Communiqué de presse

Il faut respecter les droits des personnes LGBTI

Le 22 juillet, Dwayne Jones, 17 ans, a été lynché à St. James, en Jamaïque, après que quelqu’un eut fait remarquer qu’il était travesti. Ce meurtre est le dernier drame en date d’une série de manifestations d’intolérance et d’homophobie très marquées constatées dans les Caraïbes. Au Belize, le militant Caleb Orozco a reçu des menaces en mai dernier après avoir déposé un recours contre la « loi sur la sodomie » devant la Cour suprême. Ces menaces constituent un exemple de plus des risques auxquels s’exposent les défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) lorsqu’ils mènent leurs actions, pourtant essentielles.

Depuis longtemps déjà, des cas flagrants de discrimination ont été signalés dans les pays anglophones des Caraïbes, dont des épisodes de violences motivées par la haine. Cette discrimination et ces violences demeurent légales grâce au maintien de lois datant de l’ère coloniale qui érigent en crime les relations homosexuelles entre adultes consentants, ce qui crée un climat d’hostilité envers ces personnes du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelles ou perçues comme telles.

Toutefois, des événements récents ont montré que, malheureusement, d’autres pays des Caraïbes, comme Haïti ou la République dominicaine, pourraient eux aussi montrer des tendances inquiétantes de discrimination et d’intolérance à l’égard des LGBTI.

En Haïti, des organisations haïtiennes qui s’efforcent de sensibiliser l’opinion publique sur les droits des LGBTI et d’ouvrir un débat sur l’opprobre qui entoure l’homosexualité dans le pays ont commencé à recevoir des menaces lorsqu’elles se sont exprimées de manière plus énergique. Le 26 juin, la Coalition haïtienne des organisations religieuses et morales a appelé à manifester contre l’homosexualité et le mariage entre personnes du même sexe.

Depuis cette manifestation, qui a eu lieu le 19 juillet, le nombre d’agressions violentes contre des LGBTI aurait fortement augmenté dans tout le pays, et un grand nombre d’organisations et de militants et autres personnes vivent désormais dans la peur.

Le fait que les États-Unis aient récemment nommé en République dominicaine un ambassadeur ouvertement gay et militant des droits des gays a déclenché une vague de réactions négatives de la part de divers groupes religieux. Ceux-ci ont appelé à manifester le « lundi noir » 15 juillet, en invitant les manifestants à descendre dans la rue vêtus de noirs et à décorer leurs voitures et les bâtiments de noir en guise de protestation contre cette nomination.

Ce que nous racontent ces faits est que le chemin vers la tolérance, le respect et l’acceptation de la diversité est encore très long dans les Caraïbes, mais aussi que, jour après jour et dans toute la région, le militantisme augmente et les gens se sentent de plus en plus concernés.

Alors qu’un nombre croissant de courageux militants élèvent leur voix contre la discrimination, y compris en déposant des recours contre des lois discriminatoires dans des pays comme le Belize, la Guyane et la Jamaïque, il apparaît de plus en plus urgent que les gouvernements des Caraïbes se positionnent clairement comme étant opposés à la violence motivée par la haine et à la discrimination contre les LGBTI.

Le fait que les gouvernements d’Haïti et de Jamaïque aient condamné respectivement la violence homophobe de la marche du 19 juillet et le meurtre de Dwayne Jones constitue certes un premier pas en avant, que les autres gouvernements de la région devraient faire également chaque fois que se produisent des événements de cette nature. Cela devrait toujours être suivi d’une enquête indépendante et approfondie sur tous les cas de violences contre les LGBTI et d’atteinte à leurs droits. En outre, les gouvernements caribéens devraient abolir les lois discriminatoires – et notamment les lois sur la sodomie qui érigent en crimes les relations sexuelles dans la sphère privée entre personnes consentantes. Ils devraient adopter des lois et des politiques interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ainsi que les crimes de haine homophobes et transphobes.

Cependant, le fléau de l’intolérance et de la discrimination ne pourra être combattu à long terme, dans la région et dans le monde, que grâce à des campagnes d’information et à des programmes d’éducation aux droits humains.

Un événement encourageant a eu lieu la semaine dernière, lorsque l’archevêque Desmond Tutu, icône du mouvement anti-apartheid et Prix Nobel de la paix, Navi Pillay, haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, et Edwin Cameron, juge de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, ont ensemble lancé une campagne mondiale sans précédent d’éducation aux droits humains dont l’objectif est de promouvoir un plus grand respect pour les droits des LGBTI partout dans le monde. Comme l’a dit Navy Pillay lors du lancement de la campagne, pour éradiquer la discrimination il ne suffira pas de changer les lois et les politiques. Il faudra aussi changer le cœur et l’esprit des hommes et des femmes.

Il est à espérer que les gouvernements caribéens réagiront de manière positive à cette campagne et qu’ils se sentiront encouragés à la transposer aux niveaux national et sous-régional. Après tout, il leur incombe de rendre leur société aussi ouverte et respectueuse que possible, et ils ont la chance de pouvoir le faire.

Par Chiara Liguori, chercheuse sur les Caraïbes au sein d’Amnesty International

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