Communiqué de presse

Fouetté pour avoir osé aimer Par Makmid Kamara, chercheur sur le Nigeria à Amnesty International.

C’est un réel choc de voir un homme allongé sur un banc dans un tribunal bondé, dans le nord du Nigéria, hurlant de douleur tandis qu’il reçoit 20 coups d’un fouet enduit d’huile.

Pourtant, cela ne détone pas outre mesure dans un pays où les rapports entre personnes de même sexe sont interdits et où les hommes sont condamnés à la flagellation par les tribunaux islamiques pour avoir commis des « crimes homosexuels ».

Cette persécution homophobe atteint désormais des sommets impensables.

Le 13 janvier, le président nigérian Goodluck Jonathan a ratifié la loi sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe. D’un coup de crayon et sans hésiter, il a entériné dans le pays la plus vaste restriction des droits fondamentaux depuis la fin de la dictature militaire en 1999.
La traque a démarré sans attendre.

Dès que la loi a été adoptée, de nombreuses personnes soupçonnées d’avoir des relations avec des personnes de même sexe ont été interpellées dans la rue par la police et la hisbah (la police islamique), arrêtées chez elles et placées en garde à vue. Certaines avaient été « signalées » par leurs voisins.

La quasi-totalité des personnes arrêtées ont été placées à l’isolement, sans avoir la possibilité de consulter un avocat.

Des défenseurs des droits humains ont indiqué que dans l’État de Bauchi, dans le nord du pays, la police a dressé la liste de 167 personnes susceptibles d’être arrêtées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre présumée.

Un commissaire-adjoint de cet État a déclaré à Amnesty International que cette liste faisait partie de son « descriptif des profils de délinquants ».

Il a déclaré : « Nous l’utilisons pour effectuer notre surveillance, mais il n’y a pas 167 noms sur cette liste. Nous avons également recours à cette liste pour savoir qui sont leurs victimes. »

La nouvelle loi interdit toute forme de relations, y compris les « relations de concubinage », les relations bienveillantes ou les « relations indépendantes entre adultes » de même sexe.

Elle sanctionne d’une peine de 10 ans d’emprisonnement toute démonstration publique d’affection entre deux personnes de même sexe, y compris un baiser.

Toute personne qui soutient publiquement, rencontre ou forme une organisation défendant les droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) est également passible de 10 ans de prison.

Les personnes de même sexe qui partagent une chambre parce qu’elles ne peuvent rien s’offrir d’autre – ce qui n’est pas inhabituel dans un pays où la majorité de la population vit avec moins d’un dollar par jour – pourraient se voir accusées d’entretenir une relation et passer des années derrière les barreaux.

Toute personne pourrait accuser son voisin d’être homosexuel ou de s’être exprimé sur les droits des LGBTI.

Les hommes et les femmes vivant avec le VIH/sida y réfléchiront à deux fois avant de solliciter des soins et des traitements, par peur de tomber sous le coup de cette nouvelle loi.

Les autorités nigérianes semblent obnubilées par les relations entre personnes de même sexe, alors que des problèmes relatifs aux droits humains bien plus importants restent en jachère.

L’Assemblée nationale a choisi de consacrer du temps à débattre et adopter une loi qui s’ingère dans la vie privée des gens, au lieu d’ériger en infraction la torture ou de réformer la justice pénale.

Ce texte de loi inquiétant ne fait qu’élaguer le concept fondamental de liberté individuelle. Il enfreint la Constitution nigériane, qui garantit le droit à la liberté d’expression et d’association, ainsi que le droit de vivre libre de toute discrimination.

Les conséquences sont déjà terribles. Une chasse aux sorcières est lancée, synonyme de persécution pour toute une partie de la société uniquement sur la base de l’orientation sexuelle. Cette loi doit être abrogée sans délai.

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