EUROPE : Discrimination contre les Rom

Index AI : EUR 01/001/2005

ÉFAI

Mardi 1er février 2005

L’année 2005 marque le début de la Décennie pour l’intégration des Rom, une
initiative de huit pays d’Europe centrale et de l’Est soutenue par la
communauté internationale. L’objectif de cette décennie est l’amélioration
du statut social et économique des Rom, par le biais d’un soutien en matière
d’éducation, d’emploi, de santé et de logement.

On estime que sept à neuf millions de Rom vivent actuellement en Europe ; 80
p. cent d’entre eux se trouvent dans des pays nouvellement membres de
l’Union européenne ou candidats à l’adhésion. Dans toute cette région, les
Rom perçoivent des salaires considérablement plus bas que le reste de la
population et sont beaucoup plus touchés par le chômage. En Hongrie, selon
la Banque mondiale, le taux de pauvreté parmi les Rom est environ cinq fois
plus élevé que chez les autres Hongrois.

Au fil des années, les allégations selon lesquelles des Rom avaient été
victimes de tortures et de mauvais traitements aux mains de membres des
forces de l’ordre, et le fait que certains membres de cette communauté
n’aient, semble-t-il, pas bénéficié d’une protection satisfaisante lors de
flambées de violence raciste, ont inspiré de vives inquiétudes à Amnesty
International. L’organisation a rendu public les résultats de ses recherches
les plus récentes dans un document intitulé Europe and Central Asia : Summary
of Amnesty International’s Concerns in the Region, January - June 2004
(index AI : EUR 01/005/2004,
http://web.amnesty.org/library/index/engeur010052004
<http://web.amnesty.org/library/inde...> ).

Les faits décrits ci-après sont emblématiques de ce qu’Amnesty International
a observé au cours du premier semestre 2004.

Bulgarie

Un nombre accru d’agressions racistes contre des Rom a été signalé à Sofia
pendant la période examinée par Amnesty International.

Le 16 janvier, Assen Zarev, vivant dans le quartier de Fakulteta, dans la
capitale, aurait été battu par des policiers près de chez lui ; ils auraient
menacé de le tuer s’il ne leur révélait pas où se trouvaient plusieurs
hommes soupçonnés d’avoir abattu un arbre dans les bois avoisinants. Par la
suite, Assen Zarev a obtenu un certificat médicolégal décrivant les
blessures provoquées par les mauvais traitements qu’il aurait subis.

Une deuxième agression a eu lieu dans ce quartier de Sofia le 20 janvier.
Seize membres des forces de l’ordre ont fouillé plusieurs maisons et
auraient insulté et arrêté 17 hommes au hasard. Au cours de cette opération,
les policiers se seraient introduits dans trois logements inoccupés à ce
moment-là ; ils auraient brisé des vitres et endommagé des meubles et des
appareils ménagers. Le procureur de Sofia aurait ouvert une enquête en
rapport avec la plainte d’Assen Zarev ainsi qu’avec l’opération de police du
20 janvier.

Le 30 avril, Georgi Angelov aurait été violemment frappé par deux hommes qui
lui ont également tranché l’oreille avec une lame de rasoir. Ces actes et
d’autres agressions similaires n’auraient fait l’objet d’aucune enquête
digne de ce nom. Des organisations locales de défense des droits humains ont
réclamé un maintien de l’ordre plus efficace dans les quartiers rom, ainsi
que dans les lieux de rencontre des skinheads.

Grèce

Amnesty International est préoccupée par l’impunité dont jouit la police.
Les enquêtes sur les violences infligées par des membres des forces de
l’ordre à de jeunes Rom ont été confiées aux services auxquels appartenaient
ces mêmes policiers.

Amnesty International s’est inquiétée auprès des autorités grecques de ce
que des familles rom avaient perdu leur logement et leurs moyens de
subsistance en raison de leur expulsion de trois secteurs d’Athènes désignés
pour accueillir de nouveaux bâtiments pour les Jeux olympiques. Les
autorités ne les ont pas aidés à se reloger, enfreignant ainsi les
dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels, que la Grèce a signé et ratifié.

République tchèque

En janvier, trois jeunes gens ont été condamnés par le tribunal de Jesenik à
une peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis pour avoir agressé un
couple rom à son domicile le 28 juin 2003. Ils s’étaient rendus chez le
couple Ziga et, se faisant passer pour des policiers, leur avaient ordonné
d’ouvrir la porte. Lorsque Lydie Zigova, vingt et un ans, enceinte, leur
avait ouvert, ils l’avaient frappée au visage, lui faisant perdre
définitivement la vue d’un œil. Ils avaient également agressé Jan Ziga, en
lui tailladant le visage et le torse avec un tesson de bouteille.

Le 3 mars, à un arrêt de bus, deux des jeunes reconnus coupables d’agression
contre les Ziga ont attaqué Lukas Tokar, jeune Rom souffrant d’un handicap
mental. Celui-ci a dû être conduit à l’hôpital où il a reçu des soins pour
un nez cassé. La police a par la suite arrêté les jeunes gens, qui auraient
été inculpés en relation avec cette nouvelle agression.

Le 14 avril, Martin Stiskala s’en est pris à un Rom de dix-neuf ans devant
un restaurant de Jesenik. Il a commencé par proférer des insultes racistes
et par cracher sur le sol. Il aurait ensuite poussé le jeune homme à terre
et l’aurait roué de coups de pied ; la victime est arrivée à retenir Martin
Stiskala jusqu’à ce que la police arrive et appréhende celui-ci. Le 8 juin,
le tribunal de Jesenik aurait condamné Martin Stiskala à une peine de deux
ans d’emprisonnement avec sursis pour agression à caractère raciste.

