Il faut libérer le journaliste guatémaltèque José Rubén Zamora

Alors que 800 jours se sont écoulés depuis l’arrestation du journaliste José Rubén Zamora Marroquín, les organisations ARTICLE 19 México y Centroamérica, Amnesty International, Committee to Protect Journalists (CPJ), Free Press Unlimited, Freedom House, Fundación para la Libertad de Prensa (FLIP), Fundamedios, Protection International Mesoamérica et Reporters sans frontières (RSF) ainsi que le réseau IFEX-ALC, réitèrent la demande de libération rapide et inconditionnelle du journaliste et fondateur du média elPeriódico. Nous demandons en particulier aux autorités du ministère public et de l’appareil judiciaire de procéder de manière juste et impartiale et de garantir ses droits à tout moment. Nous demandons en outre au gouvernement guatémaltèque de mettre en œuvre les mesures permettant de réparer les préjudices causés au journaliste, à sa famille et à la société guatémaltèque du fait du harcèlement judiciaire dont il fait l’objet parce qu’il a exercé ses droits à la liberté d’expression et à la liberté de la presse

Le directeur de publication et fondateur du média elPeriódico qui a cessé d’exister, José Rubén Zamora, est en détention depuis le 29 juillet 2022 ; il a été incarcéré à la suite d’accusations de blanchiment d’argent. Les accusations portées contre lui, sa détention et la procédure judiciaire sont entachées d’irrégularités [1] et elles ont été engagées de façon arbitraire par des agents de l’État qui sont actuellement inscrits sur la Liste Engel des États-Unis pour atteinte à l’état de droit [2].

Le 14 juin 2023, un tribunal a déclaré José Rubén Zamora coupable et l’a condamné à six ans d’emprisonnement pour blanchiment d’argent [3], alors que le parquet spécial contre l’impunité (FECI), dirigé par Rafael Curruchiche, avait requis une peine de quarante ans d’emprisonnement. Cependant, en octobre 2023, la Cour d’appel a annulé cette peine et ordonné un nouveau procès. En septembre de cette année, la Cour suprême a fait savoir que le nouveau procès ne se tiendrait pas avant septembre 2025.

Entre-temps, José Rubén Zamora a été soumis à une autre mesure de détention provisoire en lien avec deux nouvelles accusations sans fondement pour les infractions présumées d’obstruction à la justice et de falsification de documents.

En août de cette année, un tribunal lui a accordé l’assignation à résidence dans une des affaires pour la deuxième fois, mais le journaliste reste incarcéré en raison de la mesure imposée dans une autre affaire. Cette détention arbitraire prolongée, en dehors du cadre légal, viole la présomption d’innocence de José Rubén Zamora. Comme l’a indiqué un de ses fils [4], « la détention provisoire de mon père est devenue une peine par anticipation pour un crime qu’il n’a pas commis ».

Compte tenu du caractère systématique du harcèlement judiciaire dont il fait l’objet [5], et des actes d’intimidation et de harcèlement que subissent sa famille [6] et plusieurs avocat·e·s [7] chargés de sa défense, nous, organismes et organisations internationaux, prenons la parole pour attirer l’attention sur le fait que cet homme est détenu depuis 800 jours injustement et illégalement.

Les mesures prises par le ministère public, sous la direction de Consuelo Porras, et le FECI ont systématiquement été disproportionnées et hors du commun, et aucune preuve claire n’a été apportée. Cela constitue une stratégie évidente de répression de la voix critique et du travail journalistique de José Rubén Zamora, notamment en ce qui concerne les investigations concernant l’ancien président Alejandro Giammattei. Dans son travail journalistique, pour lequel il cumule une expérience de plus de 30 ans, il s’est attaché à rendre visible et à informer sur les réseaux de corruption et d’impunité internes de l’État guatémaltèque.

Le harcèlement judiciaire exercé en représailles contre le travail de journalistes constitue une attaque flagrante contre l’état de droit au Guatemala

En juillet 2024, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à la suite à sa visite au Guatemala [8] du 22 au 26 juillet, a souligné le manque d’indépendance judiciaire et l’usage disproportionné du système pénal contre les voix critiques – telles que celle de ce journaliste – au Guatemala.
En mai de cette année, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a demandé la libération immédiate du journaliste dans un avis [9] relatif à cette affaire, indiquant que ce dernier était emprisonné pour des « des motifs d’opinion politique ». Il a également indiqué que les poursuites engagées contre José Rubén Zamora portaient sur six articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’article 19, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Guatemala est partie.

Les organisations signataires demandent donc au gouvernement guatémaltèque, notamment au président Bernardo Arévalo et en particulier en ce qui concerne le droit à l’accès à la justice, de prendre les mesures nécessaires, conformément à ses obligations internationales relatives aux droits humains, pour remédier à la situation de José Rubén Zamora, ce qui comprend la réparation intégrale du préjudice subi par ce dernier, y compris en ce qui concerne les actes de torture, et de renforcer les efforts visant à respecter les recommandations formulées par les organismes internationaux pour qu’il soit mis fin à sa détention arbitraire.

Nous soulignons que le cas de José Rubén Zamora est emblématique en raison des conséquences sur sa personne et sur son travail, ainsi que des effets négatifs et dissuasifs pour l’écosystème journalistique et médiatique du pays. Le harcèlement judiciaire exercé en représailles contre le travail de journalistes constitue une attaque flagrante contre l’état de droit au Guatemala.

#ZamoraLibre

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