Les violences évoquant un lynchage infligées en banlieue parisienne à un adolescent rom aujourd’hui dans le coma comptent parmi plusieurs crimes commis récemment contre des personnes appartenant à des minorités, qui pourraient être motivés par la haine. Selon Amnesty International, ces actes doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et les autorités françaises ne doivent pas se contenter de les condamner.
Par ailleurs, les autorités ont utilisé d’importantes ressources pour effectuer des expulsions forcées qui visent les Roms et d’autres groupes minoritaires, ainsi que des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile.
« En ne réagissant pas lorsque surviennent des crimes peut-être motivés par la haine, les autorités françaises laissent se développer un climat de peur qui peut donner naissance à de nouvelles agressions. Les responsables présumés de ces actes doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et de poursuites prenant en compte les motifs discriminatoires qui pourraient sous-tendre les violences », a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale.
« Dans ce contexte, les expulsions forcées qui visent en ce moment des groupes minoritaires et des migrants dans toute la France jettent de l’huile sur le feu et constituent une violation supplémentaire des droits humains des groupes concernés. Les Roms et les autres minorités ont le droit d’être protégés contre la discrimination, et ne doivent pas voir leur sort encore aggravé en étant pris pour cible par les autorités. »
Les agressions contre les minorités
Selon les informations données par les médias, un Rom âgé de 16 ans vivant dans un bâtiment squatté à Pierrefitte-sur-Seine (banlieue de Paris) aurait été enlevé, roué de coups et abandonné sans connaissance à la fin de la semaine dernière. Les auteurs des faits, une douzaine de personnes, le soupçonnaient de cambriolages. Il a été retrouvé inconscient et grièvement blessé dans un chariot de supermarché vendredi 13 juin.
Dans la nuit du 12 juin, à Calais, ville portuaire du Nord de la France, un homme de 26 ans aurait tiré sur deux migrants, l’un soudanais, l’autre érythréen. Le Soudanais a été hospitalisé en raison de ses blessures. Le suspect aurait été arrêté le 15 juin.
Amnesty International n’a pas pu vérifier si les victimes de ces tirs ont été visées essentiellement ou partiellement en raison de leur origine. Mais l’organisation a déjà mené des recherches sur des violences et des menaces visant, en France, les membres de groupes minoritaires. Elle a constaté que, même si le Code pénal français considère comme une « circonstance aggravante » un mobile discriminatoire et prévoit des peines plus lourdes en cas d’infraction motivée par la haine, les enquêtes ne comportent pas de procédure spécifique prenant en considération la violence discriminatoire.
« En vertu du droit international, les autorités françaises sont dans l’obligation, non seulement de poursuivre les auteurs présumés d’un crime qui semble motivé par la haine, mais également de veiller à ce que l’enquête et les poursuites révèlent et prennent en compte la nature discriminatoire de l’infraction », a déclaré Jezerca Tigani.
Expulsions forcées
Non seulement les Roms et les migrants sont exposés en permanence au risque de violences discriminatoires, mais les autorités françaises continuent à leur faire subir des expulsions forcées sans respecter les garanties prévues par le droit international et la législation nationale.
Un groupe de 200 Roms à Bobigny, près de Paris, et un autre composé de 400 personnes dans le quartier de La Parette, à Marseille, risquent d’être expulsés dans la deuxième moitié de juin. Aucun de ces deux groupes n’a bénéficié d’une consultation sérieuse ou ne s’est vu proposer des solutions de relogement.
Les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile risquent eux aussi de subir des expulsions forcées. Le 28 mai 2014, les autorités françaises ont expulsé par la force environ 700 migrants et demandeurs d’asile installés à Calais dans des campements de fortune, réagissant ainsi à une épidémie de gale.
« Que le problème relève de la santé publique ou qu’il s’agisse de crimes semblant motivés par la haine, au lieu de résoudre la question concernée, les autorités françaises semblent recourir aux expulsions forcées comme solution passe-partout. C’est là une réaction dangereuse et contraire au droit, qui ne peut qu’exacerber les problèmes de fond et qui prive de tout abri des centaines de personnes », a déclaré Jezerca Tigani.