Étude de cas. Nian Vung, réfugié soumis à la bastonnade en Malaisie après avoir fui le Myanmar

Sous embargo strict jusqu’au lundi 6 décembre 2010, 2h30 TU

Nian Vung, 23 ans, s’est enfui en Malaisie en 2008 pour échapper au travail forcé et aux atteintes aux droits humains commises par l’armée dans l’État chin, dans le nord-ouest du Myanmar.

Après avoir franchi en secret la frontière malaisienne par voie de terre, il s’est dirigé vers l’unité d’enregistrement mobile du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à Melaka, ville du sud du pays, pour se faire enregistrer en tant que réfugié.

Des représentants des autorités étaient postés devant l’église qui abritait l’unité d’enregistrement mobile. Nian Vung a été arrêté et conduit dans un centre de détention pour migrants.

Aux termes du droit malaisien, Nian Vung a été considéré comme un immigrant illégal. En effet, la Malaisie n’ayant pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, les réfugiés n’ont aucun statut légal.

Nian Vung a été jugé pour être entré illégalement en Malaisie. Pourtant, comme la plupart des réfugiés originaires de l’État chin, il n’a pas pu obtenir de passeport avant de fuir son pays.

Il a comparu devant un tribunal réuni directement dans le centre de détention. En violation des normes fondamentales d’équité des procès, il n’a pas bénéficié des services d’un interprète chargé de traduire la procédure dans une langue qu’il comprenne.

« Ils ont lu ma condamnation. Je ne l’ai pas comprise. Je savais que " satu " signifie " un "… J’ai demandé à un autre accusé de me la traduire. Elle était écrite sur une carte, dans les termes suivants : trois mois, un coup de bâton »
, se souvient-il.

Nian Vung a expliqué le motif de sa sentence : « Ils ont dit que c’est parce que j’étais " kosong ". » En malais, « kosong » est un terme d’argot qui signifie « sans papiers ». Littéralement, il signifie « blanc » ou « vide ».

En septembre 2008, Nian Vung a été conduit à la prison de Johor Keluga, où il a été contraint de se mettre pratiquement nu et de se ranger en file indienne avec d’autres prisonniers. Un médecin a contrôlé sa respiration et pris sa tension, et l’a décrété apte à subir la peine de bastonnade.

La bastonnade est une forme cruelle de châtiment corporel judiciaire qui engendre des douleurs et des souffrances aiguës.

Des agents de l’État spécialement formés à cette pratique assènent de violents coups à la victime à l’aide d’une canne ou d’un bâton d’un mètre de long, qu’ils tiennent à deux mains. La peau, nue, est lacérée, les tissus graisseux en dessous sont déchirés, ce qui laisse des cicatrices qui s’étendent jusqu’aux fibres musculaires. La douleur est si intense que les victimes perdent souvent connaissance.

La peine de bastonnade est prévue pour plus de 60 infractions en Malaisie. Depuis 2002, ont été ajoutées les infractions à la législation sur l’immigration, telles que l’entrée illégale sur le territoire.

« Il y avait quatre ou cinq agents [dans la salle de bastonnade]. Derrière la vitre, je pouvais voir une dizaine d’hommes, très grands, très musclés. Ils nous regardaient, nous fixaient. Certains tenaient en main leur bâton, a raconté Nian Vung.

« J’ai ressenti la vive brûlure de la canne. Une douleur intense s’est abattue sur mes fesses, se souvient-t-il. Pas seulement la douleur physique, la souffrance psychologique est encore pire. Je me suis senti totalement abandonné, même de Dieu. »

Aux termes du droit international, la sanction qui consiste à ce qu’un représentant de l’État inflige délibérément une douleur ou une souffrance aiguë constitue un acte de torture. Depuis 2002, date à laquelle le Parlement a rendu passibles de la peine de bastonnade les infractions à la législation sur l’immigration, telles que l’entrée illégale sur le territoire, des dizaines de milliers de réfugiés et de travailleurs migrants ont subi ce châtiment.

Nombre des victimes sont des réfugiés originaires du Myanmar ou des travailleurs migrants venus notamment d’Indonésie et des Philippines. Les travailleurs migrants indonésiens sont condamnés à la bastonnade et expulsés en masse. En Indonésie, Amnesty International en a rencontré certains, expulsés par bateau de Malaisie. Parmi eux, 63 hommes avaient été soumis à la bastonnade.

Nian Vung a finalement été reconnu en tant que réfugié par le HCR à sa sortie de prison. La Malaisie a décidé de ne pas l’expulser vers le Myanmar.

Par ailleurs, la torture est contraire au droit international. Toutefois, Nian Vung n’a aucune garantie que les autorités malaisiennes ne le soumettront pas à la torture en lui infligeant une nouvelle fois des coups de canne. Plusieurs réfugiés ont raconté à Amnesty International qu’ils avaient subi ce châtiment, non pas une, mais plusieurs fois.

« J’ai peur d’être une nouvelle fois arrêté, même avec ma carte du HCR, a confié Nian Vung. Si c’est le cas, je recevrai encore des coups de bâton. Alors je vis dans la peur. »

FIN

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