ÉTHIOPIE - Risques de torture sur des étudiants à mesure que la crise s’amplifie

Index AI : AFR 25/008/2005

Après trois jours d’arrestations massives et de manifestations réprimées à balles réelles qui ont fait au moins vingt-six morts et plus d’une centaine de blessés à Addis-Abeba, plus de 1500 étudiants et autres manifestants pourraient être exposés à la torture, a déclaré Amnesty International ce jeudi 9 juin. Les arrestations se poursuivraient à Addis-Abeba et dans d’autres villes où ont eu lieu des manifestations étudiantes.

L’organisation condamne le recours excessif à la force de la police qui a fait usage de balles réelles contre des manifestants pacifiques pour la plupart - même si certains ont jeté des pierres - et en a brutalisé un certain nombre.

« L’usage excessif et sans discrimination de la force bafoue les normes internationales relatives aux droits humains, a déclaré Kolawole Olaniyan, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. Ces normes précisent clairement que les forces de police et de sécurité ne doivent recourir intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.

« Nous appelons le gouvernement éthiopien à mettre un terme aux violences policières et à établir une commission d’enquête indépendante et impartiale chargée de mener des investigations sur les homicides commis ; les conclusions de cette commission devront être rendues publiques. »

Shebray Delelegne, étudiante, a été tuée lorsque des policiers ont ouvert le feu, semble-t-il, sur des personnes qui tentaient de bloquer des véhicules de la police emmenant des étudiants. Six autres personnes ont été blessées lors de l’affrontement. De source officielle, la mort de l’étudiante aurait été « un accident », aucune précision supplémentaire n’a été donnée.

Amnesty International est également très inquiète du sort de Chernet Tadesse, trente et un ans, défenseure des droits humains et enquêtrice pour le Conseil éthiopien des droits humains, arrêtée hier, mercredi 8 juin, alors qu’elle rassemblait des informations sur les arrestations et les morts. On est sans nouvelles d’elle et Amnesty International craint qu’elle ne fasse l’objet de mauvais traitements ou d’actes de torture. Le sort d’Andargachew Tsige, quarante-huit ans, également arrêté hier, n’est pas connu non plus. Ancien maire adjoint d’Addis-Abeba résidant au Royaume-Uni, il est l’auteur d’un livre paru récemment critiquant le gouvernement.

« Nous sommes très inquiets pour la sécurité des étudiants et autres manifestants interpellés qui manifestaient pacifiquement, pour la plupart, sur leur campus ou dans la rue, pour exprimer leur opinion, a déclaré Kolawole Olaniyan. Beaucoup ont été frappés à coups de matraques et de crosses et emmenés par des policiers. Le gouvernement éthiopien doit veiller maintenant à assurer leur sécurité et leur donner la possibilité de voir leurs familles et de consulter un avocat. Il doit, soit les présenter aux autorités judiciaires dans le délai prescrit de quarante-huit heures et leur garantir un procès équitable dans les meilleurs délais, soit les remettre en liberté immédiatement. »

Amnesty International craint que les étudiants de l’université d’Addis-Abeba, qui ont été placés en détention au secret sans avoir été inculpés, ne soient battus, contraints à des exercices pénibles, privés de nourriture correcte et de soins médicaux. Même si certains auraient été remis en liberté aux dires de la police, la plupart des étudiants interpellés seraient toujours internés dans des camps de la police, comme le camp d’entraînement de la police de Sendafa, à quarante kilomètres au nord d’Addis-Abeba.

Complément d’information

Les étudiants protestaient contre l’annonce des résultats provisoires des élections parlementaires du 15 mai par la Commission électorale nationale d’Éthiopie. Les manifestations se sont déroulées malgré l’interdiction de manifester pendant le mois suivant les élections décrétée par le Premier ministre. Les étudiants soutenaient l’opposition qui réclamait qu’une enquête soit ouverte sur les irrégularités qui se seraient produites lors du vote - des candidats de l’opposition auraient notamment été arrêtés et frappés. Les résultats provisoires des élections parlementaires montraient une majorité en faveur de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire populaire éthiopien, du Premier ministre Meles Zenawi.

D’autres manifestations étudiantes et arrestations se sont produites et continuent de se produire, par exemple à l’université Debub à Awassa dans le sud, à l’université Jimma dans la région d’Oromia, dans les universités de Gondar et Bahar Dar dans le nord et à l’université d’Alemayehu à Harar dans l’est.

Plusieurs membres de l’opposition auraient également été frappés et arrêtés à Addis-Abeba, notamment des membres de la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD), formation d’opposition ; certains auraient recouvré la liberté. Amnesty International est inquiète pour la sécurité de Lidetu Ayalew, qui s’occupait des relations publiques au sein de la CUD et qui se trouve actuellement assigné à résidence dans son bureau, sans pouvoir se ravitailler ni recevoir de visites. Le ministre de l’information et la police accusent la CUD d’être l’instigatrice du mouvement et d’avoir incité les étudiants à la violence. La CUD réfute ces accusations et maintient qu’elle est un parti d’opposition pacifique.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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