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD), mouvement d’opposition qui a affronté le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien, parti au pouvoir, lors des élections générales de 2005 qui ont été fortement contestées.
Ces élections ont été marquées par des violences postélectorale qui ont éclaté à Addis-Abeba et dans d’autres grandes villes du pays en juin et novembre 2005, et qui ont conduit à l’arrestation de Mesfin Woldemariam et de 29 autres dirigeants de l’opposition et journalistes. Il a été inculpé et jugé lors d’un procès très peu conforme aux normes internationales relatives à l’équité des procès, et condamné à la réclusion à perpétuité le 16 juillet 2007.
Après son emprisonnement, Amnesty International a déclaré le considérer comme un prisonnier d’opinion [1], car il était détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits humains, et elle a immédiatement mené campagne pour obtenir sa libération immédiate et sans condition.
En juillet 2011, Mesfin Woldemariam a été remis en liberté en même temps que 38 autres représentants politiques de l’opposition, éminents défenseurs des droits humains et journalistes injustement placés en détention pour avoir signé une demande de grâce.
Après sa libération, Mesfin Woldemariam a écrit de nombreux livres et publié des articles dans des journaux du pays. Amnesty International salue la mémoire de Mesfin Woldemariam et sa contribution à la cause des droits humains en Éthiopie.
Puisse sa mémoire continuer de nous inspirer !