Les tirs ayant visé des étudiants qui manifestaient de manière non violente à Port Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, constituent une atteinte à la liberté de réunion pacifique et d’expression, a déclaré Amnesty International mercredi 8 juin.
Selon des informations transmises à l’organisation, 38 personnes ont été blessées ; quatre d’entre elles seraient dans un état critique. Trois personnes devaient encore être examinées aux urgences.
« Les tirs ayant visé des étudiants qui manifestaient de manière pacifique rappellent les pires excès des régimes répressifs de la région », a déclaré Rafendi Djamin, directeur du programme Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International.
« Les autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée doivent diligenter une enquête impartiale et indépendante dans les meilleurs délais, afin de déterminer qui est responsable de ce recours injustifié et excessif à la force. »
Mercredi 8 juin à l’université de Papouasie-Nouvelle-Guinée, la police nationale a ouvert le feu sur un groupe d’étudiants qui manifestaient de manière non violente pour dénoncer des faits de corruption attribués au Premier ministre, Peter O’Neill.
Plusieurs témoins ont tenu à préciser qu’ils avaient vu des étudiants se faire frapper et tirer dessus, et qu’un avait reçu une balle dans la tête.
Dans une déclaration, le Premier ministre O’Neill a imputé les violences aux étudiants, qui comptaient se rendre de l’université au Parlement afin d’y mener une action de protestation non violente. Avant que la moindre enquête n’ait eu lieu, il a nié que la police avait pris les étudiants pour cible, affirmant qu’elle avait simplement utilisé du gaz lacrymogène et tiré « à titre d’avertissement ».
« La réaction du Premier ministre a été totalement inadéquate. Il devrait garantir que les allégations de recours à une force excessive donnent lieu à une enquête digne de ce nom. Au lieu de cela, il a déjà préjugé des conclusions de celle-ci, blâmé les étudiants pour ce qui leur est arrivé et tenté de se soustraire à l’obligation de rendre des comptes », a déclaré Rafendi Djamin.
Le Premier ministre a indiqué au Parlement qu’une enquête serait ouverte sur les coups de feu tirés à l’université de Papouasie-Nouvelle-Guinée. On ne sait pas clairement qui mènera l’enquête, quand elle aura lieu ni si elle sera exempte d’ingérence de la part du gouvernement ou de la police.
« Une enquête des autorités sur leurs propres services ne suffira pas », a déclaré Rafendi Djamin. « Le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée essaie d’absoudre la police de toute responsabilité pour ce recours illégal à la force. »
Les affirmations des autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée contredisent directement les témoignages de plusieurs personnes ayant assisté aux violences.
Rassemblés devant l’hôpital général, des parents et amis des étudiants ont protesté de manière pacifique contre les coups de feu. Des responsables de l’hôpital ont déclaré avoir entendu des tirs devant l’établissement.
« Les policiers doivent faire preuve de retenue et respecter le droit à la liberté de réunion pacifique. Les armes à feu ne doivent être utilisées que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines », a déclaré Rafendi Djamin.
Complément d’information
Des allégations de corruption visant le gouvernement de Peter O’Neill sont à l’origine de manifestations étudiantes très suivies depuis mai. Le Premier ministre est accusé par la Taskforce Sweep, une commission de lutte contre la corruption en Papouasie-Nouvelle-Guinée, d’avoir autorisé des paiements correspondant à des frais de justice frauduleux s’élevant à 30 millions de dollars australiens.
Les étudiants ont employé des méthodes non violentes, notamment des actions de protestation et un boycott des cours.
Le Premier ministre a fustigé les étudiants pour leur participation à des manifestations non violentes, se moquant d’eux en affirmant que leurs notes étaient mauvaises et déclarant qu’ils auraient à « assumer les conséquences » de leurs actes en ce qui concerne leur futur à l’université.