Les autorités iraniennes doivent immédiatement annuler la condamnation à mort prononcée contre cinq membres de la minorité arabe ahwazie d’Iran, qui ont fait l’objet d’un procès inique et pourraient être exécutés en public d’un moment à l’autre, a déclaré Amnesty International après le transfert de ces prisonniers dans un lieu inconnu samedi 9 juin.
Ces hommes ont été retirés de la population générale de la prison de Karoun, dans la ville d’Ahvaz (sud-ouest du pays) le 9 juin, ce qui fait craindre l’imminence d’une exécution.
Ce groupe inclut trois frères, Abd al Rahman Heidari, Taha Heidari et Jamshid Heidari, leur cousin Mansour Heidari, et Amir Muawi.
Ces cinq hommes ont été appréhendés en avril 2011, alors que la province du Khuzestan – où vivent la majorité des Arabes ahwazis d’Iran – était en proie à des troubles ; ils ont ensuite été inculpés de mohareb (« inimitié à l’égard de Dieu ») pour l’homicide d’un représentant des forces de l’ordre.
« L’Iran doit suspendre de toute urgence l’éventuelle exécution de ces cinq Ahwazis. Les sentences prononcées contre ceux qui languissent dans le quartier des condamnés à mort doivent être annulées ou commuées », a indiqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Les familles doivent immédiatement être informées de l’endroit où se trouvent ces détenus et du sort qui leur a été réservé, et ces hommes doivent être autorisés à contacter les avocats de leur choix. Tant qu’ils seront en détention, ils doivent être protégés contre toutes les formes de torture et autres types de mauvais traitements, et bénéficier de tous les soins médicaux dont ils pourraient avoir besoin. »
Les condamnés à mort sont généralement placés à l’isolement peu avant leur exécution.
Aux termes du droit iranien, il convient d’informer les avocats de l’exécution de leur client 48 heures à l’avance, mais il n’a pas été clairement établi que ces cinq hommes aient été autorisés à bénéficier d’une assistance juridique.
Vers le 5 mars 2012, des représentants du ministère iranien du Renseignement ont indiqué aux proches des cinq hommes que la Cour suprême avait confirmé leur condamnation à la peine de mort.
On ignore quand s’est déroulé le procès initial de ces hommes devant un tribunal révolutionnaire. Les familles ont souligné qu’ils ont « avoué » le meurtre sous la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Les tribunaux iraniens retiennent souvent les « aveux » extorqués sous la contrainte à titre de preuve.
Les Arabes ahwazis, qui composent l’une des nombreuses minorités d’Iran, vivent essentiellement dans la province du Khuzestan, dans le sud-ouest du pays, une zone riche en pétrole.
Ils se plaignent souvent d’être marginalisés et victimes de discrimination en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi, à un logement décent, à la participation politique et aux droits culturels.
Certains Arabes ahwazis – qui sont principalement des musulmans chiites, comme la majorité des Iraniens – ont formé des groupes demandant la création d’un État arabe indépendant dans cette zone.
En avril 2005, la province du Khuzestan a été le théâtre de manifestations de masse après la circulation de certaines informations faisant état de l’intention du gouvernement iranien de disperser les Arabes ahwazis de la zone et d’essayer de leur faire perdre leur identité ahwazie.
Une série d’attentats à la bombe, dans la ville d’Ahvaz et sur des installations pétrolières, fin 2005 et début 2006, a donné lieu à plusieurs vagues d’arrestations massives dans la région. Au moins 15 hommes ont ensuite été exécutés pour leur participation présumée à ces attentats.
En avril 2011, des membres de la minorité arabe ahwazie ont organisé des manifestations dans le cadre d’une « Journée de la colère » à travers la province du Khuzestan, afin de marquer le sixième anniversaire de troubles précédents.
Amnesty International a par la suite reçu les noms de 27 personnes qui auraient été tuées lors d’affrontements avec les forces de sécurité, notamment dans le quartier de Malashiya, à Ahvaz.
Des sources arabes ahwazies affirment que le nombre de victimes était en réalité plus élevé, tandis que les autorités soutiennent que seules trois personnes sont mortes.
Au moment des manifestations, entre mars et mai 2011, au moins quatre Arabes ahwazis seraient morts en détention, probablement des suites d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements. D’autres ont été hospitalisés pour des blessures qui leur avaient été infligées en détention.
Début mai 2011, les autorités iraniennes auraient exécuté au moins huit arabes ahwazis – dont Hashem Hamidi, alors âgé de 16 ans semble-t-il – pour leur rôle présumé dans la mort d’un représentant des forces de l’ordre et de deux autres personnes lors des affrontements.
On ne sait pas clairement s’il s’agit du même policier que les cinq condamnés à mort ont été accusés d’avoir tué.
En amont des élections législatives de mars 2012 en Iran, des arrestations de masse effectuées dans au moins trois zones distinctes de la province du Khuzestan se sont soldées par l’incarcération de 50 à 65 personnes, et deux nouvelles morts en détention ont été signalées.
« Les Arabes ahwazis – comme le reste de la population iranienne – ont le droit d’exprimer pacifiquement leur opposition aux politiques gouvernementales. Les autorités iraniennes doivent revoir les lois introduisant des discriminations à l’égard des Arabes ahwazis et des autres minorités ethniques et religieuses. Dans le cas contraire, le cercle vicieux des griefs, des protestations et des troubles se perpétuera », a expliqué Ann Harrison.
« Les autorités doivent mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les informations faisant état d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les prisons et centres de détention iraniens – qu’ils visent les Arabes ahwazis ou non – et traduire en justice tout responsable présumé de violations. »
Complément d’information
Amnesty International reconnaît que les gouvernements ont le droit et le devoir de traduire en justice les auteurs présumés d’infractions pénales. Ils doivent toutefois le faire d’une manière qui respecte les droits humains.
Dans le cadre du maintien de l’ordre lors d’une manifestation, tout recours à la force doit être à la fois nécessaire et proportionnel, et la force meurtrière ne doit être employée intentionnellement que lorsque cela est strictement indispensable afin de protéger une vie.