Communiqué de presse

France. L’expulsion forcée menée à Saint-Ouen relève d’une politique cruelle ayant de terribles effets sur les droits humains

Les habitants d’un quartier informel de Saint-Ouen (en Seine-Saint-Denis), décrit par les médias comme l’un des campements roms les plus importants de France – on estime que 800 personnes y vivaient à un moment donné –, ont été expulsés de force le matin du mercredi 27 novembre 2013. Selon les médias, environ 70 mineurs figuraient parmi les quelque 250 personnes évacuées. La grande majorité des résidents expulsés se sont semble-t-il retrouvés à la rue, sans nulle part où vivre, par une température de 7°C qui annonçait le début de l’hiver.

Amnesty International a une nouvelle fois déploré que les autorités françaises – à l’échelon national et local – continuent à bafouer le droit international relatif aux droits humains en procédant à des expulsions forcées de ce type. Les expulsions telles que celle-ci peuvent avoir des conséquences désastreuses : des centaines de personnes se retrouvent sans domicile, exposées à des conditions climatiques peu clémentes et à de nouvelles violations des droits humains. Amnesty International était particulièrement préoccupée par l’impact négatif de cette expulsion sur des groupes vulnérables parmi les expulsés, comme par exemple les enfants scolarisés et les personnes souffrant de problèmes de santé aigus. Cette expulsion a eu lieu en dépit des orientations claires données aux préfets dans la circulaire du 26 août 2012, qui les encouragent notamment à favoriser l’accès à la vaccination et aux soins prénataux. Amnesty International considère que l’expulsion forcée menée à Saint-Ouen est le dernier exemple en date d’une politique cruelle d’évacuation forcée des sites d’habitat informel à travers la France.

L’expulsion de Saint-Ouen a été effectuée par des policiers et des huissiers de justice agissant sur les ordres du préfet de Seine-Saint-Denis, à la suite d’une décision rendue par le tribunal de grande instance de Bobigny le 2 octobre 2013. Le tribunal s’est prononcé à la demande des propriétaires des parcelles occupées, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Réseau ferré de France (RFF), qui demandaient la restitution de ces terrains, et du maire de Saint-Ouen, qui affirmait que les habitations situées sur ou à proximité des rails de chemins de fer posaient un véritable risque de sécurité. Des organisations non gouvernementales et des articles de presse ont indiqué que les premiers habitants de ce quartier informel, situé sur des terrains vagues jouxtant une centrale de chauffage, sont arrivés pendant l’été 2013 à la suite d’expulsions forcées de grande ampleur dans d’autres campements de Roms en région parisienne.

La circulaire du 26 août 2012, malgré ses nombreux défauts, reste facultative et les préfets ne sont donc pas obligés de l’appliquer. Amnesty International continue à demander aux autorités françaises de mettre en place de véritables garanties permettant d’éviter les expulsions forcées, notamment en modifiant la circulaire du 26 août 2012, de manière à :
– assurer que personne ne se retrouve sans domicile à la suite de l’évacuation d’un quartier informel et à proposer à l’ensemble des habitants un abri ou une solution de relogement adéquats, plusieurs jours avant la date prévue pour l’expulsion ;
– interdire les évacuations de quartiers informels durant la trêve hivernale qui s’applique aux autres expulsions (du 1er novembre au 15 mars) ;
– garantir qu’une véritable consultation soit menée auprès des personnes concernées et que celles-ci puissent elles-mêmes suggérer des solutions de remplacement ;
– veiller à ce que les personnes visées reçoivent des informations pertinentes sur les opérations d’expulsion suffisamment à l’avance.

Les autorités françaises doivent par ailleurs garantir l’accès à certains services essentiels afin de respecter la dignité des personnes vivant dans les quartiers informels, notamment un approvisionnement en eau, le ramassage des ordures et des installations sanitaires adéquates, plutôt que d’invoquer l’absence de ceux-ci pour procéder à une expulsion. Les droits à l’éducation et à la santé doivent eux aussi être respectés sans discontinuer.

En septembre 2013, Amnesty International a publié un rapport intitulé Condamnés à l’errance : Les expulsions forcées de Roms en France (voir document ci-dessous), qui examinait les évacuations à répétition menées dans des quartiers informels où vivaient des Roms dans les agglomérations de Paris, Lille et Lyon. Ce document, qui faisait suite à un rapport de 2012 diffusé sous le titre Chassés de toutes parts. Les expulsions forcées de Roms en Île-de-France, a souligné qu’en procédant à des expulsions forcées, les autorités françaises continuaient à faire fi des obligations qui sont les leurs en vertu du droit international relatif aux droits humains. Aux termes de celui-ci, il n’est possible de procéder à des expulsions que si des garanties de procédure adaptées sont mises en place, des solutions de relogement convenables proposées et les habitants relogés indemnisés pour tous les préjudices subis.

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