Les arrestations se sont intensifiées depuis que le gouvernement a décrété l’état d’urgence il y a 10 jours lorsque les combattants du Front populaire de libération du Tigré (FPLT) se sont emparés de villes stratégiques dans la région de l’Amhara, à environ 400 kilomètres de la capitale. Ces arrestations sont menées à la faveur de perquisitions systématiques par les forces de sécurité avec l’aide de milices qui contrôlent l’identité des gens dans la rue. Les personnes arrêtées, dont des fonctionnaires, des prêtres orthodoxes et un avocat, sont détenues dans des centres pour jeunes et autres centres informels à travers Addis-Abeba, les postes de police étant pleins à craquer.
« Ces arrestations massives installent un tel climat de peur que les Tigréen·ne·s avec lesquels Amnesty International s’est entretenue craignent d’être interpellés à tout moment. Les personnes incarcérées ne sont ni inculpées ni déférées devant un juge et beaucoup ont été prises pour cibles uniquement en raison de leur appartenance ethnique, a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
Les belligérants sont responsables de crimes de guerre et de terribles atteintes aux droits humains
« Les autorités doivent veiller à ce que les familles soient informées du lieu où se trouvent leurs proches arrêtés et de leur statut, et à ce que toute personne privée de sa liberté puisse consulter un avocat et communiquer avec sa famille sans délai. »
Le 2 novembre, le gouvernement a décrété l’état d’urgence, qui a ensuite été adopté par le Parlement le 4 novembre. L’état d’urgence permet aux autorités de procéder à des arrestations et détentions sans mandat, s’il existe des « soupçons raisonnables » de coopération avec des « organisations terroristes », et de maintenir ces personnes en détention sans examen judiciaire pendant toute la durée de la proclamation de l’état d’urgence, c’est-à-dire pour l’instant pendant six mois. Certaines mesures violent le droit international relatif aux droits humains, qui interdit la détention arbitraire et la discrimination en toutes circonstances.
Amnesty International a interrogé huit personnes – familles, amis et avocats de détenus – qui ont indiqué avoir vu des centaines de Tigréen·ne·s détenus dans six lieux différents. S’il est actuellement impossible de déterminer le nombre exact de prisonniers, ils se comptent par centaines, voire par milliers.
Quelques proches et amis ont pu communiquer de manière limitée et irrégulière avec les prisonniers. Cependant, la plupart d’entre eux n’ont pas pu consulter d’avocat. En outre, d’après les personnes interviewées, la police en a transféré certains dans des lieux situés en périphérie d’Addis-Abeba.
« Le gouvernement éthiopien doit mettre immédiatement fin aux arrestations arbitraires fondées sur l’appartenance ethnique et modifier la proclamation de l’état d’urgence »
Deux avocats tigréens interrogés par Amnesty International ont confié s’attendre à ce que les forces de sécurité viennent frapper à leur porte à tout moment et ont donc préparé un sac avec des vêtements de rechange.
Les Nations unies ont annoncé [1] que certains de leurs employé·e·s comptent parmi les personnes arrêtées à Addis-Abeba, en plus des 72 chauffeurs de l’ONU arrêtés à Semera [2], dans la région de l’Afar.
Depuis que le conflit a éclaté il y a un an entre le Front populaire de libération du Tigré (FPLT) et les forces gouvernementales fédérales, des milliers de personnes ont été tuées et plus de deux millions ont été contraintes de quitter leur foyer. Les belligérants sont responsables de crimes de guerre et de terribles atteintes aux droits humains, notamment de viols et violences sexuelles généralisés et de massacres de civils non armés.
« Le gouvernement éthiopien doit mettre immédiatement fin aux arrestations arbitraires fondées sur l’appartenance ethnique et modifier la proclamation de l’état d’urgence afin de l’aligner sur le droit international », a déclaré Deprose Muchena.