Communiqué de presse

France. Les autorités doivent mettre fin aux expulsions forcées visant les Roms

Amnesty International est vivement préoccupée par l’expulsion forcée, le 1er septembre, de 150 à 200 Roms vivant dans un campement situé à Saint-Denis, en région parisienne. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une série d’expulsions menées par les autorités françaises. Les expulsions forcées violent plusieurs traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains, auxquels la France est partie et qui lui imposent de respecter le droit des personnes à un logement décent et de ne pas procéder à des expulsions forcées et de les empêcher.

Le 1er septembre, l’évacuation du camp rom situé non loin de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis aurait été menée par les CRS (Compagnies Républicaines de Sécurité), une force de police antiémeutes. Selon certains médias, des dizaines de familles, qui seraient originaires de Bulgarie et de Roumanie, ont été expulsées de leurs abris de fortune, dans le camp de Saint-Denis. Les baraques ont ensuite été démolies au titre d’une ordonnance d’expulsion délivrée par le tribunal de grande instance de Bobigny le 18 juillet. D’après des témoignages recueillis par l’organisation non gouvernementale (ONG) Médecins du Monde, les habitants n’ont pas été dûment informés au préalable par les autorités, pas plus qu’ils n’ont été consultés avant leur expulsion.

Les familles dont les habitations ont été démolies auraient été dirigées par les policiers vers une station de tramway toute proche, où elles ont été contraintes de monter à bord de rames affrétées par la RATP, régie des transports parisiens, en ignorant tout de leur destination. Des agents locaux de la RATP ont plus tard confirmé publiquement que le tram avait été mis à disposition des services de police sur la base d’une « décision prise localement, dans une situation d’urgence », afin d’éviter tout retard sur la ligne de tramway.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, les policiers antiémeutes sont montés à bord du tramway avec les Roms afin de les empêcher d’en descendre. Des enfants auraient été séparés de leurs parents ou d’adultes de leur famille au cours de l’expulsion et à l’arrivée du tramway à destination, à Noisy-le-Sec. Les familles auraient alors été escortées jusque dans le RER. Selon des témoins, les CRS se tenaient sur les quais à chaque arrêt pour empêcher les Roms de descendre du train. Selon d’autres informations, certaines familles ont alors tenté de s’installer à différents endroits mais ont été évacuées par les autorités. On ignore où elles se trouvent actuellement.

Livia Otal, coordinatrice de la mission Roms à Médecins du Monde, à la Plaine Saint-Denis, a déclaré à Amnesty International qu’elle était extrêmement inquiète quant à la possibilité pour les personnes expulsées d’avoir accès à une aide médicale. L’équipe à Saint-Denis dispensait cette aide aux habitants du campement, mais ignore totalement où se trouvent la plupart de ces personnes depuis leur expulsion.

Une expulsion forcée consiste à obliger des personnes à quitter contre leur volonté le domicile ou le terrain qu’elles occupent, sans aucune protection juridique ni autre garantie. Aux termes du droit international, les expulsions ne doivent être pratiquées qu’en dernier ressort et uniquement après examen de toutes les autres solutions possibles, en réelle consultation avec les occupants touchés. Les autorités doivent les prévenir suffisamment à l’avance et leur proposer des recours utiles et une indemnisation pour tous les préjudices subis. Elles doivent veiller à ce que personne ne se retrouve sans domicile ni exposé à d’autres atteintes aux droits humains à la suite d’une expulsion. Les personnes qui ne peuvent pas se reloger elles-mêmes doivent se voir proposer une solution adaptée. Ces garanties s’appliquent en toutes circonstances, que les personnes occupent ou détiennent légalement ou non les terrains ou les maisons où elles vivent. Les gouvernements ne sont pas autorisés à recourir à des expulsions forcées à titre punitif.

Les conséquences des expulsions forcées sont bien souvent catastrophiques. Les personnes perdent leurs biens et leurs liens sociaux, et se retrouvent privées d’accès au travail, à l’éducation et aux services de santé. La plupart se retrouvent sans domicile, encore plus exposées qu’auparavant à des atteintes aux droits humains.

Par ailleurs, les autorités françaises ont bafoué le droit de circuler librement de ces familles et leur droit de choisir leur lieu de résidence, en les forçant à quitter le secteur, en les obligeant à monter dans un tramway contre leur gré et en les empêchant d’en descendre.

Le 27 avril, Amnesty International a adressé un courrier au ministre de l’Intérieur, lorsqu’il a pris ses fonctions, l’exhortant à veiller à ce que les autorités françaises ne procèdent pas à des expulsions forcées visant les communautés roms et à ce que les expulsions n’interviennent qu’en dernier ressort et dans le plein respect des garanties inscrites dans le droit et les instruments régionaux et internationaux en matière de droits humains. L’organisation n’a toujours pas reçu de réponse.

Amnesty International exhorte le gouvernement français à garantir aux habitants du campement de Saint-Denis un accès à des recours utiles, et à leur proposer une solution de relogement adaptée et une indemnisation pour les préjudices subis. Il doit veiller immédiatement à ce que les familles séparées à la suite de l’expulsion soient réunies et établir où se trouvent les personnes expulsées le 1er septembre. Enfin, le gouvernement français doit mettre un terme aux expulsions forcées et respecter le droit de tous à un logement décent et à la liberté de mouvement.

Complément d’information

La vague d’expulsions s’inscrit dans un contexte de stigmatisation des Roms par des responsables politiques français, qui ont au départ fait explicitement référence aux « Roms », et semblent désormais les prendre pour cibles en fonction de leur nationalité. Lors d’une réunion interministérielle organisée en juillet 2010 pour débattre des « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms », le président Nicolas Sarkozy a désigné les « campements illicites » habités par les Roms comme étant des sources de criminalité et demandé au gouvernement de les démanteler dans un délai de trois mois. Le 5 août 2010, le ministre de l’Intérieur a donné pour instruction aux préfets de démanteler systématiquement les « camps illicites », en donnant la priorité à ceux des Roms, et de procéder à la « reconduite immédiate des étrangers en situation irrégulière ». Cette instruction a été supprimée après sa publication par les médias. Elle a été remplacée, le 13 septembre 2010, par une autre qui mentionnait « toute installation illégale, quels qu’en soient les occupants ».

Pas plus tard que le 29 août 2011, lors d’une interview télévisée, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a montré du doigt « la délinquance roumaine » et appelé à un durcissement des mesures prises pour lutter contre les crimes imputables aux mineurs roumains et à une coopération accrue avec les autorités roumaines afin de faciliter leur retour en Roumanie.

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