Bruxelles, le 1er juillet 2013 - Le 1er juillet, les représentants des États de l’Union européenne (UE) et des États du Golfe se réunissent à Bahreïn pour leur rencontre ministérielle annuelle, à quelques kilomètres seulement du centre de détention où des prisonniers d’opinion, dont des leaders éminents de l’opposition et des défenseurs des droits humains, sont incarcérés.
Amnesty International craint que la responsable de la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton, et les ministres européens des Affaires étrangères ne saisissent pas cette occasion d’évoquer la situation des droits humains à Bahreïn et d’appeler publiquement à la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion.
Si l’UE s’est engagée à peser « de tout son poids pour soutenir les défenseurs de la liberté, de la démocratie et des droits humains partout dans le monde » et à aborder les préoccupations relatives aux droits humains à toutes les rencontres bilatérales, la question des violations de ces droits ne figure pas à l’ordre du jour de la rencontre des ministres européens avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG), pas plus qu’elle n’apparaît dans les déclarations de l’UE.
« Bahreïn s’est engouffré dans une crise des droits humains : les opposants sont incarcérés, les manifestations réprimées, la torture est monnaie courante et l’impunité endémique. Pourtant, les autorités de Bahreïn préfèrent investir dans les relations publiques plutôt que de faire face à leur bilan déplorable en termes de droits humains », a indiqué Nicolas Beger, directeur du Bureau des institutions européennes d’Amnesty International.
« Ce serait un affront pour de nombreux Bahreïnites si les représentants de l’UE se rendaient dans leur pays et n’appelaient pas publiquement à la libération des prisonniers d’opinion. Alors que le représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme s’est rendu récemment à Bahreïn, l’UE ne doit pas faire comme si de rien n’était, mais doit saisir l’occasion de faire pression sur Bahreïn au sujet de son bilan en termes de droits fondamentaux. »
Au moins 20 prisonniers d’opinion sont actuellement détenus à Bahreïn, deux ans après les manifestations anti-gouvernementales pacifiques de 2011, qui ont été réprimées avec violence. Parmi eux figurent notamment des leaders éminents de l’opposition, comme Shaikh Hassan Meshaima, Shaikh Abdelwahab Hussain, Dr Abdeljalil al Singace, Abdulhadi Al Khawaja, Ebrahim Sharif et Mahdi Abu Deeb, ainsi que le défenseur bien connu des droits humains Nabeel Rajab. Certains sont emprisonnés à perpétuité, simplement pour avoir organisé des rassemblements ou appelé à manifester de manière pacifique contre le gouvernement, notamment via les réseaux sociaux.
Un grand nombre de prisonniers d’opinion auraient été torturés au cours de leurs premières semaines de détention. Certains n’ont pas reçu les soins médicaux dont ils avaient besoin, ni reçu de visites de leur famille et de leurs avocats, parce qu’ils refusent de porter l’uniforme de la prison, ce qui à leurs yeux reviendrait à reconnaître leur culpabilité.
Des mineurs âgés de seulement 15 ans sont jugés comme des adultes à Bahreïn, en violation des obligations du pays de traiter tous les mineurs suspects conformément aux règles et principes applicables dans ce cas. Des femmes sont également emprisonnées. Zainab al Khawaja, fille du militant bien connu Abdulhadi Al Khawaja, sera incarcérée jusqu’en février 2014 au moins, pour ses activités pacifiques antigouvernementales.
Les violations des droits humains ne sont généralement pas sanctionnées et l’impunité prévaut. Sur les 96 enquêtes officiellement ouvertes sur les actes de torture et les décès de détenus et de manifestants à l’époque des rassemblements de 2011, 46 affaires ont été classées sans suites en raison du manque de preuves ou parce qu’il a été considéré que la mort faisait suite à un « acte de légitime défense ».
Aucun haut responsable des services de sécurité ou de l’armée n’a été traduit en justice pour ces faits. Seuls quelques membres subalternes, pour la plupart des personnes d’origine étrangère qui avaient reçu la nationalité bahreïnite, ont été jugés.
La plupart ont été condamnés à des peines clémentes et sont en liberté en attendant qu’il soit statué sur leurs appels.
Le gouvernement affirme régulièrement qu’il « continue d’entreprendre des réformes majeures ». En avril 2013, Bahreïn a annulé pour la deuxième fois la visite programmée du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. Le ministre des Droits de l’homme de ce royaume du Golfe a défendu cette décision en faisant valoir que cette visite pourrait nuire au dialogue politique en cours. Lors de la dernière session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, 43 États ont critiqué les violations des droits humains persistantes à Bahreïn.