FÉDÉRATION DE RUSSIE : Un pas dans la bonne direction

Amnesty International se félicite de la décision du gouvernement russe d’autoriser la publication aujourd’hui d’un des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), rédigé à l’issue de sa visite en Fédération de Russie.

« Il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction, qui pourrait permettre de faire reculer la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants des personnes privées de leur liberté en Fédération de Russie », a déclaré l’organisation de défense des droits humains.

« Les travaux de recherche d’Amnesty International montrent que la torture et les mauvais traitements sont monnaie courante en détention, a indiqué l’organisation. En République tchétchène, ces pratiques s’accompagnent fréquemment de « disparitions ». Nous espérons que la publication de ce rapport se traduira par un renforcement de l’obligation des responsables de rendre des comptes et qu’elle est bien le signe d’une volonté de la part des autorités russes de prendre des mesures visant à prévenir la torture et à faire en sorte que les auteurs de tels actes soient traduits en justice. »
Le CPT est un organisme composé d’experts indépendants et impartiaux, mis en place au titre de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ratifiée en 1998 par la Fédération de Russie. Des délégations du CPT ont pour l’instant effectué 11 visites dans différentes régions du pays. Six de ces visites, dont la dernière, qui a eu lieu du 23 au 29 mai 2003, se sont déroulées en République tchétchène.

« Amnesty International appelle les autorités de la Fédération de Russie à faire clairement comprendre aux organes chargés de l’application des lois et aux forces de sécurité qu’ils doivent respecter les droits humains en toutes circonstances et que les auteurs d’atteintes à ces droits devront répondre de leurs actes devant les tribunaux », a ajouté l’organisation.

Amnesty International mène actuellement une campagne d’un an pour que les droits fondamentaux de tous et de toutes soient mieux respectés et protégés en Fédération de Russie. Depuis le début de cette campagne, elle demande aux autorités russes d’autoriser la publication de tous les rapports rédigés par le CPT à l’issue de ses visites.

L’organisation de défense des droits humains prie instamment le gouvernement russe :
de rendre publics les rapports rédigés par le CPT concernant toutes ses visites en Fédération de Russie,
de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre sans tarder les recommandations du CPT,
et d’informer le public de la nature de ces mesures.

Contexte

La Fédération de Russie a adhéré en 1998 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), établi au titre de la Convention, est constitué d’experts indépendants et impartiaux qui, par leurs visites et leurs recommandations, s’efforcent de protéger les personnes détenues des risques de torture ou de traitements cruels ou inhumains. Les rapports des visites du CPT et ses recommandations sont confidentiels. Ils ne peuvent être rendus publics qu’avec l’autorisation des gouvernements concernés.
La Fédération de Russie a été le dernier État partie à la Convention européenne contre la torture à autoriser la publication d’un des rapports du CPT.

Le CPT peut, à titre tout à fait exceptionnel, diffuser des déclarations publiques concernant ses préoccupations dans tel ou tel pays. C’est ce qu’il a fait en juillet 2001, le gouvernement russe n’ayant pas donné suite à ses recommandations sur la République tchétchène. Le CPT faisait part dans cette déclaration de son inquiétude quant à l’impasse dans laquelle il se trouvait avec la Fédération de Russie sur deux questions, à savoir l’ouverture d’une enquête approfondie et indépendante sur des faits qui se seraient produits entre décembre 1999 et le début du mois de février 2000 au centre de détention de Tchernokozovo (un certain nombre d’informations indiquant que, selon toute vraisemblance, de nombreux détenus y auraient été maltraités), et les mesures prises pour mettre en évidence les affaires de mauvais traitements perpétrés sur des détenus en République tchétchène dans le cadre du conflit en cours et pour engager des poursuites contre les responsables.
Des informations accablantes, recueillies ces dernières années par Amnesty International auprès, entre autres, de victimes, attestent de l’usage généralisé de la torture et des mauvais traitements par les responsables de l’application des lois, aux quatre coins de la Fédération de Russie.

Le 2 janvier 2001, Zelimkhan Mourdalov, qui habitait à Grozny, la capitale tchétchène, est sorti de chez lui, en disant qu’il s’absentait une heure. Il n’est jamais revenu. Son père a appris qu’un jeune homme correspondant à son signalement avait été arrêté en centre-ville. La police lui a déclaré que Zelimkhan avait été arrêté pour possession de cannabis et qu’il avait été finalement libéré. Or, selon certaines informations, des personnes ayant partagé la même cellule que Zelimkhan Mourdalov auraient déclaré avoir vu le jeune homme le 3 janvier 2001. Selon leur témoignage, il avait été passé à tabac, était sans connaissance et il avait été mutilé. Une information judiciaire a été ouverte en janvier 2001 sur la « disparition » de Zelimkhan Mourdalov. Le père du jeune homme ne sait toujours pas ce qu’est devenu son fils et nul n’a été traduit en justice dans le cadre de cette affaire.

Tigran Airapetian, dix-huit ans, a été arrêté par un policier en 2001, dans le nord de Moscou. Il était accusé d’avoir exigé de l’argent d’une personne de sa connaissance, avec qui il s’était disputé au sujet d’un téléphone portable. Le policier a conduit le jeune homme au commissariat, où il aurait été passé à tabac. Après sa libération, Tigran Airapetian a porté plainte. Le parquet de l’arrondissement Boutyrski a ouvert une information judiciaire. Celle-ci a cependant été fermée « en attendant que les personnes accusées de l’infraction puissent être identifiées », alors que Tigran Airapetian avait fait une description détaillée et donné les noms de trois de ses agresseurs présumés. Estimant que les droits que lui garantissait la Convention européenne des droits de l’homme avaient été violés, Tigran Airapetian a porté plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg.

Amnesty International continue de recevoir des informations faisant état de « disparitions » en Tchétchénie. Selon des articles parus dans la presse, deux personnes en moyenne continueraient de « disparaître » chaque jour.

Index AI : EUR 46/059/2003

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