Pour les populations roms en France, l’arrivée du gouvernement de François Hollande il y a plus d’un an n’a pas mis fin au cycle infernal des expulsions forcées. Les Roms continuent d’être chassés de leurs lieux de vie, jetés à la rue sans solution de relogement ; ils se retrouvent sans abri. Une situation dénoncée par Amnesty International dans un rapport rendu public jeudi 26 septembre.
Intitulé Condamnés à l’errance : les expulsions forcées de Roms en France (voir document ci-dessous), ce rapport est basé sur les recherches qu’Amnesty International a menées à Lille, Lyon, Paris et dans les communes périphériques.
« La circulaire interministérielle du 26 août 2012 a marqué un changement de discours et a suscité l’espoir d’une amélioration, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Une délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) a été crée spécifiquement. Mais un an plus tard, la pratique des expulsions forcées se poursuit à un rythme alarmant. »
Ce rapport est publié la veille d‘une journée d’échange organisée par la DIHAL pour faire le point sur la mise en œuvre de la circulaire interministérielle.
« Au cours du premier semestre 2013, 10 174 Roms auraient été évacués, un nombre record depuis 2010. Une fois expulsés, ils se retrouvent très souvent sans abri et sont condamnés à se réinstaller dans d’autres campements informels », a déploré John Dalhuisen.
« Aujourd’hui je suis ici, demain je ne sais pas. Ici c’est pas comme une maison, c’est une caravane, s’ils veulent la casser ils la cassent. Ici, la France, c’est chez moi », explique Caroline, âgée de 18 ans et vivant en France depuis trois ans. Elle habite avec son mari et sa fille d’un an sur le parking P4 des Quatre Cantons, à Villeneuve d’Ascq (Lille).
Visité par les chercheurs d’Amnesty International en juin 2013, le plus grand campement informel rom de Lille a fini d’être évacué mercredi 18 septembre dans sa totalité. Au début de l’été, environ 800 personnes occupaient ce terrain. Une grande majorité se serait réinstallée dans des campements informels des communes voisines.
« Dans quelques cas où la circulaire a été appliquée intégralement, elle a permis aux Roms expulsés d’accéder à un logement stable, premier pas vers l’insertion. Cependant, la plupart du temps, celle-ci n’est respectée que partiellement, voire pas du tout », a souligné John Dalhuisen.
Le droit français ne prévoit aucune mesure de protection effective contre les expulsions forcées. Dans la plupart des cas, aucune solution de relogement n’est proposée. Les Roms sont ainsi condamnés à une vie d’errance, de campement de fortune en campement de fortune. Cette instabilité subie engendre des conséquences dramatiques : précarisation, rupture de scolarité et du parcours de soin, marginalisation persistante.
Adela, âgée de 26 ans, a vécu 15 expulsions depuis son arrivée en France en 2002. Enceinte, elle a été expulsée avec son mari et ses trois enfants de Ris Orangis, le 3 avril dernier.
« C’était comme toutes les expulsions depuis que je suis en France. La police est venue à 7h30, mais nous on était réveillé depuis 5h30, on avait même réveillé les enfants. Ils nous ont donné 15 minutes pour dégager. Tu peux rien faire, c’est leur boulot, nous on n’a pas de problèmes avec la police ; c’est pas de leur faute. Ça ne sert à rien de résister, tu sors comme tout le monde. »
Les quelques 20 000 migrants Roms qui vivent en France viennent pour la plupart de Roumanie. Presque tous fuient la misère chronique et la discrimination qu’ils subissent dans leur pays d’origine.
Strugurel, âgé de 36 ans et père de deux enfants, vit dans un squat, à Lyon. Il est en France depuis 2005 et a été expulsé au moins 10 fois. Il explique : « Ici c’est dur, mais la Roumanie c’est très dur, c’est pour ça qu’on est en France, sinon on ne serait pas venu pour vivre comme ça dans un squat ».
Au vu du climat d’hostilité envers les Roms à l’approche des élections municipales de mars 2014, Amnesty International appelle le gouvernement à respecter ses engagements internationaux et à mettre en place des mesures de protection efficaces contre la pratique des expulsions forcées.
La circulaire du 26 août 2012 doit être amendée afin que personne ne se retrouve sans abri à la suite d’une expulsion, qu’une véritable consultation ait lieu avec les personnes concernées, et qu’elles reçoivent des informations suffisantes sur l’opération d’évacuation dans un délai raisonnable. Enfin, la circulaire doit interdire toute évacuation de campement durant la trêve hivernale.
L’accès à la scolarisation et aux soins, ainsi qu’à l’eau, aux installations sanitaires et au ramassage des ordures doit être garanti.