Roumanie

Le 11 mars, Bela Dodi et quatre autres Rom ramassaient de la ferraille dans
la mine de Coroiesti, à Vulcan, dans le district d’Hunedoara, lorsque des
vigiles s’en sont pris à eux. Les vigiles auraient violemment battu les
quatre autres Rom tandis que Bela Dodi, tentant de s’échapper en courant,
est tombé, s’est cogné la tête au sol, mourant sur le coup. Une enquête
aurait été ouverte sur la mort de Bela Dodi et sur les mauvais traitements
dont les quatre autres hommes ont fait l’objet.

Russie

En mai, la police de Saint-Pétersbourg a lancé une opération visant les Rom,
dont Amnesty International a craint qu’elle ne conduise à des violations des
droits fondamentaux de la communauté. Par ailleurs, à Oboukhovo, dans la
région de Saint-Pétersbourg, la police aurait brûlé des cabanes dans un
campement rom.

Menacés d’attaques de skinheads, et devant l’incapacité de la police à les
protéger, des Rom vivant dans la région de Pskov (nord-ouest de la Russie)
ont dû fuir de chez eux.

Slovaquie

En février, dans l’est de la Slovaquie, des membres de la communauté rom ont
organisé des manifestations afin de protester, semble-t-il, contre des
modifications apportées au régime de sécurité sociale. Dans certains cas,
ces manifestations ont dégénéré en émeutes et en pillages. Amnesty
International ne cautionne en aucun cas la violence, mais elle a déploré le
fait que certains policiers auraient eu recours à un usage excessif de la
force, prononcé des insultes à caractère raciste et même infligé des mauvais
traitements de façon délibérée. Ils auraient brutalisé des hommes, femmes et
enfants, sans tenir compte de leur âge ni de leur condition physique ou
mentale, abattant leur matraque, tentant de disperser la foule à l’aide de
matraques électriques, et distribuant les coups, de pied en particulier.
Certains des policiers auraient proféré des insultes racistes. Pas moins de
26 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue, où elles auraient
été victimes de violences et de traitements dégradants.

Le 25 février, à Caklov, la police a entrepris d’arrêter plusieurs femmes
soupçonnées d’avoir volé de la nourriture dans le magasin d’État de la
ville. Des policiers auraient poursuivi les coupables présumées en
brandissant leur matraque d’une manière menaçante ; un policier aurait même
frappé G.G., un garçon de trois ans, sur la tête. Par la suite, l’enfant a
dû recevoir des soins médicaux, et le policier concerné est retourné au
campement afin de présenter ses excuses à la famille pour son comportement.
Le 25 février, 23 femmes et deux hommes ont été arrêtés, et 14 autres femmes
ont été appréhendées le lendemain. Alors qu’ils procédaient aux
arrestations, certains des policiers auraient traité les femmes de « putain
 », de « sale gitane », et autres injures racistes.

Au cours des six premiers mois de l’année 2004, la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié des rapports sur
plusieurs pays, au sujet du racisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme et
de l’intolérance. Dans le troisième rapport qu’elle a consacré à la
Bulgarie, la Commission a conclu que les stéréotypes, les préjugés et les
discriminations visant les groupes minoritaires, et, en particulier les Rom,
les immigrés, les réfugiés et les demandeurs d’asile, étaient toujours
d’actualité. L’ECRI a également évoqué la ségrégation imposée aux enfants
rom à l’école. Dans le rapport sur la République tchèque, l’ECRI s’est
félicitée des efforts consentis par le gouvernement afin de lutter contre
les discriminations raciales, saluant notamment le plan national visant à
intégrer les Rom dans la société. L’ECRI a toutefois regretté que plusieurs
des recommandations contenues dans son précédent rapport aient été ignorées,
en particulier celles en lien avec la lutte contre la discrimination et
l’inégalité au niveau local. En ce qui concerne la Hongrie, l’ECRI a estimé
que la minorité rom « demeure fortement défavorisée dans la plupart des
domaines de la vie, dont ceux de la santé, du logement, de l’emploi et de
l’éducation ». La Commission a également déclaré que la communauté rom de
Slovaquie « reste gravement défavorisée dans la plupart des domaines,
particulièrement en ce qui concerne le logement, l’emploi et l’éducation ».
L’ECRI a adressé de nombreuses recommandations aux autorités, et a appelé de
ses vœux « des investigations complètes, transparentes et impartiales quant
aux récentes allégations relatives à la stérilisation de femmes roms qui
aurait eu lieu en l’absence d’un véritable consentement éclairé de leur part
 ».

Au cours de la même période, le Comité contre la torture des Nations unies a
évalué le troisième rapport périodique de la Bulgarie sur l’application de
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Le Comité a notamment fait part de son inquiétude
au sujet des « nombreuses allégations de mauvais traitements infligés à des
personnes en détention, en particulier pendant les interrogatoires de
police, pouvant être assimilés à des actes de torture et touchant de manière
disproportionnée les Roms [...] [de] l’absence d’un système indépendant
d’enquête sur les plaintes et [du] fait que les allégations de mauvais
traitements ne font pas toujours l’objet d’une enquête rapide et impartiale
ce qui donnerait lieu à une situation d’impunité des auteurs de tels actes
 ». S’agissant du troisième rapport présenté par la République tchèque, le
Comité a exprimé sa préoccupation au sujet de « la persistance des actes de
violence perpétrés contre les Roms et la réticence dont ferait preuve la
police pour ce qui est d’apporter la protection voulue et d’enquêter sur ces
actes criminels, malgré les efforts déployés par l’État partie pour lutter
contre de tels actes ».

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